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Les dictateurs du monde arabe s’accrochent, mais pour combien de temps ?
mercredi 3 août 2011 - Robert Fisk
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Immense manifestation contre la dictature en Syrie - Ville de Hama, 29 juillet 2011 - Photo : Reuters

C’est le dirigeant druze, chef du Parti socialiste progressiste libanais et « chef de guerre », qui a suggéré que le tribunal international de l’ONU sur l’assassinat en 2005 de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri puisse être mis de côté dans l’intérêt de la « stabilité avant celui de la justice ». Il y a eu des hurlements de rage venant de Saad Hariri, le fils de l’ex-Premier ministre et actuellement en vadrouille dans le monde pour rester en dehors du Liban - et c’est compréhensible, en raison de ses propres craintes d’être assassiné - tandis que la Syrie-s ?ur se tient silencieuse à l’Est. Et maintenant Jumblatt déclare que certains en Syrie entravent les réformes.

Il semble que « certains » dans le régime du parti Baas ne veulent pas traduire dans les faits les promesses de réforme du président Bachar al-Assad. Les soldats ne devraient pas tirer sur les civils. Joumblatt dit que la leçon de la Norvège est aussi une leçon pour le régime syrien, et il n’a pas échappé au monde arabe que dans ses divagations sur Internet, Anders Breivik a également revendiqué que tous les Arabes quittent la Cisjordanie et Gaza.

Sans rien vous promettre, mais cela pourrait bien arriver - et combien je déteste ce cliché - le « point de basculement » en Syrie pourrait bien être atteint. Cent mille personnes (minimum) dans les rues de Homs, des soldats de l’académie militaire syrienne dans la ville ayant fait défection... Un train complet de passagers qui déraille - à cause des « saboteurs », selon les autorités syriennes, par le gouvernement lui-même, selon les manifestants qui réclament la fin de règne du parti Baas - et encore des tirs dans la nuit à Damas.

Assad espère-t-il toujours que les peurs du sectarisme maintiendront les Alaouites minoritaires, les chrétiens et les druzes derrière lui ? Les manifestants disent que leurs dirigeants sont assassinés par des hommes armés du gouvernement, que des centaines, voire des milliers de personnes ont été arrêtés. Vrai ?

Le long bras de la Syrie, bien sûr, peut encore aller loin. Dans Saïda, cinq soldats italiens de l’ONU ont été blessés après que Berlusconi se soit joint à l’UE en condamnant la Syrie. Puis Sarkozy s’est joint à la condamnation et - bang - cinq soldats français ont été blessés dans la même ville cette semaine. Une bombe sophistiquée.

Tout le monde soupçonne la Syrie. Personne ne sait. La Syrie a des partisans parmi les Palestiniens du camp de Ein el-Helweh à Saïda. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, annonce ensuite que son mouvement va protéger face aux Israéliens les réserves pétrolières maritimes inexplorées du Liban - il y a un litige sur 550 miles carrés de Méditerranée au large de Tyr, qui peuvent ou pas appartenir au Liban - donc il y a là une autre cause de guerre.

Et puis, si nous retournons en Egypte, l’ancien président va être soumis à un procès avec ses fils Gamal et Alaa, ce mercredi, avec d’autres anciens favoris de Hosni Moubarak. Les ministres de la justice et des services de renseignement, d’anciens assistants de Moubarak, cependant, restent au gouvernement. Qu’est-ce que cela signifie ? Les anciens Mubarakites s’accrochent-ils encore ?

Les Saoudiens ont proposé des millions à l’armée égyptienne en échange que Moubarak ne passe pas en procès - nombreux sont ceux qui veulent pour lui la peine de mort, et l’armée aimerait le voir mort dès aujourd’hui - tout comme les Saoudiens sont prêts à tout donner pour le Bahreïn et tous les autres potentats du Moyen-Orient. Ils sont même prêts à accepter que Kadhafi soit jeté dehors - celui-ci a tenté d’assassiner leur roi de trop nombreuses fois.

