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Femmes libanaises à Gaza : pas moyen de rentrer au pays
samedi 16 juin 2012 - Doha Shams, Nisrine al-Razaineh
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Fillette palestinienne lors d’une manifestation à Gaza (flickr)

Amahl Saghir feuillette son passeport page par page. Elle contemple l’image du cèdre sur la couverture et son esprit semble s’évader de Gaza assiégé jusqu’à sa ville natale au Liban-sud où vivent des frères et s ?urs.

« Ce passeport ne sert à rien », dit Amahl Saghir en le mettant de côté. « Je ne suis libanaise que par mon nom. L’Etat, le gouvernement et la Direction Générale de la Sécurité libanaise (GSD) ne me reconnaissent pas comme une citoyenne avec des droits et des besoins ».

Depuis que Amahl Saghir est arrivée à Gaza en 1994, elle n’a vu sa famille qu’une seule fois - il y a neuf ans - via une organisation appelée « Société des amitiés palestino-libanaises ». Elle dit avoir soumis ses papiers et avoir reçu un visa de 15 jours qui lui a coûté 150$, pour visiter son propre pays.

« Depuis 4 ans j’essaie d’aller au Liban avec mes enfants mais la GDS refuse les demandes de mes enfants » dit cette Libanaise.
Elle ajoute qu’elle a posé sa candidature à quatre reprises, avec tous es documents nécessaires - passeports, cartes d’identité nationales et lettres dites « Pas d’objection » du Ministre palestinien de l’Intérieur à la GSD libanaise.

La GSD lui a demandé de « ré-épouser son mari » à Gaza et de lui envoyer le certificat de mariage de Gaza, parce que son mariage n’était pas enregistré au Liban.

« J’ai épousé une nouvelle fois mon mari, j’ai envoyé le certificat à la GSD et attendu anxieusement le visa » se souvient Amahl. « J’ai été choquée quand la GSD a rejeté ma candidature pour la quatrième fois. J’ai introduit un appel suivant les formes, mais mon propre Etat ne m’a pas autorisée à entrer avec mes enfants ».

La femme continue à expliquer comment la GSD a tenté de l’aider, lui demandant un certificat médical attestant qu’elle est malade et a besoin de son fils pour l’escorter. Elle a refusé ce nouveau conseil parce qu’elle s’est sentie humiliée, comme elle dit.

« D’abord ils veulent que je ré-épouse mon mari ensuite il veulent que je soumette des faux certificats » s’exclame-t-elle. « En même temps, une Palestinienne mariée avec un Libanais peut entrer au Liban avec ses propres enfants, en tout respect et sans difficulté ».

Son fils Hussein se plaint de ce qu’il décrit comme un « mauvais traitement » de la GSD libanaise. « Ma mère est libanaise au départ. Quelles lois internationales interdisent au fils d’une citoyenne d’entrer das le pays de sa mère pour visiter ses parents et ses onces ? » dit-il. Cela démontre du ressentiment envers nous.

Hussein ajoute qu’alors que sa mère et lui ont attendu quatre années, certains reçoivent le visa en une semaine. « Nous ne savons pas s’il faut des wasta (relations), ou quoi » dit-il.

Nariman Allouch elle aussi est entrée dans les territoires palestiniens avec son époux et ses enfants avec un permis de visite en 1994. Dès qu’elle a reçu sa carte d’identité palestinienne, en 2008, elle a soumis tous les documents nécessaires à la GSD de Beyrouth pour demander des visas pour elle-même et ses enfants.

On lui accorda un visa tandis qu’il était refusé à ses enfants. Sa s ?ur introduisit un appel mais il fut également rejeté.
Mme Allouch dit qu’elle était à Gaza quand sa mère est morte et qu’elle voulait revoir sa famille après une si longue absence. « Je ne pouvais plus porter seule les difficultés du voyage et les longues attentes aux postes de contrôle » explique-t-elle « J’avais besoin d’avoir quelqu’un avec moi, alors j’ai décidé d’emmener mes enfants en Syrie ».

Une fois arrivée elle appela l’ambassade à Damas pour être aidée à rentrer dans son pays. La réponse fut que ses enfants étant palestiniens, ils ne pouvaient pénétrer en territoire libanais.
« J’ignore si j’ai commis un crime en épousant un Palestinien et en donnant naissance à des enfants palestiniens » commente Mme Allouch.

