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La Grande-Bretagne et la France mènent la charge coloniale en Libye
lundi 26 septembre 2011 - Peter Symonds
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Bombardements "démocratiques" de l’OTAN sur la Libye... - Photo : fr.altermedia.info

Cameron et Sarkozy ont été fêtés par les dirigeants du client local de l’OTAN - le Conseil national de Transition (CNT) - à Tripoli d’abord à grand renfort de mesures de sécurité puis ils ont été rapidement transportés au bastion du CNT à Benghazi. Sous les vivats de la foule rassemblée, Cameron a salué « la Libye libre ». « La France, la Grande-Bretagne, l’Europe seront toujours aux côtés du peuple libyen, » a déclaré Sarkozy.

Le faux prétexte de l’aventure néocoloniale de l’OTAN - soi-disant pour protéger des vies libyennes contre le régime de Mouammar Kadhafi - a pratiquement été abandonné. Les avions de combat de l’OTAN continuent de bombarder des cibles autour des villes pro-Kadhafi restantes de Syrte et de Bani Walid au mépris de la vie des civils alors que le CNT et les partisans de l’OTAN essaient de contrôler le pays entier. Les médias occidentaux qui avaient promu l’intervention impérialiste en lançant des avertissements soi-disant de massacres imminents de la part du régime Kadhafi, gardent un silence réservé sur les centaines, si non les milliers de civils qui ont été tués lors des bombardements de l’OTAN.

Cameron a déclaré que Benghazi « a été une inspiration pour le monde entier, et vous avez renversé un dictateur et vous avez choisi la liberté. » Sur la tribune se trouvaient à côté de lui le président du CNT, Moustapha Jalil, ancien ministre de la Justice de Kadhafi, et le « premier ministre » du CNT, Mahmoud Jibril qui avait présidé le conseil national pour le développement économique. Les deux hommes portent la responsabilité des crimes du régime Kadhafi et ne seront pas moins impitoyables dans leur traitement de l’opposition politique contre le nouvel ordre de l’OTAN nouvellement créé.

Cameron et Sarkozy, ont bien sûr rejeté toute suggestion que leur visite en Libye était liée à des intérêts mercenaires. Aucune promesse n’a été faite ou recherchée a dit le président français aux reporters en ajoutant : « Ce que nous avons fait, nous l’avons fait pour des raisons humanitaires. Il n’y avait pas d’agenda caché. » Jalil s’est empressé d’affirmer que la France et la Grande-Bretagne « auront une influence future ». Il a poursuivi en disant : « Nous allons honorer les anciens contrats, et nos amis auront un rôle initiateur conformément à leurs efforts dans le soutien de la Libye. » En d’autres termes, le butin du pétrole appartient aux vainqueurs.

La ruée néocoloniale sur la Libye est tellement évidente qu’elle est ouvertement reconnue par la presse de l’establishment. En commentant ceci cette semaine, Simon Tisdall du Guardian a remarqué : « En vérité, à la manière des héros conquérants de l’histoire, les dirigeants britanniques et français sont arrivés, à la recherche des lauriers de la victoire qui produiront peut-être avec le temps un rendement financier appréciable. Il s’agit, d’abord et avant tout, du butin de guerre de Dave et de Sarko. »

La visite de Cameron et de Sarkozy marque le début d’une compétition féroce pour l’influence politique, la position stratégique et les profits en Libye. Hier, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, est arrivé à Tripoli pour déclarer que « l’ère des régimes oppresseurs est révolue. » Avant le déclenchement de la guerre civile en février, les avoirs de la Turquie en Libye s’élevaient à quelque 15 milliards de dollars en Libye, et qu’Erdogan était soucieux de sécuriser.

En début de semaine, le PDG du géant énergétique italien ENI, Paolo Scaroni était à Tripoli pour discuter la reprise des exportations de gaz de la Libye. ENI était le plus important producteur d’énergie de la Libye avant la guerre et est évidemment très soucieux de défendre sa position dominante. La Libye dispose des plus importantes réserves d’énergie connues en Afrique - 46,4 milliards de barils de pétrole et 55 pieds cubes de gaz naturel. Les responsables libyens ont rapporté aux « Amis de la Libye » qui s’étaient réunis à Paris le 2 septembre que cinq grandes entreprises étrangères d’énergie étaient revenues dans le pays.

Malgré toutes les affirmations hypocrites que la guerre pour un « changement de régime » concernait uniquement la protection de vies humaines, les objectifs de l’impérialisme britannique et français en Libye, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ne sont pas plus humanitaires aujourd’hui qu’elles ne l’étaient ces 200 dernières années.

Il suffit d’examiner brièvement l’histoire de la Libye et de ses voisins directs. Soixante-dix ans de domination coloniale britannique en Egypte ont débuté en 1882 avec un bombardement maritime d’Alexandrie et une force expéditionnaire pour réprimer brutalement une opposition nationaliste. La Grande-Bretagne a envahi le Soudan voisin sous la bannière humanitaire de répression de la traite des esclaves partout dans le pays.

La France a un long passé de domination coloniale en Algérie, au Tchad, au Niger et en Tunisie. Dans les années 1940 et 1950, pour conserver le contrôle de l’Algérie elle avait mené une longue guerre sanglante durant laquelle les forces françaises devinrent tristement célèbres pour l’usage de la torture, de représailles et de massacres de masse. Le gouvernement post-colonial avait estimé que jusqu’à 1,5 million d’Algériens avaient été tué durant la lutte contre la domination française.

La Libye elle-même était sous le joug de l’Italie qui avait justifié son invasion comme étant une mission « civilisatrice. » De l’avènement de la domination italienne jusqu’à la déroute de l’armée italienne durant la Deuxième Guerre mondiale, la moitié de la population libyenne a été assassinée, affamée ou poussée à l’exil. La résistance à la domination italienne a été réprimée par des bombardements aériens systématiques et, dans les années 1930, par la rafle de 100.000 personnes, dont la plupart des nomades, et leur déportation dans des camps de concentration où au moins la moitié d’entre elles sont mortes.

Alors que tous ces pays étaient devenus officiellement indépendants après la Deuxième Guerre mondiale, les anciennes puissances coloniales ont maintenu indirectement leurs intérêts économiques et stratégiques par le biais des divers régimes nationalistes qui avaient émergé. C’est précisément cet échec abject du nationalisme bourgeois de mettre fin à la domination impérialiste ou de satisfaire les besoins sociaux pressants et les aspirations démocratiques des masses qui a ouvert la voie aux nouvelles interventions coloniales. Confrontées à la pire crise économique depuis les années 1930, les puissances américaines, européennes et les puissances émergentes comme la Chine et la Russie sont toutes engagées dans une course effrénée contre leurs adversaires pour la domination de l’Afrique, du Moyen-Orient et internationalement.

Durant son voyage en Libye, Sarkozy a même indiqué la prochaine « mission humanitaire » de la France, en déclarant qu’il dédiait sa visite « à tous ceux qui espèrent que la Syrie soit un jour un pays libre. » Le contrôle de la Syrie et du Liban avait été alloué à la France après la Première Guerre mondiale dans le cadre des accords Sykes-Picot signés avec la Grande-Bretagne et qui partageaient l’ancien empire ottoman entre les deux puissances impérialistes. Ne voulant pas être en reste, le premier ministre turc Erdogan, a réclamé pour sa part le lendemain que « ceux qui oppriment le peuple de Syrie » devraient être conscients que « leur temps était écoulé. »

17 septembre 2011 - WSWS - Vous pouvez consulter cet article à :
->http://wsws.org/francais/News/2011/sep2011/colo-s21.shtml