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Hamza al-Khateeb, 13 ans... Torturé et assassiné
jeudi 2 juin 2011 - H. Macleod & A. Flamand
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Il y a de nombreux hommages à Hamza al-Khateeb - affichés sur le groupe Facebook créé pour commémorer sa vie et sa mort - comme ce portrait dessiné par un enfant.

Hamza al-Khateeb aimait quand les pluies tombaient sur son petit coin du sud de la Syrie, remplissant suffisamment les canaux d’irrigation des agriculteurs pour que lui et les autres enfants puissent s’y jeter et nager.

Mais la sécheresse des dernières années avait laissé ce garçon de 13 ans, sans les plaisirs de sa piscine préférée.

Au lieu de cela, il s’était mis à élever les pigeons voyageurs, debout sur le toit de la simple maison familiale en parpaings, tendant le cou en arrière pour voir les oiseaux tournoyer au-dessus de l’horizon, sur les champs où le blé et les tomates ont été cultivées sur un sol dur et rempli de broussailles.

Bien que n’étant pas d’une famille riche, Hamza était toujours soucieux des autres moins heureux que lui, dit un cousin qui a parlé à Al Jazeera.

« Il demandait souvent à ses parents de l’argent pour donner aux pauvres. Je me souviens qu’il voulait donner à quelqu’un 100 livres syriennes (2 $), et sa famille avait dit que c’était trop. Mais Hamza a alors répondu :’J’ai un lit et de la nourriture tandis que ce gars-là n’a rien.’ Et il persuada ses parents de donner les 10 livres à l’homme démuni. »

Aux mains des forces de sécurité du président Bachar al-Assad, cependant, Hamza n’a cependant pas trouvé une telle compassion, son humanité réduite à rien de plus qu’un morceau de chair à battre, à brûler, torturé et mutilé, jusqu’à ce que les cris cessèrent enfin.

Arrêté lors d’une manifestation à Saïda, à 10 km à l’est de Daraa, le 29 avril, le corps de Hamza a été rendu, horriblement mutilé, à sa famille le mardi 24 mai.

L’enfant a passé près d’un mois aux mains de la sécurité syrienne, et quand ils ont finalement rendu son cadavre, celui-ci portait les marques de tortures brutales : des lacérations, des contusions et des brûlures aux pieds, aux coudes, aux genoux et au visage, montrant l’utilisation de l’électricité, et montrant qu’il avait été fouetté avec des câbles, les deux techniques de torture dénoncées par Human Rights Watch et utilisées dans les prisons syriennes lors de la répression sanglante qui sévit depuis trois mois contre les manifestants.

Les yeux d’Hamza yeux étaient enflés et noir et il y avait des marques de blessures par balles, car il avait avait apparemment été touché aux deux bras, les balles de trouer les côtes et se logeant dans son ventre.

Sur la poitrine de Hamza se trouvait une marque profonde et sombre de brûlure. Son cou était brisé et son pénis coupé.

« Où sont les comités des droits humains ? Où est la Cour pénale internationale ? »" demande la voix de l’homme qui regarde le corps d’Hamza sur une vidéo en ligne sur YouTube.

« Un mois s’était écoulé, sa famille ne sachant pas où il était, ou si ou quand il serait libéré. Il a été remis à sa famille comme cadavre. En examinant son corps, les signes de torture sont très clairs. »

Le clip d’origine a depuis été retiré, mais une version floue avec les organes génitaux d’Hamza coupés est toujours en cours [Note : cette vidéo est extrêmement révélatrice].

« Quand la mère de Hamza vint voir le corps, il ne lui a été montré que le visage », dit le cousin qui était présent.

« Nous avons essayé de dire au père de ne pas regarder, mais il a tiré la couverture en arrière. Quand il a vu le corps de Hamza il s’est évanoui. Les gens se sont précipités pour l’aider et certains ont commencé le filmer ... c’était un état de panique. »

« Il a tout simplement disparu »

Le 29 avril a été surnommé « le vendredi de la levée du siège sur Deraa », la ville frontière où la torture des enfants avait déclenché l’étincelle de l’insurrection syrienne et où les forces Maher al-Assad [frère de Cachar] ont mené l’assaut contre une population civile qui a tué des centaines de personnes.

