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Massacres de 1967 : l’heure de rendre des comptes ?
mercredi 21 mars 2007 - Al Ahram Hebdo

Egypte-Israël. L’unité militaire auteure du massacre des soldats égyptiens a toute une histoire faite de cruauté et d’indiscipline.

Un commando sans foi ni loi

Aliaa Al-Korachi

Rouah Shaked ou l’esprit de Shaked, ce film à l’origine de toute la colère aujourd’hui envers Israël, tire son nom d’une unité de l’armée israélienne. Shaked ... c’est l’abréviation en hébreu des « Shomry Kad Drom », ou les gardes-frontières de la ligne sud. Cette unité de commandos israéliens aurait commis des atrocités lors des guerres avec l’Egypte, en tuant notamment quelque 250 soldats égyptiens, dans le désert du Sinaï, après la fin de la guerre de 1967.

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Ben Elizer : jugé un jour comme criminel de guerre ?

Selon les observateurs, cette liquidation à sang-froid ne serait pas la seule commise par cette unité. Une observation tout à fait convaincante si l’on suit le début de cette unité formée en 1953 et attachée au commandement central de l’armée israélienne, puis deux ans après au commandement sud, c’est-à-dire à la frontière avec l’Egypte. Cette décision a été prise par Ariel Sharon dont le nom ne laisse aucun doute sur les activités qu’aurait mené cette unité.

A ce moment, cette unité portait le nom de « l’unité 101 ». Sa mission principale était d’empêcher les opérations de fedayins, lancées à partir de la Jordanie et de L’Egypte. Elle était formée au début de 25 commandos, dont des druzes et des bédouins. Selon l’armée israélienne, elle-même, ces combattants n’étaient pas très disciplinés et ont mené des actes indépendamment de l’armée, de telle sorte que Moshé Dayan a dit : « Cette unité va mener Israël vers l’impasse ». Ainsi, deux massacres portent son sceau, celui de la ville de Kabeya, tout proche de la Galilée, où l’unité 101 a assassiné plus de 65 civils et des dizaines d’autres dans la ville de Nahalin.

Sa mauvaise réputation a poussé le gouvernement israélien à la dissoudre avant qu’elle ne voie de nouveau le jour avec la guerre de 1967. Cette fois-ci, l’unité change de nom et aussi de chef. Shaked est désormais son nom et son commandant, auquel les Israéliens attribuent le mérite de l’avoir disciplinée, n’était que Fouad ben Eliezer ou aujourd’hui Binyamin ben Eliezer, actuel ministre des Infrastructures. Il dirige l’unité depuis 1967 et durant la guerre d’usure jusqu’en 1970. C’est lui qui est aujourd’hui accusé d’avoir donné l’ordre de liquider les soldats égyptiens, on dit même qu’il marquait leur nombre sur son pantalon.

14 mars 2007 - Al Ahram Hebdo


Egypte-Israël. Uri Avnery, écrivain et journaliste israélien, militant des droits palestiniens et pacifiste convaincu, affirme que la liquidation des soldats égyptiens en 1967 n’est pas le seul crime de guerre israélien.

« Ben Eliezer a un long registre à son actif »

Achraf Aboul-Hol

Al-Ahram Hebdo : Avez-vous vu ce documentaire L’esprit de Shaked à l’origine de cette affaire ?

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Uri Avnery

Uri Avnery : Certainement. D’ailleurs, nous savons qu’à la fin de la guerre de juin 1967, un grand nombre de soldats égyptiens ont été tués dans le Sinaï pendant leur retrait en direction du Canal de Suez. C’est un fait bien établi. Mais la question qui s’est posée était de savoir si l’armée israélienne avait dû oui ou non leur donner de l’eau puisque nombreux d’entre eux sont morts de soif et d’épuisement. Un tel comportement se rapproche beaucoup d’un crime de guerre. Nous l’avions appris à l’époque, mais l’on ne pouvait pas le publier étant donné la censure militaire qui a interdit de diffuser de telles informations.

A l’époque, j’étais le rédacteur en chef d’un hebdomadaire et je n’ai pas réussi à publier le fait. Ce n’était d’ailleurs pas le premier crime de guerre de ce genre contre les soldats égyptiens. En 1956, Rafael Eitan, qui est devenu chef d’état-major, a permis à ses troupes de tuer un grand nombre de soldats égyptiens entre Charm Al-Cheikh et Al-Tor, dans le Sud-Sinaï. Ils étaient pris en tenailles entre le bataillon israélien qui avait envahi Charm Al-Cheikh à partir des frontières orientales et les paras commandés par Eitan, connus sous le nom de Raful, après avoir progressé d’Al-Tor au sud.

Un même scénario s’est répété en 1956 lorsque les Britanniques et les Français ont attaqué le Canal de Suez. Un grand nombre de soldats égyptiens se sont trouvés encerclés entre Israéliens et Franco-britanniques. C’est ce qui a poussé le commandement égyptien à ordonner à ses troupes de se retirer sur la ligne du Canal de Suez le plus rapidement possible pour qu’elles ne soient pas liquidées. La chose s’est répétée en 1967.

Al-Ahram Hebdo : Le document souligne que c’est Benyamin ben Eliezer, actuel ministre des Infrastructures, qui a conduit l’opération de liquidation des soldats égyptiens en 1967. Etiez-vous au courant de ce fait ?

Uri Avnery : Non, je ne le savais pas. Mais Ben Eliezer a, à son actif, un long registre, lorsqu’il commandait les troupes israéliennes en Cisjordanie en juin 1967, puis, lorsqu’il est devenu le responsable des contacts avec le Parti des Phalanges au Liban. C’est lui qui a préparé l’invasion israélienne du Liban en 1982.

Al-Ahram Hebdo : Dans le film, il y a ces témoignages selon lesquels les avions israéliens survolaient les soldats égyptiens, les poursuivaient dans le désert puis les mitraillaient. Est-ce un fait avéré ?

Uri Avnery : Oui. C’est une histoire très triste et qui aurait dû être condamnée. Mais je suis sûr qu’aucun membre du commandement militaire israélien de l’époque n’aurait rien fait pour interdire ces pratiques. La seule qui a été soulevée était celle de savoir s’il fallait donner de l’eau ou non aux soldats égyptiens qui se retiraient du Sinaï.

Al-Ahram Hebdo : Pensez-vous qu’il faut traduire en justice des officiers ou des soldats de l’unité Shaked ?

Uri Avnery : S’il y a des gens qui le veulent en Egypte, pourquoi pas ?

Al-Ahram Hebdo : Selon la loi israélienne, les Egyptiens ou les activistes des droits de l’homme israéliens peuvent-ils mener une poursuite judiciaire pour la liquidation des prisonniers égyptiens ?

Uri Avnery : La loi israélienne n’est pas claire en ce qui concerne cette question, d’autant plus que les soldats n’ont pas parlé de capture ou du meurtre de soldats égyptiens. Cependant, la loi israélienne, tout comme le droit international, interdit l’exécution des prisonniers de guerre. Et si une personne donne l’ordre de tuer des prisonniers de guerre, cela serait illégal et aux soldats de ne pas lui obéir. Mais si les soldats avaient reconnu les faits, cela serait devenu automatiquement un crime de guerre. Ceci parce que, comme je viens de l’affirmer, la loi israélienne et le droit international interdisent de tuer les prisonniers.

Mais je n’ai pas d’informations suffisantes sur les conditions de cette opération. Il faut donc consulter un expert juridique.

14 mars 2007 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahra...

14 mars 2007