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Ce que le meurtre de Kadhafi signifie pour la Syrie
jeudi 3 novembre 2011 - Robert Fisk - The Independent
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Entourée de supplétifs libyens, Clinton se réjouit du bain de sang en cours, la politique avouée des Etats-Unis aujourd’hui étant d’assassiner les chefs d’état qui ne sont pas jugés suffisamment dociles - Photo : Reuters

À ce moment-là le fou ex-empereur de la Libye était encore caché à Syrte, mais ont pouvait trouver cette citation extraite des déclarations faites à Tripoli par la secrétaire d’Etat américaine, La Clinton. « Nous espérons qu’il sera bientôt capturé ou tué », a-t-elle dit, « de sorte que vous n’ayez plus à le craindre plus longtemps. » C’était si extraordinaire que j’ai souligné les mots de La Clinton et découpé l’article de l’une des premières pages. (Mes archives sont sur papier.)

« Nous espérons qu’il sera bientôt capturé ou tué. » Puis bingo. L’OTAN a bombardé son convoi en fuite et l’ex-copain est tiré blessé d’un tuyau d’égout puis on le fait disparaître.

Donc à une époque où l’Amérique assassine systématiquement ses ennemis, les mots de La Clinton ont été remarquables car ils disaient enfin la vérité. Normalement, le Département d’Etat ou la la Maison Blanche concocte les habituelles absurdités sur la façon dont Kadhafi ou Ben Laden ou quiconque doit être « traduit en justice » - et nous savons tous ce que cela signifie. Mais cette semaine, toute l’affaire s’est avérée beaucoup plus sombre. Interrogé sur sa réaction personnelle, M. Obama le Bon a dit que personne ne voudrait subir une telle fin, mais que la mort de Kadhafi devrait être une leçon « pour tous les dictateurs du monde entier. » Et nous comprenons tous ce que cela signifiait. le message était principalement adressé à Bachar al-Assad de Syrie. Peut-être, était-il suggéré, qu’il trouverait la même fin.

A présent je suis ici, à Damas et j’ai demandé aux Syriens ce qu’ils pensaient de toute cette affaire. Chaque fois que j’ai dit que Kadhafi était un fou, ils étaient entièrement d’accord. Mais quand j’ai discuté avec un fonctionnaire du gouvernement de très haut niveau qui travaille directement pour la direction syrienne, il s’est exprimé en des termes légèrement différents. « Nous n’acceptons aucune comparaison, » m’a-t-il dit. « Mais la gravité dans le fait de tuer Kadhafi, c’est qu’en Occident, à l’avenir, ils vont dire : « Voyez comment les Libyens se comportent ? Voyez comment les Arabes se comportent ? Voyez comment les Musulmans se comportent ? Ce sera utilisé contre l’Islam. C’était plus humiliant pour les Libyens que cela ne l’a été pour Kadhafi, et c’est pourquoi je crains que ce soit utilisé contre nous tous. C’est ma véritable préoccupation. »

A la télévision syrienne, cette semaine, j’ai fait remarquer que Kadhafi était fou et que - quoi que vous pensiez de lui - Assad ne l’était pas. Cela a été vigoureusement (naturellement) approuvé par le présentateur. Mais attendez. J’ai promis de dire aux lecteurs ce qui s’est passé avec le programme. Eh bien, il y a deux jours, un peu par hasard, je suis tombé sur le journaliste qui m’avait interviewé. Hélas, dit-il, il pensait que la traduction et les sous-titres ne seraient pas prêt pour la diffusion de samedi soir. Peut-être que nous pourrions faire une autre interview plus tard. Retour aux vieilles pratiques, je suppose : nous verrons bien.

En tout cas, j’ai été rendu très conscient par son assistante personnelle à quel point Asma, l’épouse de Bachar al-Assad avait été « profondément blessée » par un article publié dans The Independent il y a quelques semaines, qui suggérait qu’elle était indifférente au sort des opposants civils du régime tués par les forces de sécurité. L’article - qui n’était pas de moi - citait un officiel à Damas qui était présent à une réunion avec la Première Dame, disant que, lorsqu’ils étaient interrogés sur le nombre de victimes, « il n’y avait pas de réaction. »

Inutile de dire que cette histoire a été gobée par les médias arabes, notamment Al-Jazeera, la chaîne de télévision la plus haïe des Assad. Puis l’assistante d’Asma al-Assad est venue me donner le compte-rendu en version arabe du Croissant-Rouge syrien. Sa lecture est intéressante. Les bénévoles du Croissant-Rouge syrien (SARC) ont fait savoir à l’épouse du président qu’ils avaient été mieux traités par l’armée « qui a un commandement bien identifié » qu’ils ne l’avaient été par les services de renseignement sur les checkpoints à travers la Syrie. Ils ont expliqué que la « muhabarrat » [les services de renseignements et sécurité] n’ont ni principes ni commandement clair, du moins de notre point de vue, » et que les véhicules du Ministère de la santé sont parfois utilisés à mauvais escient par des « parties sans contrôle et que cela a créé une situation de peur parmi les citoyens. » Mme Assad a dit combien il était difficile pour les employés du SARC de travailler dans des zones dangereuses et de transporter les blessés.

« Mme Asma [sic] a montré sa compréhension des difficultés rencontrées par nos bénévoles » « dit le rapport du SARC, « et elle a exprimé sa profonde admiration pour leurs efforts au service de l’humanité et des personnes ... et elle a promis de transmettre certaines de leurs revendications aux autorités. » la visite de Mme Assad était « informelle » et les discussions « amicales. »

Dans les jours qui ont suivi, poursuit le rapport du SARC, le comportement des « contrôles de sécurité » envers leurs bénévoles s’est amélioré. Un rapport ultérieur dans l’hebdomadaire Syria Today cite Mme Assad disant que les volontaires du Croissant-Rouge « doivent rester neutres et indépendants en cette période, en se concentrant uniquement sur les besoins humanitaires. »

Nous y sommes donc. Certainement pas de l’indifférence - mais difficilement une condamnation ferme des atteintes aux droits humains. Bien sûr, je peux imaginer le problème d’Asma al-Assad. Si elle s’était exprimée directement contre le meurtre de manifestants, bien sûr, la presse mondiale et les chaînes de télévision n’auraient pas dit que Mme Assad s’était levée pour défendre les droits humains. Les titres auraient été politiques, et nous aurions pu lire : « Le président syrien attaqué par sa femme. » La vérité, je le crains, c’est qu’une fois que la guerre a commencé, vous ne pouvez pas la remporter. Même si vous êtes l’épouse du président.

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29 octobre 2011 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : Nazem