Elle se demande si les enfants de Libanaises mariées avec d’autres non-libanais sont traités comme ses enfants, pourquoi les Libanais palestiniens sont traités tellement différemment.

Kamila Abou Zaid, l’amie de Mme Allouch, qui est aussi originaire du Liban-Sud, a vécu une histoire similaire. Elle a visité son pays une seule fois - via la ’Palestinian-Lebanese Friendship Society’ qui lui a offert un visa contre 150$.

J’ai dit à la Société que je suis libanaise et que je suis enregistrée à l’état-civil libanais, dit elle. Elle a expliqué « qu’elle n’avait pas besoin de visa ni de payer cette somme, mais ils ont répondu que cette somme était pour la GSD libanaise, pas pour la Société ».

Kamila Abou Zaid dit que le problème des Libanaises à Gaza ne se limite pas à l’impossibilité d’obtenir un visa pour leurs enfants. Beaucoup d’entre elles ne sont toujours pas immatriculées officiellement au Liban comme étant mariées.

Oum Mouhammed est revenue de Beyrouth il y a quelques jours, et elle n’a pas de passeport libanais - juste une carte d’identité libanaise et un extrait d’état-civil.

Elle a fait sa demande et transmis ses documents à la GSD. Elle était parrainée par son frère, employé à la GSD,et a réussi à obtenir des visa pour elle-même et son fils, en cinq jours et sans problèmes.

« Mais quand je suis arrivée à l’aéroport de Beyrouth, je leur ai donné ma carte d’identité libanaise avec le passeport de l’Autorité palestinienne pour éviter d’avoir à renouveler le visa ultérieurement. J’ai dû attendre une heure de plus à l’aéroport » dit-elle.

Inaam al-Qaderi n’a pas non plus eu de difficultés à avoir un visa pour son fils. Elle dit que son frère a transmis les papiers nécessaires à la GSD et reçu rapidement le visa. Quelques jours plus tard en arrivant au Liban, son fils a fait la demande d’un visa d’étudiant pour étudier à l’université. « La GSD lui a donné un permis de séjour de six mois » dit-elle.


La Société des Amitiés palestino-libanaises

Cette association dirigée par Saleh al-Naarani, offrait son « assistance » aux Palestiniennes et Libanaises vivant à Gaza pour les aider à obtenir des visas libanais pour elles-mêmes et leurs enfants, en échange de 150$.

Al-Akhbar n’a pas pu récolter beaucoup d’information sur la nature des opérations de cette organisation ni sur ses partenaires au Liban.

Cependant des sources non confirmées disent que la société était soutenue par un ancien ministre libanais, en partenariat avec un employé de l’Autorité palestinienne, Sultan Abou Aynayn, qui vit à présent à Ramallah.

Elle semble avoir été démantelée après la prise de pouvoir du Hamas dans la Bande de Gaza. Al-Akhbar n’a pas pu contacter Naarani au Danemark ni Abou al-Aynayn à Ramallah.

Procédures de visas

Al-Akhbar a appelé le Général Mounir Aqiqi à la GSD pour l’interroger sur les procédures permettant aux femmes libanaises vivant à Gaza d’entrer au Liban. Il a exprimé sa surprise en apprenant qu’elle payaient 150$ par visa pour le Liban, soulignant « que les Libanais et Libanaises n’ont pas besoin de visa pour entrer dans leur pays ».

« Si elles ont des documents de mobilité palestiniens ou de toute autre nationalité par mariage, elles peuvent montrer leur carte d’identité avec leur passeport étranger et obtenir un visa gratuitement à l’aéroport », dit-il.

Quant à leur famille, ajoute le général, elles sont traitées comme tout autre étranger et ont besoin de visas d’entrée. Il faut donc une invitation du Liban via l’Ambassade de l’AP, des copies de leur passeport, ainsi que 25.000 lires libanaises (LL) pour un séjour de 15 jours, et LL 50.000 pour un mois, prolongeable.

« Il faut qu’elles ne soient pas recherchées pour motifs de sécurité ou de charges criminelles » poursuit Aqiqi. « Elles doivent aussi avoir l’autorisation de l’invitation avant de monter dans l’avion parce que les compagnies aériennes ont des instructions pour empêcher que quiconque n’embarque sans leur approbation. 
Une fois qu’elles arrivent à Beyrouth, leurs visas sont tamponnés avec leur document ».

12 juin 2012 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert