« La mauvaise odeur est permanente ici et maintenant il est devenu normal de trouver de la vermine dans cette zone » explique Ahmed, un habitant de Burin, contemplant l’eau polluée malodorante qui s’écoule à moins de 10m des maisons de son village situé entre Salfit et Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. « Ce n’est pas seulement l’odeur. Dans le village pas mal de gens souffrent de problèmes de peau, d’asthme et d’autres maladies ». Les eaux usées provenant de la colonie Ariel ont joué un rôle majeur dans la contamination de l’eau et dans la pollution de l’environnement dans la zone de Salfit. Étant donné la concentration de polluants dans cette zone, beaucoup de champs agricoles ont été détruits et beaucoup d’animaux et de plantes tués. En outre le maladies transmises par l’eau, comme des diarrhées, sont nombreuses, en particulier chez les enfants.
Les habitants de Wadi Fukin et Nahalin, au sud-ouest de Bethlehem, ont les mêmes problèmes. Entourés par la colonie israélienne de Beitar Illit, ces deux villages connus pour la qualité de leurs productions agricoles sont constamment menacés par les flots d’eaux usées provenant de la colonie proche. « A l’intérieur de Beitar Illit il y a une installation de traitement des eaux usées mais elle ne peut traiter la quantité d’eaux qu’elle reçoit et par conséquent elle déborde, reversant des eaux non traitées sur les champs ». explique Dib Najajrah, un habitant de Wadi Fukin. « En plus, ces dernières années les colons se sont mis à attaquer nos cultures en pompant délibérément les eaux usées venant de la colonie dans la terre cultivée de Nahalin ».
La pollution des eaux et la contamination du sol sont les principales menaces environnementales qui pèsent sur les Palestiniens vivant en Cisjordanie. Conformément à l’article 56 de la Quatrième Convention de Genève, en tant que puissance occupante, Israël a le devoir « d’assurer et de maintenir avec le concours des autorités nationales et locales, les établissements et les services médicaux et hospitaliers, ainsi que la santé et l’hygiène publiques dans le territoire occupé ... notamment en adoptant et en appliquant les mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour combattre la propagation des maladies contagieuses et des épidémies ».
Néanmoins depuis 1967 Israël a constamment failli à fournir aux Palestiniens les égouts et les installations pour les eaux usées - tandis qu’en même temps les colonies israéliennes commençaient à déverser des eaux domestiques et industrielles non traitées dans la nappe aquifère, causant la contamination de la nappe phréatique et la destruction de champs palestiniens.
Ce n’est que dans les années récentes qu’Israël a commencé à équiper les colonies d’usines et d’installations de traitement des eaux , mais le problème n’est pas résolu puisque les colonies sont toujours la cause principale de la pollution environnementale en Cisjordanie. Un demi-million de colons israéliens vivant en Cisjordanie produisent 54 millions de mètres cube par an, une quantité plus importante que celle produite par deux millions et demi de Palestiniens vivant en Cisjordanie (Applied Research Institute, 2008). En outre, selon un rapport sur la pollution hydrique publié par le Ministère israélien pour la protection de l’Environnement, l’Autorité pour la Nature et les Parcs ainsi que l’Administration Civile en août 2008, seules 81 des 121 colonies israéliennes de Cisjordanie sont connectées à des installations pour le traitement de l’eau et la plupart de celles-ci sont petites et ne peuvent traiter les grandes quantités d’eaux usées produites. Résultat : seuls 12 millions de mètres cube d’eaux usées des colonies sur 17,5 millions de mètres cube de Cisjordanie (Sans Jérusalem-Est) sont traités. De plus, comme le rapportait l’ONG israélienne B’tselem en juin 2009, aucun des "avant-postes" n’était équipé d’installations de traitement des eaux usées.
Pour autant que les Palestiniens de Cisjordanie sont concernés, la situation n’est pas meilleure. Seuls 31 % d’entre eux sont reliés au réseau d’égouts - avec seulement une usine de traitement des eaux opérationnelle à Al-Bireh (Ramallah) - tandis que les deux tiers restants de la population dépendent de fosses d’aisances et de réservoirs septiques installés par eux-mêmes. La raison principale de cette déficience est due aux Israéliens qui refusent de fournir des permis aux Palestiniens, via le Comité des eaux usées (JWC) - établi avec Oslo en 1995 - et l’administration civile israélienne. Entre 1995 et 2011, seulement 4 projets d’infrastructures de traitement des eaux usées sur 30 ont été acceptés.Le gouvernement israélien se sert de son pouvoir de veto comme « concession politique » (COHRE 2008). Par exemple, e 1998, l’Autorité palestinienne de l’eau a reçu des fonds de la Banque Allemande de Développement pour construire une usine de traitement dans le gouvernorat de Salfit. Le JWC a approuvé le projet à la condition de connecter la plus grande colonie de Cisjordanie, Ariel, à l’usine de traitement. [1]
« Ce n’est pas toute l’histoire » poursuit Dib, « Non seulement Israël fait défaut pour fournir des installations aux Palestiniens mais il profite en plus des eaux usées palestiniennes non traitées ». En effet, Israël exploite les eaux usées palestiniennes non traitées en les traitant dans des infrastructures modernes situées en Israël puis les réutilise pour irriguer des champs en Israël, déduisant le coût de traitement des eaux usées de l’argent des taxes de l’Autorité Palestinienne.
* Marta Fortunato est une journaliste italienne qui a vécu plus d’un an en Palestine. Elle a travaillé pour le Centre d’Information Alternative et a été volontaire pour Solidarité Vallée du Jourdain dans le village de al-Jiftlik. Elle est actuellement stagiaire à l’EWASH, une coalition d’organisations militant pour les droits hydriques et sanitaires des Palestiniens.
7 août 2012 - MondoWeiss - Vous pouvez consulter cet article à :
http://mondoweiss.net/2012/08/pales...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert