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Cultiver la Palestine pour la liberté
mercredi 18 juillet 2012 - Samer Abdelnour - Alaa Tartir

Elle est liée à l’histoire du peuple, à son identité et à son expression, et c’est elle qui pousse à lutter contre le Mur de séparation israélien. L’auteur et activiste libanais Rami Zuryak se joint ici aux conseillers politiques d’al-Shabaka, Samer Abdelnour et Alaa Tartir, pour saisir la signification presque spirituelle qu’a la terre pour les Palestiniens et les efforts délibérés d’Israël pour briser le lien entre les agriculteurs et leurs cultures. Ils évoquent aussi la terrible négligence de l’Autorité palestinienne à l’encontre du secteur agricole ainsi que le pouvoir destructeur de certaines aides de donateurs. Les auteurs montrent comment l’agriculture est une forme de résistance populaire multidimensionnelle, productive et chargée de sens, à travers laquelle les Palestiniens peuvent revendiquer - pour eux-mêmes et pour le monde - le besoin urgent de réclamer des terres, des moyens d’existence et la liberté.

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La zone tampon intègre des terres agricoles palestiniennes près de la frontière contrôlée par Israël autour de Gaza. Aucune machine n’y est autorisée pour cultiver et récolter le blé. (Nicole Johnston)

La culture de la terre

La valeur de la terre sous-tend une bonne part de la poésie et de la littérature palestinienne, notamment l’oeuvre de Tawfiq Zayyad, Mahmoud Darwish et Ghassan Kanafani. Ainsi dans les mots pleins de puissance de Mahmoud Darwich :

Et sur nos cils l’herbe de Galilée,
Cette terre absorbe les peau des martyrs,
Cette terre promet des étoiles et du blé.

Plus récemment, le poème de Suheir Hammad dépeint l’amour d’un fermier comme une émotion lente, qui fait mûrir et humanise, et le sol comme intimement connecté à la passion.

Les cultures comme l’olive, l’hysope, la figue et le palmier dattier sont profondément enracinées dans la culture et l’histoire de ce pays. Elles fournissent la nourriture pendant les temps difficiles, sont peu exigeantes en eau et en labeur, et sont bien adaptées au climat. La destruction des oliviers est particulièrement dévastatrice. Le rapport Oxfam 2010, titré "La Route de la Culture des Olives", démontre l’importance des olives pour l’identité palestinienne, les marchés locaux et le bien-être économique et psychologique. Même après toutes les destructions par les autorités israéliennes et par les colons, le secteur de l’huile d’olive procure 100 millions de dollars à certaines des familles les plus pauvres, comme le note Oxfam. Dans un nouveau dossier sur les arbres anciens - de cent à mille années d’âge - le Centre Ma’an pour le Développement a chiffré entre 8.000 et 26.000 $ la valeur des oliviers des Territoires palestiniens occupés (TPO) déracinés et vendus en Israël (dont la moitié, illégalement). Pour les agriculteurs, les oliviers sont un héritage sacré et leur perte est dévastatrice tant économiquement qu’émotionnellement.

L’olivier est aussi largement connu comme un symbole de la Palestine et du foyer, et beaucoup de Palestiniennes, surtout des exilées, portent des colliers ornés de répliques artistement gravées. Mais lorsque la Palestine est présentée comme un idéal dénué de la capacité de cultiver, les Palestiniens risquent de perdre tout le savoir sous-tendant la culture, l’exploitation ainsi que le partage de la terre avec les générations futures. Pour un peuple dépossédé, il est impératif de cultiver et de régénérer ses relations avec la terre.

Les forces d’occupation israéliennes ne le savent que trop bien. En plus des confiscations et annexions pures et simples de terres, des démolitions de maisons et des destructions de citernes et de systèmes d’irrigation, des cultures comme le za’atar [l’hysope palestinienne] sont des marchandises politisées depuis les années ’70. Par exemple, les forces d’occupation israéliennes ont confisqué des lots de za’atar aux postes de contrôle, soi-disant pour « protéger » la santé écologique de l’hysope sauvage. De même, les citoyens palestiniens en Israël se sont vu interdire de cueillir le thym sauvage comme ils le font traditionnellement, les autorités israéliennes l’ayant décrété « plante protégée ».

Dans Gaza assiégée, Israël a plusieurs fois empêché la cardamome, le cumin, le bétail, les chèvres, les ânes et des dizaines d’autres produits de franchir le blocus. Dans la ville cisjordanienne de Beit Sahour, pendant la première intifada, les forces d’occupation israéliennes se sont donné beaucoup de mal pour capturer les vaches afin d’empêcher la production de lait locale (à ce jour, la Cisjordanie dépend très largement du lait israélien). De telles actions ne sont que quelques exemples montrant comment Israël contrôle et dévaste la culture et les capacités palestiniennes dans le domaine de l’approvisionnement en nourriture pour tenter de casser définitivement le lien avec la Palestine. Comme l’aurait dit Henry Kissinger, « contrôlez l’alimentation et vous contrôlerez le peuple ».

Des terre emprisonnées

Le potentiel agricole de la Cisjordanie est bien connu, mais on écrit moins sur le potentiel de la bande de Gaza, et très peu sur le mode de vie pastoral des Bédouins. Dans tous les territoires occupés, le secteur agricole a été dévasté par les politiques israéliennes autant que par l’Autorité palestinienne (AP), ainsi que par les politiques et les pratiques des donateurs.

Le secteur agricole a commencé à être affecté quand des milliers de Palestiniens ont quitté leur terre en Cisjordanie et à Gaza pour aller travailler en Israël et dans les colonies israéliennes, en partie à cause des salaires plus élevés offerts dans le cadre de l’intégration économique et des politiques de confinement israéliennes, et en partie à cause des restrictions économiques israéliennes qui réduisaient les opportunités locales. Après les Accords d’Oslo, la Zone C, qui constitue 62 % de la Cisjordanie et inclut la majorité des terres fertiles, des ressources naturelles et de l’eau, s’est trouvée sous le contrôle total des militaires et des colons israéliens.

A Gaza, la ceinture « de sécurité » israélienne constitue 17 % de l’enclave et est également sous contrôle militaire total. Quelque 30 % des terres agricoles de Gaza restent inaccessibles, il y a trois ans c’était 25 %. Les cultures pluviales comprennent le blé, l’orge, les haricots, divers légumes, les olives, les amandes, les citronniers et la majorité des productions animales de la Bande de Gaza. En fait, les Nations-Unies rapportent qu’en 2009 un total de 46 % des terres agricoles de Gaza étaient inaccessibles ou impropres à produire en raison des destructions de terres pendant les bombardements de Gaza et de la zone-tampon en 2008-2009.

En outre, les résidus de phosphore et d’obus d’artillerie, ainsi que l’augmentation de la salinité des sols impactent gravement la qualité de la nourriture que les agriculteurs peuvent produire et par conséquent affectent sérieusement leur santé, celle de leur famille et des consommateurs. Un nouveau rapport sur les enfants gazaouis a montré que les nitrates trouvés dans leurs selles et dans les fumiers sont corrélés avec le doublement de l’incidence des diarrhées aqueuses chez les enfants depuis le début du blocus israélien. Quant au secteur de la pêche à Gaza, environ 90 % des pêcheurs sont sans travail et la pêche a été limitée à 3 au lieu des 20 milles nautiques stipulés par les Accords d’Oslo.

Quand on évoque l’agriculture palestinienne, on ignore habituellement les Bédouins, et pas seulement en Palestine. Dans tout le monde arabe, la croyance erronée prévaut selon laquelle les zones vertes sont fertiles et rentables tandis que le désert est inutile. Qui voudrait mourir pour la terre que sillonnent les Bédouins ? Pire encore, par extension c’est comme si tous les peuples vivant dans des déserts étaient sans valeur : les urbains comme les ruraux les discriminent. Hélas, beaucoup ont été la proie de notions matérialistes qui attribuent une valeur à la terre sans comprendre combien les paysages pastoraux sont importants - pour les gens, pour l’élevage, la liberté nomade et la nation elle-même. La réalité est que le pastoralisme bédouin est caractéristique d’un développement durable. C’est un mode de société et d’existence sur des terres qui est efficace et productif, tout en assurant une maintenance écologique pour les générations futures.

Il y a environ 13.000 Palestiniens bédouins dans les TPO, dont 2.300 résident dans 20 communautés juste à l’est de Jérusalem. Plus de 80 % sont des réfugiés et parmi ceux qui vivent en Zone C, 55 % n’ont pas de sécurité alimentaire. Les Bédouins ont perdu presque tout accès aux terres en raison du nettoyage ethnique associé à l’expansion des colonies. La plupart ont des ordres de démolition de leur maison comme des épées de Damoclès suspendues au-dessus de leur tête, et l’accès sécurisé à l’eau et à l’électricité leur fait défaut. Beaucoup sont exposés à des risques sécuritaires sérieux comme les mines antipersonnel.

Comme il le fait depuis des décennies, Israël continue d’appliquer les mêmes pratiques des deux côtés de la Ligne Verte. Des universitaires israéliens de même que le Fonds National Juif (FNJ)[qui possède et gère plusieurs centaines de milliers d’hectares de terres] appellent au nettoyage du Neguev (al-Naqab). Le village bédouin d’El-Araqib aurait déjà été démoli à 35 reprises ; le FNJ veut planter une « forêt de paix » à l’emplacement du village. Il y a une volonté d’expulser systématique qui permet la dévaluation de parties entières du pays et de ses habitants. La capacité des bédouins palestiniens à pratiquer librement leur mode de vie est la mise à l’épreuve de la liberté palestinienne en tant que nation.

Des politiques pernicieuses

Les politiques de l’AP et des donateurs, même si elle ne sont pas aussi dévastatrices que la colonisation et la dépossession par Israël, ont cependant été pernicieuses. Des théories économiques conventionnelles sont mises en ?uvre dans les territoires occupés, dont on espère la prospérité en se spécialisant dans la production de biens qui offrent un avantage compétitif. En réalité l’objectif principal d’un peuple sous occupation devrait être de libérer son pays et non pas de concurrencer des nations libres utilisant des indicateurs économiques qui ont été vidés de leur contexte politique.

L’absurdité de telles politiques est très bien exprimée dans un article de George Kurzom où il plaide en faveur d’un développement agricole auto-suffisant. Il décrit comment l’agriculture palestinienne est passée des cultures vivrières essentielles à des productions de luxe comme les fleurs [ou les fraises], suite aux encouragements donnés par le gouvernement militaire israélien aux agriculteurs de Gaza à la fin des années ’80. Le but était de « piloter l’agriculture palestinienne vers la production de produits qui correspondent aux nécessités de l’économie israélienne, soit pour le consommation directe ou pour pallier les vides dans les exportations israéliennes » afin d’éviter la compétition avec les marchandises israéliennes.

Pendant la Deuxièmes intifada les forces d’occupation israéliennes ont détruit un grand nombre d’arbres, dont beaucoup de citrus. En fait, les agriculteurs de Gaza préféreraient pratiquer l’arboriculture fruitière, mais les projets d’aide les poussent souvent vers le maraîchage et les céréales. L’armée israélienne « préfère » des cultures basses dans les zones d’accès réduit le long de la frontière orientale de Gaza.

L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a également encouragé l’AP et les donateurs à soutenir les producteurs de fleurs palestiniens, estimant que ce secteur pouvait générer jusqu’à 14 milliards de dollars et appelant l’AP à faire passer les superficies destinées à la floriculture de 80 à 12.500 hectares environ. Comme le demande Kurzom, « Pourquoi faire tant d’aménagements pour une culture de luxe et non pour une culture basique et stratégique comme le blé ? »

Une fois l’option prise en faveur des marchés d’exportation, des bouclages répétés (et presque permanents dans le cas de Gaza) de la frontière israélienne ont anéanti les récoltes et les moyens d’existence des fermiers, mettant fin aux rêves insufflés par l’Occident de « milliards » de revenus par l’exportation palestinienne de fleurs, de fraises et d’autres produits agricoles moins exotiques. Quand les exportations ne sont pas bloquées, Israël profite des taxes qu’il collecte pour lui-même et « au nom » des Palestiniens.

Un secteur condamné par négligence

En juin le Conseil Economique Palestinien pour le Développement et la Reconstruction publiait un rapport soulignant que depuis la création de l’AP, le montant alloué à l’agriculture n’a pas dépassé 1 % du budget total annuel.

Une précédente étude avait révélé qu’entre 2001 et 2005, près de 85 % du budget agricole sont partis en salaires du personnel au ministère de l’Agriculture, modèle qui s’est répété depuis. La confirmation du déclin spectaculaire de l’agriculture est fournie par des sources palestiniennes officielles : sa contribution au PNB est passée de 13,3 % en 1994 à 5,7 % en 2008.

En outre, l’agriculture n’a compté que pour environ 1,41 % du total de l’aide internationale (environ 14 millions de dollars sur un milliard de dollars) entre 1994 et 2000 ; entre 2000 et 2006, elle a baissé jusqu’à 0,74 % (soit 30 millions de dollars sur 4 milliards de dollars).

Ajoutons qu’entre 1999 et 2008, 10 % seulement des fonds des donateurs aux ONG palestiniennes étaient réservés au développement rural. Bien que le pourcentage d’ONG actives dans le secteur agricole ait augmenté, passant de 2,8 % du nombre total d’ONG en 1999 à 5,5 % en 2006, cela va toutefois de pair avec une augmentation alarmante du niveau de dépendance vis-à-vis de l’aide dans l’ensemble du secteur ONG, passant de 54 % en 1999 à environ 80 % en 2006 (et à 94 % pour les ONG travaillant sur les questions de l’eau et de l’environnement).

Le tableau qui en ressort est donc celui d’un ou plusieurs projets avec davantage d’ONG, mais moins de terre et moins d’agriculture. Il y a certes des micro-succès ici et là, mais à moins qu’ils ne fassent partie d’un effort stratégique unifié, leur impact sera très limité.

Il y a d’autres exemples où l’on focalise sur un micro-niveau alors que l’édifice entier risque de s’effondrer, comme les nombreuses initiatives de dons gratuits de semences aux agriculteurs pour qu’ils les sèment dans des zones où le sol a été contaminé, ce qui conduit à un gaspillage et pire, à des maladies.

Les pratiques indésirables de certains donateurs (et pas seulement en Palestine) affectent également le secteur agricole. Un ancien ministre palestinien de l’agriculture a critiqué publiquement l’agence japonaise de développement JICA, après avoir révélé que seulement 700.000$ sur un projet d’environ 6 millions de dollars avaient réellement été déboursés dans les TPO pendant les trois années de sa durée. Bien sûr, ce problème n’est pas spécifique à JICA, et bien d’autres pratiques de donateurs devraient être révisées.

Pas mal d’autres questions ont un impact négatif sur le secteur agricole, notamment les problème de l’enregistrement des terrains, la perte de terres arables et la parcellisation du sol en petits terrains, comme le décrit une étude récente par MAS. L’expansion urbaine aux dépens des terres agricoles est un problème particulièrement grave dans les TPO.

Redresser les erreurs

L’approche conventionnelle de la sécurité alimentaire que promeuvent la finance internationale et les organismes de développement recommandent de faire confiance aux marchés et à la liberté du commerce. Cette approche a eu pour résultat la disparition des systèmes de production alimentaires locaux partout dans le monde. Elle ne reconnaît pas le droit de produire et de consommer la nourriture produite localement.

Quand les Palestiniens pourront cultiver leur propre nourriture sur leur propre terre et pourront pêcher le poisson de leur mer, supplantant les produits israéliens du marché, ils auront la sécurité alimentaire. Manger des produits locaux fournit les micronutriments essentiels, entretient le sol et stimule des connexions écologiques entre les gens et la terre, à l’opposé de cette dépendance causée par des politiques de normalisation, l’aide et les importations agricoles. En effet ces partenariats bilatéraux qui soutiennent une économie de cultures commerciales à Gaza sont directement complices de la malnutrition en Palestine. Comment est-il possible de détourner des terres et des ressources pour produire des fleurs et des fraises pour les marchés européens, alors que 88 % des Gazaouis reçoivent de l’aide et que 75 % sont mal nourris ?

Il est nécessaire de mettre en ?uvre une stratégie de relation à la terre de manière à connecter le plus de moyens d’existence possible avec la terre, en particulier dans la zone C, où seulement 5 % des Palestiniens vivent maintenant. Grâce à leur détermination et à leur engagement et par un usage intelligent des subventions agricoles, les fermiers palestiniens doivent pouvoir rester sur leur terre et renforcer sa capacité de production. Des politiques visant à soutenir une agriculture peu intensive peuvent encourager un maximum de création d’emplois. Les récoltes devraient être réservées d’abord à la consommation locale en donnant priorité à l’éviction de l’aide alimentaire et des produits importés quand c’est possible.

Tout agriculteur plantant et cultivant sur la terre de Palestine est plus puissant qu’un combattant. L’agriculture est une forme importante de résistance et nos fermiers sont au coeur du combat pour la survie et la liberté.

Une plate-forme agricole est centrale pour construire une économie de résistance. Il y a plusieurs manières pour promouvoir des cultures vivrières locales, réduire l’aide et la dépendance, et simultanément exercer le droit palestinien à la terre, même dans les conditions du colonialisme, des colons et l’occupation prolongée. Kurzom suggère « une unité agricole bien conçue, intégrée de l’intérieur ». Par exemple, les moutons sont une source de nourriture, d’engrais et de revenus. Des arbres cultivés le long des murs de soutènement, comme le caroubier, le chêne et la vigne, non seulement aident à limiter l’érosion de l’eau et du sol, mais leurs fruits et leurs feuilles fournissent de la nourriture ils donnent du bois de chauffe et les déchets de taille et les feuilles peuvent servir pour l’alimentation animale. Les légumes aident le sol à retenir l’eau et les sels minéraux tandis que les herbes peuvent servir de fourrage vert en hiver. Dans un modèle pareillement intégré, les techniciens et ingénieurs palestiniens produiraient et entretiendraient les outils et les machines nécessaires à la production locale au lieu de toujours importer des « techniques extérieures non pertinentes ».