Mais les Saoudiens n’ont pas encore compris de quelle manière Obama se comporte concernant la Syrie - pas plus, je le soupçonne, que Obama lui-même - mais le président américain doit être immensément heureux de ne pas avoir de troupes américaines au Liban. Nous savons tous ce qui est arrivé au dernier lot : 1983, la base des marines américains, 241 morts, un attentat suicide, la plus grand d’explosion depuis Nagasaki.

« Ils font passer Moubarak en procès », m’a dit un journaliste égyptien la semaine dernière. « Les rues seraient chauffées à blanc par la colère si cela ne se faisait pas. » Il promet que ce sera le procès du siècle en Egypte (The Independent sera présent). Ce qui m’amène à notre vieil ami Kadhafi, le dictateur arabe qui n’est pas tombé avec les autres despotes de sa région. En ce moment, le monde politique libyen semble être grouillant de Kérensky [prêt à prendre la place du Tsar déchu en 1917 - N.d.T] - en effet, l’échec des occidentaux à remporter la guerre pour le compte des Russes blancs contre les bolcheviks après le conflit de 1914-1918 pourraient également ramener quelques tristes fantômes pour les également malheureux mais multi-médaillés commandants de l’Otan. (La participation de Churchill pourrait être requise dans les bibliothèques de l’OTAN.)

En fait, l’échec des rebelles en Libye est probablement plus proche de la situation d’épuisement de Sharif Hussein après sa conquête de la Mecque en 1916. Celui-ci avait alors pris les armes de Lawrence et celles des britanniques (et de l’argent et des bottes sur le terrain) pour être remis sur ses pieds et à nouveau combattre les Turcs [pour être ensuite lâché par les Britanniques - N.d.T]. Hélas, il n’y a pas de Hussain Sharif en Libye.

Alors pourquoi nous impliquons-nous dans cette absurdité ? (Je ne tient pas compte des manigances meurtrières à Benghazi au cours des dernières 48 heures.) Pour les civils de Benghazi ? Peut-être. Mais pourquoi Sarkozy a-t-il lancé la première attaque ? Le professeur Peter Dale Scott de l’Université de Californie à Berkeley a ses propres idées. Kadhafi a essayé de créer une « Union africaine » soutenue par la monnaie de la Banque centrale et les réserves d’or de la Libye, et la France perdrait alors son extraordinaire influence financière dans ses anciennes colonies d’Afrique centrale. Le paquet de sanctions d’Obama, très médiatisé, contre la Libye - « le colonel Kadhafi, ses enfants et sa famille, et les membres supérieurs du gouvernement libyen... » - a contribué à obscurcir ce que sont « tous les biens et les intérêts ... du gouvernement de la Libye ... et de la Banque centrale de Libye ». Dans le sous-sol de la banque centrale, à Tripoli, en or et en devises, se trouvent l’équivalent de 20 milliards de livres sterling qui devaient être utilisés pour mettre en place trois projets de la fédération pour l’Afrique centrale.

Et pendant que nous sommes sur le sujet, passons en examen la guerre en Afghanistan. Voici les paroles d’un comité qui s’interroge sur notre guerre (et notre quasi-défaite) là-bas. « L’objet ... est d’aider nos compatriotes à comprendre à travers quelles étapes ils ont été impliqués dans une guerre avec la nation afghane, et quels motifs sont associés à cette guerre par leurs auteurs. Nous avons été soudainement précipités dans cette guerre. Non seulement il n’y a eu aucune consultation du Parlement par notre gouvernement, aucune communication en direction de cette institution ni aucun changement de politique qui poussait à nous impliquer dans un conflit, mais, lorsque des questions ont été posées à ce sujet, les réponses données ont été calculées de façon à induire en erreur, à tromper la plupart des responsables et experts qui étaient sceptiques et à travers eux toute la nation. »

La citation provient de l’enquête parlementaire sur la seconde guerre afghane. Date : 1879.

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30 juillet 2011 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : Claude Zurbach