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Une source arabe : Azmi Bishara, sur la candidature de la Palestine aux Nations-Unies
dimanche 18 septembre 2011 - Azmi Bishara/Simone Daud
Mondoweiss
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Azmi Bishara courant de cette année, après le soulèvement tunisien




Simone Daud, le 16 septembre 2011 :

Azmi Bishara s’est distingué comme analyste politique éminent du monde arabe. Il y a quelques années, il disait s’attendre à ce que la Tunisie soit la première dictature arabe à être confrontée à une révolution démocratique. Son émission en soirée sur al-Jazeera, où il a couvert les insurrections arabes, n’a pas seulement été intelligente et juste, elle a aussi influé sur le cours des révolutions en Égypte, en Libye et en Syrie. Quand Bishara parle, ceux qui l’écoutent prêtent attention et, j’imagine, les dictateurs encore épargnés se mettent à trembler. Je connais Bishara personnellement, je n’en étais pas une grande admiratrice quand il était une personnalité politique. Mais il n’existe pas meilleur expert politique arabe. Il est apparu comme l’intellectuel de la révolution arabe.

Dans cet article, je vous traduis (rapidement, parfois sommairement) cette interview récente d’Azmi Bishara, sur al-Jazeera. Voir aussi ci-dessous la vidéo, en arabe.

Bishara associe l’arabe classique à un certain arabe facile dans l’entretien. Il parle de la candidature palestinienne aux Nations-Unies. Pour lui, la majorité des deux tiers n’est pas assurée à l’Assemblée générale. Il faut nécessairement un suivi conflictuel pour arriver à cette candidature. Il faut aussi que l’attitude de la direction palestinienne change. Il nourrit l’éventualité d’une troisième Intifada dans le cadre du soulèvement arabe général. Il souligne comment le monde a changé avec le printemps arabe. Et conclut par une brève intervention sur les relations israélo-turques.

Ci-dessous ma traduction (en anglais).


Le présentateur al-Jazeera :... La reconnaissance de l’État (palestinien) aux Nations-Unies semble être garantie... mais quelles en seront les suites ?

Bishara : Je ne pense pas que le succès soit garanti. Il y a des pressions américaines et maintenant européennes sur certains pays pour qu’ils retirent leur soutien. Et la bataille pour les Palestiniens, au dernier moment, sera d’assurer une majorité des deux tiers à l’Assemblée générale. Bien entendu, il y aura une reconnaissance (de la Palestine) mais pas une pleine adhésion (aux Nations-Unies) qui requiert une décision du Conseil de sécurité où il y a le veto (US). Néanmoins, la reconnaissance de l’État est en elle-même extrêmement importante, non parce qu’elle établit un État indépendant ! Mais parce que les Palestiniens se détachent du processus de négociations bilatérales et passent au plan international. Ils ont avec eux les Arabes. C’est une progression.

Bishara : Cela inquiète Israël parce que nous avons replacé la lutte diplomatique sur le plan international. Alors qu’Israël a jusqu’ici minimisé, limité, et bloqué (l’arène diplomatique) à une situation où deux négociateurs se rencontrent, et où, compte tenu de l’équilibre des forces, un des côté négocie (Israël), et l’autre doit demander la permission rien que pour circuler et venir négocier. Ceci n’était pas normal. Cette réalité était extrêmement néfaste.

Bishara : Donc, maintenant (la candidature aux Nations-Unies) est la démonstration que cette dynamique a échoué et est terminée. Israël a profité d’une force dynamique dans les (négociations bilatérales) pour augmenter les colonies et judaïser Jérusalem. En outre, Barack Obama s’était engagé, en septembre 2010, à ce qu’il y ait un État palestinien en septembre 2011. Où est Obama aujourd’hui ? Le Quartet - Russie, Union européenne, Nations-Unies, États-Unis - (avait fait la même chose). Où sont-ils maintenant ? Où se cachent-ils ? Où se sont-ils volatilisés ? Ils avaient dit qu’Israël devait mettre fin à la colonisation, ils ne l’ont pas arrêté. En fait (Israël) n’a rien apporté réellement.

Bishara : Face à cette réalité, nous avons maintenant (la candidature aux Nations-Unies). Mais le problème est le suivant. La direction palestinienne a choisi l’escalade. Cela ouvre la porte à de nouvelles initiatives importantes, également au niveau international. Des mesures qui peuvent faire de la Palestine un pays occupé au lieu de terres occupées. Cela pourrait ouvrir la possibilité d’arriver à des sanctions... (contre Israël)... mais tout ceci n’est pas l’important.

Bishara : L’important c’est ce qui suit. Est-ce que les autorités palestiniennes vont pouvoir intégrer cette nouvelle phase (du combat) avec leur vieille façon de voir et de comprendre ? Ou (la direction) va-t-elle modifier sa façon de penser ?

Présentateur al-Jazeera : La (direction) évoque toujours l’option des négociations (bilatérales).

Bishara : Oui, effectivement. La question c’est, qu’est-ce qui va déterminer ces nouvelles initiatives ? L’ancienne façon de penser ?... Ou alors, vous voulez casser la vieille dynamique mais garder la vieille façon de penser et les vieilles stratégies ? (impossible)... Ce qu’il faut, c’est une nouvelle attitude palestinienne : les négociations bilatérales ont échoué ; les Nations-Unies nous ont accordé une reconnaissance ; maintenant, nous devons faire entrer dans les faits cette reconnaissance (sur le terrain).

Bishara : Nous devons imposer notre souveraineté... Cela mènera à la fin des relations avec Israël notamment à la fin de la coopération sécuritaire... Malheureusement, le chef de l’Autorité (Abbas) a, récemment, dans une réunion avec des intellectuels, réaffirmé la poursuite de cette coopération sécuritaire et des négociations (bilatérales). Par conséquent, le problème dépend de la capacité ou non de la direction à se débarrasser de son vieux mode de pensée.

Bishara : Si nous nous libérons de nos vieilles façons de penser et de nous comporter, alors, cette initiative (d’aller aux Nations-Unies) devient partie prenante de ce qu’il se passe dans la région. Les masses arabes adopteront ces nouvelles mesures, si les Palestiniens annoncent qu’ils commencent une nouvelle Intifada, ou cessent la coopération sécuritaire, ou prennent des initiatives pour obtenir des sanctions (internationales). Même s’il ne s’agit pas d’une résistance armée ou d’une Intifada (non violente), mais juste d’un changement de dynamique dans la combativité avec Israël, alors il ne fait aucun doute que le monde arabe fera sien ce changement. Il s’agit de sortir de la dynamique des négociations bilatérales.

Présentateur d’al-Jazeera : Donc, il s’agit d’une nouvelle étape qui doit s’écarter de l’ancien, et qui requiert une nouvelle stratégie ? Une stratégie conflictuelle ? Qu’est-ce que cela signifie ? Une troisième Intifada ?

Bishara : Et pourquoi pas ? Pendant cette période du Printemps arabe. Pourquoi pas ? Qui blâmerait les Palestiniens dans un tel cas ? Qui pourrait dire que les Palestiniens n’ont pas tenté de faire la paix ? Gaza, bon, d’accord. Mais qui blâmerait la population de Cisjordanie ? (Peut-on dire que ce sont) des extrémistes ? Pourquoi ? Pourquoi ne pas avoir (une Intifada) ? C’est une bataille en tous les cas. Les (masses arabes) l’accepteront... (après l’Égypte).

Qui peut résister au soulèvement du peuple palestinien maintenant ? (d’un ton insistant).

Bishara : Les masses (arabes) ont fait leur le soulèvement du peuple syrien. (Pourquoi pas le soulèvement palestinien ?). Nul (au monde) ne peut refuser/rejeter les mouvements des masses (arabes). (rire). Pensez-vous que n’importe quel (Arabe, musulman) rejetterait/refuserait un soulèvement du peuple palestinien ?

Bishara : (Le monde a changé)... Regardez l’évolution qui s’est produite dans la position turque. L’excellente évolution dans leur position... L’Égypte peut-elle maintenir sa coopération (avec Israël) ?... Pouvez-vous envisager une situation où la Turquie escorte des navires vers Gaza et où l’Égypte garde la frontière avec Gaza fermée par exemple ? Il y a une nouvelle réalité de la région.

Bishara : Le peuple palestinien est prêt. Il doit être prêt. Pas comme pour la... deuxième (et la première) Intifada où les Palestiniens se sont lancé à l’aventure. Ils doivent être prêts. L’objectif doit être le succès. Ils doivent être organisés pour réussir. Il nous faut donc une attitude conflictuelle (de la part de l’Autorité palestinienne envers Israël). À tout le moins, en tant que réaction à l’escalade d’Israël qui a traité l’initiative (d’aller aux Nations-Unies) comme si c’était une Troisième Guerre mondiale.

Présentateur al-Jazeera : Revenons à la Turquie. Certains considèrent que son changement d’attitude est une tactique visant à faciliter l’acceptation d’une installation d’une défense antimissiles en Turquie pour se protéger de l’Iran et de la Russie, et peut-être même de la Syrie.

Bishara : Israël ne voit pas les choses de cette façon (comme simplement une tactique). Israël sent qu’il y a la décision en Turquie de modifier ses cadres historiques. Seuls, les militaires en Israël, (Ehud) Barak, l’establishment de la sécurité aimeraient mettre cela de côté/ne pas voir ces changements (et continuer comme si de rien n’était). Mais la direction politique en Israël a compris qu’il y a eu un changement historique en Turquie. Donc, il existe un désaccord à ce propos en Israël. Barak a dit récemment, « Pourquoi ne pas s’excuser auprès de la Turquie ? » Il ne perçoit pas le changement comme un changement historique (en Turquie). Comme si la Turquie avait été mise dans un coin par le comportement d’Israël. Les États-Unis jouent les intermédiaires et tentent de leur faire renouer les relations. La Turquie, cependant, reste ferme sur les principes. Des excuses d’Israël, ça ne fonctionnera pas. Si Israël s’excusait, alors la Turquie enverrait encore plus de navires.

رؤية عزمي بشارة بخصوص استحقاق أيلول

Source


* Azmi Bishara, 54 ans, fut à deux reprises député de la Knesset (Parlement) israélienne.

Son soutien à la résistance du Hezbollah libanais après l’attaque israélienne de 2006 lui a valu des accusations de trahison. En 2007, il s’est établi au Qatar où il enseigne. Il est auteur de plusieurs ouvrages écrits en arabe, en hébreu et en allemand, dont entre autres, L’identité et la fabrication de l’identité dans la société israélienne, Étude critique sur la société civile et Thèses sur une renaissance entravée.

D’Azmi Bishara :

- « Le projet des élites dirigeantes arabes est de se maintenir au pouvoir »
- Nous voulons vivre
- Élections sous état de siège
- Iran : une autre lecture
- Quel avenir pour la pensée nationale arabe ?
- Annapolis : Madrid redux
- L’Etat des Croisés
- Obtenir de vos victimes qu’elles vous aiment

Interview :

- Recherché pour crimes contre l’état (interview) - 29 juillet 2007

Sur Azmi Bishara :

- Procédure pour retirer la nationalité israélienne à Azmi Bishara - 29 juillet 2007 - 22 novembre 2008
- Le “Citoyen Azmi” sans citoyenneté ? - 11 septembre 2008

16 septembre 2011 - Mondoweiss - traduction de l’anglais : JPP