L’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) suggère qu’une agriculture urbaine, avec des jardins verticaux et des potagers hydroponiques [combinés avec l’aquaculture piscicole] soient utilisés dans la Bande de Gaza, étant donné que la majorité des habitants sont des urbains ou des résidents de camps). Pour le développement de la Palestine sous occupation, on peut aussi puiser dans les modèles alternatifs qui ont été utilisés au sein de communautés affectées par la guerre, au Liban, pour des réfugiés palestiniens, ainsi qu’au Soudan.

Pour tenter d’utiliser au mieux des modèles alternatifs il est nécessaire d’explorer aussi les coûts humains sur le long terme de l’occupation dans la perspective de l’histoire économique. Cela pourra aider à soutenir la résilience de l’existence palestinienne rurale et à conceptualiser des modèles socio-économiques montrant comment le fait de vivre de la terre et de la travailler rapporte bien plus de bénéfices que la commercialisation.

Campagne pour le droit de cultiver

Une Campagne en faveur du droit de cultiver devrait être menée pour mobiliser les communautés locales ainsi que les activistes de la solidarité les syndicats agricoles et les donateurs, en vue d’une résistance économique profondément connectée avec la spécificité unique des cultures, de l’histoire du pays et des aspirations politiques du peuple palestinien. Contrairement au discours et au mirage de la construction d’un « Etat » ou d’une « institution », une politique agricole peut apporter une direction claire au développement palestinien parce qu’elle connecterait les uns avec les autres consommateurs, agriculteurs, bédouins, réfugiés et exilés palestiniens dans une économie de résistance. Des emplois seraient créés et les marchés locaux renforcés, retrouvant une part de contrôle sur l’économie palestinienne.

Les ministères, la société civile et les syndicats agricoles palestiniens peuvent encourager le volontariat pour protéger et cultiver la terre, en particulier les jeunes. Des initiatives comme Al- ?Ona dont les volontaires réclament des terres à l’abandon ou Ehna Ghair, sont des exemples à explorer et à reproduire. Ces deux initiatives de jeunes volontaires aident les agriculteurs à réhabiliter et à réclamer leurs terres, en particulier dans des zones menacées par l’expansion des colonies. Ce faisant, ils espèrent à la fois encourager les jeunes à retourner cultiver la terre en la préservant de l’expansion des colonies, et envoyer un message clair à l’AP sur l’importance de la terre et de l’agriculture.

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Planter un olivier pour l’avenir.

Le Mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) pourrait aussi contribuer à cette cause en fournissant une plate-forme pour connecter les initiatives de culture et d’élevage aux mouvements globaux. Les organisateurs et activistes BDS, déjà convaincus de l’importance de boycotter les produits israéliens, peuvent contacter des unions coopératives agricoles afin de conscientiser les gens et d’aider à promouvoir les relations avec les agriculteurs palestiniens.

Les donateurs frustrés par la destruction par Israël de leurs projets d’aide trouveront que subventionner directement des fermiers et des éleveurs est une entreprise bien plus viable et efficace. Des fonds pour la Zone C devraient être dirigés sur une agriculture faiblement intensive pour assurer un maximum d’emplois, les récoltes étant réservées à la consommation locale pour supplanter l’aide alimentaire.

Opter pour l’agriculture en tant que moyen de résilience et de résistance économique ne sera pas simple. L’occupation israélienne vise à déconnecter les Palestiniens de la terre c’est un objectif qui est au c ?ur même du projet sioniste depuis ses débuts. Mais comme exposé plus haut, il existe des moyens de le faire - et il faut le faire.

La pauvreté palestinienne est une catastrophe qui a été organisée politiquement et où croissance économique et liberté sont des entreprises contradictoires. La nature de la dépossession palestinienne exige que le chemin de la liberté passe par la terre et par tout ce qui lui est associé : fermes et cultures, mer et désert, agriculteurs et bédouins, lait et olives. Exiger la terre palestinienne, ce n’est pas seulement reconquérir notre passé : c’est la manière dont nous construirons notre futur.

2 juillet 2012 - al-Shabaka - Vous pouvez consulter cet article à :
http://al-shabaka.org/policy-brief/...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert