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B.D.S. : Trois simples lettres, pour l’un des conflits les plus polémiques au monde, peuvent-elles écrire Libération ?
lundi 20 février 2012 - Ben White - London Student
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"La liberté n’est jamais abandonnée de plein gré par l’oppresseur ; elle doit être exigée par l’opprimé." Martin Luther King




« Il ne suffit plus d’essayer de changer Israël de l’intérieur. Israël doit être mis sous pression de la même façon que l’Afrique du Sud qui a été forcée de changer. »

Cesmots sont de Yonatan Shapira, ancien capitaine des Forces aériennes israéliennes devenu militant anti-apartheid. La campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) qu’il soutient s’est développée en simplement quelques années pour devenir une stratégie clé internationalement pour faire avancer les droits palestiniens.

BDS, c’est simple et direct : « mettre sous pression dans un effort visant à changer les pratiques d’un gouvernement et d’entreprises ». L’appel des ONG, syndicats, groupes confessionnels et organisations d’étudiants en Palestine comporte trois exigences qui englobent les droits fondamentaux palestiniens niés par Israël : la fin de l’occupation militaire, l’égalité pour les Palestiniens à l’intérieur d’Israël, le droit des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs foyers et leurs propriétés.

Quatre raisons essentielles font que BDS est nécessaire. La première, la plus importante, est la réalité des politiques constantes d’Israël de colonisation et d’apartheid. Les colonies d’Israël en Cisjordanie occupée sont montées au mépris du droit international, une position clarifiée par différentes résolutions des Nations-Unies, par l’Union européennes, le gouvernement du Royaume-Uni, et d’autres. Le Mur de séparation a aussi été condamné, notamment par la Cour international de Justice de La Haye, le 9 juillet 2004.

Le gouvernement et l’armée d’Israël perpétuent chaque jour des violations graves du droit : en démolissant des maisons en dehors du contexte d’une nécessité militaire ; en retenant en détention des Palestiniens sans jugement ; en contrôlant la liberté de mouvement en fonction de la carte d’identité des personnes. A Jérusalem-Est occupée - territoire annexé unilatéralement et illégalement par Israël -, les Palestiniens qui y vivent subissent des pratiques discriminatoires graves, notamment le retrait de leur « droit » même de vivre dans la cité.

Dans le même temps, des millions de Palestiniens restent des réfugiés, en héritage du nettoyage ethnique perpétré par Israël à sa création en 1948, quand la majorité des Palestiniens à l’intérieur des nouvelles frontières en ont été expulsés, interdits de retour, et que leurs biens leur ont été confisqués.

La conduite d’Israël a été critiquée dans nombre de résolutions des Nations-Unies, et ceci nous amène à la deuxième raison en faveur de BDS : l’absence de devoir rendre des comptes. Si des groupes comme Amnesty, Human Rights Watch et bien d’autres rapportent sur cette réalité, ce qui manque au niveau gouvernemental c’est la volonté de faire respecter les règles internationales. BDS est une réponse à cette impunité qui dure, une façon pour les Palestiniens de rechercher un soutien et une solidarité que devraient leur apporter, ce qui n’est pas le cas encore, les gouvernements occidentaux.

Troisièmement, BDS instruit, les actions de solidarité avec la Palestine, notamment avec les tactiques de boycott et désinvestissements, stimulent le débat et la discussion sur les campus, et fournissent une occasion inestimable pour mieux faire prendre conscience de la réalité sur le terrain.

Et quatrièmement, la campagne BDS permet aux populations d’agir, et de faire la différence. Tout comme des étudiants, et des non-étudiants, ont répondu à l’appel de nombreux groupes opprimés dans le passé et jusqu’à aujourd’hui, l’appel palestinien à l’action offre une alternative à l’apathie et la complicité.

