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Les femmes palestiniennes gagnent leur pain en cuisine
vendredi 9 mars 2012 - ONU-Femmes

Il est six heures et demie du matin en Cisjordanie située dans les Territoires palestiniens occupés (TPO), et cela fait déjà deux heures qu’Istethkar Abdelkarim travaille. Et pourtant, elle ne pourrait pas être plus heureuse.

Des décennies de conflit, de blocus de la frontière et de sévères restrictions sur la circulation et l’accès des personnes et des marchandises ont laissé l’économie palestinienne exsangue. Le chômage est endémique, les denrées alimentaires sont chères et nourrir une famille est un défi constant. Pourtant, la contribution essentielle des femmes au revenu familial a longtemps été modeste en Cisjordanie. En effet, la proportion de femmes palestiniennes qui ont un emploi à plein temps est parmi les plus basses au monde.

C’est particulièrement le cas dans les régions rurales du territoire, où les traditions y sont les plus profondément ancrées, et où les opportunités d’emploi et l’accès aux services y sont le plus difficile en raison de la situation socio-économique et politique.

En 2010, Istethkar et 200 femmes des régions rurales de Cisjordanie ont décidé d’agir. Avec le soutien du ministère palestinien de l’Education et de l’Enseignement supérieur et d’ONU Femmes, et l’aide financière du gouvernement de la Norvège, elles ont mis leurs compétences au service de la gestion des cantines scolaires.

Istethkar s’occupe maintenant de préparer des repas équilibrés qu’elle vend à des tarifs subventionnés à quelque 400 écolières affamées, qui payaient auparavant beaucoup plus pour leurs repas. Elle glisse dans les menus ses plats spéciaux de poulet farci et de poulet épicé musakhan, nous a-t-elle indiqué avec fierté. Cette activité a permis de dynamiser sa famille et ses finances - notamment, lorsque son mari a perdu son emploi.

« Ce travail m’a aidée aussi bien d’un point de vue psychologique que financier », a expliqué Istethkar. « Je n’avais jamais eu mes propres revenus, nous dépendions constamment de mon mari », a-t-elle ajouté.

Actuellement, dans les communautés les plus pauvres de Cisjordanie, les repas préparés par les femmes chefs d’entreprise comme Istethkar nourrissent près de 70 000 écoliers. Ces femmes, tout en permettant aux enfants de manger sainement, contribuent ainsi à un changement durable pour ceux qui les entourent. D’après Zein Hamad, diététicien au ministère palestinien de l’Education, certains problèmes de santé, tels que l’anémie - qui limite significativement la capacité d’apprentissage des enfants - et l’obésité, ont été considérablement réduits dans la région depuis que les femmes ont commencé leur travail. Le taux d’anémie des enfants a chuté, passant d’un quart à seulement une poignée de cas aujourd’hui.

Alia El-Yassir est la responsable du Bureau d’ONU Femmes pour les Territoires palestiniens occupés, qui soutient ce projet de cantine scolaire géré par les femmes. Elle estime essentiel d’améliorer la nutrition des enfants à un niveau qui puisse assurer leur réussite scolaire, plutôt que de penser simplement aux calories. Selon elle, l’effet boule de neige du projet transforme non seulement les individus mais aussi les familles et les collectivités.

« La priorité numéro un pour les femmes et les communautés, c’est de bénéficier de revenus, et dans une certaine mesure, d’une source de revenus fiable », a-t-elle dit.

Samah Mousa, qui travaille en tant que coordonnatrice régionale du projet, explique que plusieurs maris se sont tout d’abord montrés réticents à l’idée de voir leurs épouses travailler. Cependant, nombre d’entre eux se sont mis à apprécier les nouveaux rôles joués par leurs épouses, lorsque celles-ci ont commencé à générer un revenu pour le ménage. Certains les aident même dans leur travail.

Ahmed Suleiman, l’époux de Istethkar, se réjouit aujourd’hui du nouveau rôle de sa femme dans le ménage et de sa position de responsable de la famille au niveau économique. Après avoir perdu son emploi, il a été en mesure d’ouvrir et de gérer un magasin, grâce aux revenus de sa femme.

« Elle aide maintenant dans tous les domaines de la vie », dit-il. « Grâce à son travail dans les cantines, elle apporte sa contribution au niveau financier, y compris pour soutenir nos enfants à l’école, parce que moi je ne pouvais pas payer les frais de scolarité tout seul. Je suis très fier que ma femme accomplisse ce travail et tant d’autres choses ».

Istethkar est aussi heureuse de ses propres efforts et de la transformation que le projet a provoquée chez elle. « J’étais très timide quand il s’agissait de traiter avec les gens, mais aujourd’hui, je suis devenue plus forte et plus sûre de moi, » explique-t-elle. « J’espère que mon travail se poursuivra et qu’il s’améliorera, et que je travaillerai toute ma vie. »

Pour Istethkar et 200 autres femmes, ainsi que pour leurs familles, cette nouvelle indépendance économique offre, dans ce pays tourmenté, une lueur d’espoir.


Voir également :

- Étude : situation des femmes palestiniennes - Ma’an
- 8 mars : journée de solidarité avec la prisonnière gréviste de la faim, Hana Al-Shalabi - Un appel de Janan Abdu

22 février 2012 - ONU-Femmes