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Les Palestiniens ne devraient-ils pas revoir leurs priorités ?
lundi 20 août 2012 - Khaled Amayreh
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Abbas et son entourage de profiteurs multiplient les formules creuses et les discours sans consistance, pour tenter de dissimuler ce qui n’est qu’une collaboration éhontée de l’AP de Ramallah avec l’occupant israélien - Photo : AFP/Abbas Momani

Les coffres étant vides et ans aucune percée politique en vue, la direction de Ramallah s’échine à trouver « des solutions à court terme, » plutôt qu’à traiter et résoudre des problèmes de fond.

Quelques observateurs accusent l’AP de vouloir détourner l’attention des Palestiniens des vraies questions, pour masquer son manque de détermination d’en finir avec l’occupation israélienne vieille de plusieurs décennies.

L’ex-président palestinien Mahmoud Abbas a déclaré cette semaine qu’il prévoyait d’organiser des élections municipales dès octobre. Il n’a pas dit ce qu’il ferait si Israël empêchait le tenue de ces élections.

Jusqu’ici, tous les efforts pour une réconciliation nationale entre le Fatah et Hamas ont échoué, principalement en raison du cordon ombilical qui existe entre l’AP et l’occupation israélienne.

L’armée israélienne d’occupation continue à contrôler chaque rue et quartier en Cisjordanie, dont les secteurs censés être autonomes comme Ramallah, de facto la capitale de l’AP.

Inutile de dire que l’AP ne peut quasiment rien faire sans l’autorisation ou consentement des Israéliens, ce qui signifie que c’est Israël et non l’AP, qui a le dernier mot sur tous les sujets, comme décider quand les élections auront lieu et qui aura le droit d’y participer.

La semaine dernière, un ministre du conseil israélien a été repris par la presse après avoir déclaré que l’AP avait une seule raison d’exister : pour servir les intérêts sécuritaires des Israéliens.

Le ministre ajouta : « Si l’AP échoue à remplir cette tâche au pied de la lettre, alors elle perdra sa raison d’être en ce qui concerne Israël ».

Aucun des responsables de l’AP ne s’est risqué à commenter, et encore moins à contester, les remarques arrogantes du ministre israélien.

La vérité est que l’AP est une Autorité sans autorité, un état policier sans État, une entité à nulle autre pareille. Beaucoup de Palestiniens ont l’habitude de se référer à elle comme à un Judenrat palestinien, un esclave pour Israël et à un sous-traitant de l’occupation.

C’est dû principalement à la stupidité et à l’inconscience de l’OLP qui a voulu croire que l’AP serait une étape intermédiaire vers l’établissement d’un État Palestinien viable, avec Jérusalem comme capitale, comme cela ne cesse d’être répété ad nauseam de façon incantatoire, surtout pour masquer le fiasco et l’abscence de projet du régime de Ramallah.

Mais comment les Palestiniens pourraient-il organiser de vraies élections dans les circonstances présentes ?

Pour organiser de vraies élections, il doit y avoir en premier lieu un degré minimal de liberté d’expression et de réunion pour faire campagne et tenir des réunions électorales. Mais comme il est bien connu, aucune de ces conditions n’est aujourd’hui remplie en Cisjordanie : les agences de sécurité de l’AP continuent de réprimer, maltraiter et parfois torturer les éléments « non conformistes », particulièrement les personnes appartenant aux courants islamistes.

En outre, la coordination répressive entre l’armée israélienne d’occupation et l’appareil de sécurité de l’AP, qui laisse une tache déshonorante et indélébile sur le mouvement national palestinien, est toujours à son plus haut niveau.

La « coordination de sécurité » est un euphémisme suggérant toutes sortes de connivences entre le maître et l’esclave contre l’ennemi commun, qui est le Hamas et d’autres patriotes palestiniens qui luttent pour la liberté et la fin de l’occupation israélienne.

En dernière analyse, il est ici question d’une servilité pratiquement totale vis-à-vis d’Israël de la part de l’AP, indépendamment des discours sans contenu que nous continuons à entendre.

Indépendamment de la question de l’absence des libertés de base et des conditions démocratiques nécessaires pour tenir de véritables élections, il n’y a aucune garantie qu’Israël permette aux organisations islamiques de participer au scrutin.

Israël a déjà déclaré illégal le bloc parlementaire du Hamas, la liste pour la Réforme et le Changement, signifiant ainsi qu’aucune liste islamique ne sera autorisée à participer à des élections et que les candidats islamistes seront kidnappés et enfermés dans les cachots et les camps de détention israéliens pour une captivité à durée illimitée qui pourra durer des années et des années. Même aujourd’hui, six années et demi après les élections législatives de 2006, plus de 20 députés islamistes languissent toujours dans les geôles israéliennes sans accusation ni procès, pour la seule raison qu’ils ont participé à des élections dont les résultats n’ont pas plu à Israël.

L’expérience cauchemardesque des six dernières années devrait suffisamment servir de leçon pour que le Fatah et le Hamas s’abstiennent de déclarations théâtrales qui n’apportent rien de substantiel et de durable à la cause palestinienne.

Nous savons trop bien, Israël sait trop bien et le monde sait trop bien que n’importe quelle disposition qui n’implique pas le démantèlement et la liquidation de l’occupation, affaiblit plutôt que rend service à la cause palestinienne.

Aussi est-il besoin de tous ces titres pompeux tels que Président, Premier Ministre, Parlement, etc. quand le plus minable des flics ou soldats israéliens peut paralyser l’AP dans sa totalité simplement en levant paresseusement son petit doigt ?

Je crois sincèrement que le Hamas ne devrait pas se laisser entraîner par l’AP vers l’organisation d’élections qui ne serviraient qu’à permettre à Israël de prétendre que le problème palestinien est quasiment résolu et que la majorité des Palestiniens vivent aujourd’hui sous la domination de l’AP, et pas sous domination israélienne.

L’AP essaye trompeusement de tirer un trait d’égalité entre la situation en Cisjordanie et la situation dans la Bande de Gaza. Cette invocation d’une symétrie est incorrecte et fortement fallacieuse. À Gaza, il n’y a aucune force israélienne patrouillant les rues, kidnappant des candidats qui envisagent de participer à des élections. En Cisjordanie, les Israéliens contrôlent chaque recoin, et la dernière chose dont ont besoin les Palestiniens, c’est de perdre une autre génération de ses dirigeants qui passeront leur vie dans les prisons et camps de concentration sionistes.

Organiser des élections dans les territoires occupés, à un moment où le régime israélien d’apartheid dévore ce qu’il reste de Jérusalem Est et de la Cisjordanie, reviendrait à mettre la charette avant les b ?ufs.

Cela donnerait également l’impression que les Palestiniens finissent par céder devant la politique du fait accompli, imposée par la persistance de l’occupation israélienne.

Ceci ne veut pas dire que les Palestiniens doivent rejeter toute forme d’élection par principe. Les élections peuvent être une option acceptable si des garanties appropriées sont obtenues de la part de la communauté internationale, de sorte que les forces d’occupation n’interfèrent d’aucune façon ni n’interviennent dans le déroulement du scrutin.

Mais Israël est peu susceptible de donner de telles garanties et l’AP est impuissante à empêcher Israël de faire ce que ses intérêts lui dictent.

Un dernier mot. Depuis sa défaite militaire à Gaza en 2007, qui a empêché un coup de force soutenu par les Américains et les Israéliens contre le gouvernement élu démocratiquement, l’AP a réussi à créer une atmosphère de terreur et de crainte en Cisjordanie où elle a activement supprimé tous les libertés démocratiques et civiles, et même les droits de l’homme les plus élémentaires.

Pour se venger de l’éviction des milices du Fatah de Gaza en 2007, des milliers de Palestiniens ont été arrêtés par l’AP, des centaines ont été torturées, beaucoup ont perdu leur emploi. L’AP a lancé une véritable chasse aux sorcières contre les partisans du mouvement Hamas.

Ce règne de la crainte et de la terreur doit en premier lieu cesser, avant que n’importe quelle élection puisse même être imaginée. Et ceci prendra du temps.

Dans le cas contraire, des élections manipulées et biaisées seront exploitées par les États-Unis, Israël et l’Autorité Palestinienne pour isoler le mouvement islamique et par conséquent permettre à OLP de succomber à la pression israélo-américaine et à l’intimidation, ce qui par la suite pourrait mener à la liquidation de la cause palestinienne.

Inutile de dire qu’un tel scénario permettrait à des individus comme Shimon Peres, le criminel de guerre sioniste certifié, et probablement à Mahmoud Abbas, le chef impuissant et excessivement « modéré » de l’AP de Ramallah, de prétendre sans honte et sans scrupules [que cette liquidation] est ce qui est démocratiquement voulu par le peuple de Palestine et que le mouvement du Hamas doit se plier à la volonté populaire.

Du même auteur :

- Contre vents et marées, la cause palestinienne avance sur la bonne voie - 24 juillet 2012
- L’Autorité de Ramallah est-elle un protectorat israélien ? - 4 juillet 2012
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26 juillet 2007 - Vous pouvez consulter cet à :
http://www.xpis.ps/
Traduction : Info-Palestine.net - Al-Mukhtar