Vous entendrez sans doute un certain nombre d’objections au BDS. L’une de ces objections prétend notamment que c’est « toujours » Israël qu’on cible. Bon, d’accord, mais les Palestiniens n’ont pas, que je sache, été dépossédés et occupés par le Guatemala. Ceux qui font cette objection ne s’imaginent pas en train d’accuser les militants tibétains de « toujours » cibler la Chine, ou de demander aux militants qui luttent contre l’esclavage des enfants de s’occuper d’ « autre chose ». En réalité, cette objection laisse entendre que les Palestiniens, en tant que peuple, n’ont tout simplement pas le droit de résister contre leur oppression et de rechercher des alliés dans leur lutte.

Une deuxième objection prétend que BDS « crée des tensions » sur les campus, une critique quelquefois accompagnée par la suggestion que ce sont les étudiants juifs qui sont « ciblés ». Ce n’est qu’un coup facile qui ne cherche qu’à salir les étudiants engagés pour les droits humains. Parmi les militants du BDS, il y a des Palestiniens et des juifs, et bien d’autres. Chaque fois qu’une injustice est dénoncée, cela produit une tension : entre ceux qui cherchent à y mettre fin, et ceux qui défendent le statu quo.

BDS a également été critiquée au motif que « ça n’a pas marché », c’est-à-dire, que ses objectifs de faire respecter les droits palestiniens n’ont pas été atteints. Je ne sais pas si ceux qui opposent cet argument comprennent à quel point il paraît étrange : heureusement, ils n’étaient pas là dans les années soixante-dix pour dire aux militants anti-apartheid : « Laissez tomber, ce boycott contre l’Afrique du Sud ne conduit nulle part ».

Une objection plus intéressante consiste à dire que BDS écarte le camp de la paix israélien. Mais qui est dans ce camp de la paix ? Ces Israéliens qui aspirent à revenir comme à l’époque de Yitzhak Rabin, ce dirigeant israélien engagé, tous comme les autres, dans le maintien d’un régime de discrimination ethno-religieuse et de colonisation ? Ce « camp de la paix » qui appelle au retrait de tout ou partie de la Cisjordanie dans le seul but de garantir les privilèges juifs sur la majorité du territoire ? Heureusement, « il y a » des Israéliens qui croient sincèrement dans la paix par la justice, et qui rejoignent les Palestiniens pour une co-résistance au système de discrimination. Des Israéliens comme Shapira, qui soutiennent l’appel au boycott.

Les paroles de Martin Luther King, dans sa lettre écrite dans sa prison de Birmingham, Alabama, résonnent encore aujourd’hui :

« De façon regrettable, il est un fait historique que les groupes privilégiés n’abandonnent que rarement leurs privilèges volontairement... Nous savons pour l’avoir vécu douloureusement que la liberté n’est jamais abandonnée de plein gré par l’oppresseur ; elle doit être exigée par l’opprimé. »

J’insiste : BDS est une tactique, pas une fin en soi. C’est une réponse à l’appel des Palestiniens, qui fait un lien direct entre les crimes israéliens et leur solution. Elle est un signe d’espoir, pas de désespoir. Et c’est une stratégie populaire qui prend racine dans une tradition riche, historique d’oppositions à toutes les sortes d’injustice.

Le boycott et le désinvestissement ne sont pas mystérieux, ni nouveaux : le BDS est un voie très empruntée comme moyen de réaliser des changements et de défier les pouvoirs. Ce n’est pas « seulement » le moyen de montrer notre solidarité avec les Palestiniens, BDS doit s’intégrer dans un tout plus vaste, c’est un élément dans un programme plus large visant à la libération de la Palestine. Mais c’est la partie que « nous », nous avons à jouer. Le BDS est « notre » réponse à l’appel des Palestiniens, et en agissant, nous pouvons apporter une contribution déterminante à l’élaboration d’une résolution juste au conflit.


Ben White est journaliste indépendant, et l’auteur de deux livres. Diplômé de l’université de Cambridge, il intervient régulièrement sur Israël/Palestine à l’université des collèges de Londres et son nouveau livre, préfacé par la députée Haneen Zoabi, s’intitule «  Les Palestiniens en Israël : ségrégation, discrimination et démocratie ».

Sur Twitter (@benabyad) and Facebook.

Du même auteur :

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- Beit Sahour : un microcosme de la colonisation israélienne
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