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Le corps d’Hamza, mutilé, castré, était criblé de balles et de traces de brûlure - Youtube

Hamza n’était pas passionné de la politique, a déclaré son cousin, "mais tout le monde semblait aller à la manifestation, alors il est y est allé aussi, marchant avec des amis et la famille le long des 12 km de route reliant sa ville natale de Jeezah à Saida.

Les tirs ont commencé dès que les villageois ont atteint les alentours de de Saïda, a dit le cousin.

« Des gens ont été tués et blessés, certains ont été arrêtés. C’était le chaos et nous ne savions pas à ce point ce qui s’était passé pour Hamza. Il avait tout simplement disparu. »

Une deuxième source d’information dans la région, un militant, a également parlé à Al Jazeera, confirmant que Hamza était parmi les 51 manifestants arrêtés le 29 avril, par l’Airforce Intelligence, et un certain nombre de détenus avaient dénoncé l’utilisation de la torture brutale.

« Ils ont tous été arrêtés par la branche anti-terrorisme du renseignement de l’armée de l’air », a déclaré le militant.

« Ils étaient tous vivants quand ils sont allés en prison, mais nous avons récupéré 13 corps cette semaine et tous avaient été torturés. Le service de renseignement des forces aériennes est bien connu pour ses tortures. Ce sont des barbares. Nous nous attendons à une autre douzaine de corps nous reviennent dans les prochains jours. »

Répondant à la vidéo du corps mutilé de Hamza, la chaîne de télévision privée syrienne, la pro-régime Al Dunia, a diffusé une interview (en arabe) d’un médecin légiste de l’hôpital militaire Tishreen à Damas.

M. Akram al-Chaar, qui prétendait avoir supervisé l’autopsie de Hamza dans Tishreen, dit ne pas avoir trouvé de signes de torture, prétendant que les marques sur le corps de Hamza avaient été causées par la décomposition naturelle.

Le témoignage du Dr Shaar, cependant, est aussi la première admission en public par un responsable syrien que les civils arrêtés ou tués ou blessés lors de l’assaut militaire sur la région Deraa ont été rassemblés et transportés vers des installations militaires à Damas.

Plus tôt ce mois-ci, le Damas Center for Human Rights Studies (DCHRS) a signalé que les corps de 244 civils tués dans l’assaut militaire sur Deraa avait été transportés à l’hôpital militaire Tishreene, conformément à une campagne systématique du régime, déjà rapportée par Al-Jazira, pour interrompre le traitement des manifestants blessés et des mourants.

Après que le corps de Hamza ait été filmé pour que le monde pouvait voir comment il est mort, le garçon a été enterré dans Jizah après les prières pour son âme dans une mosquée du village. Après la cérémonie, les enfants marchaient dans les rues de Gizeh brandissant une photo de Hamza et une bannière disant qu’il est mort en martyr, à 13 ans, sous la torture brutale des forces de sécurité.

Tous les médias étrangers sont interdits en Syrie, mais les journalistes locaux et des spécialistes en droits humains n’ont trouvé aucune raison de douter de l’authenticité des images de Hamza.

« Un crime contre l’humanité »

Le père de Hamza, Ali al-Khateeb, voulait mettre en accusation les forces armées et de sécurité, a déclaré le cousin d’Hamza. Au lieu de cela, Ali et son épouse ont été visités par la police secrète et menacés.

« Ils ont dit : ’Assez de ce qui est arrivé à cause de vous. Vous savez déjà ce qui arrivera si nous entendons que vous avez parlé aux médias’ », dit la mère d’Hamza, visiblement terrifiée, tandis qu’elle parlait au militant, refusant de donner davantage de détails sur les circonstances de l’arrestation de son fils ou sur sa mort.

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Hamza avait 13 ans...

Le père de Hamza a été brièvement détenu samedi en fin d’après-midi, a déclaré son épouse, après que la police secrète lui ait demandé de dire aux médias d’Etat qu’Hamza a été tué par les salafistes armés, des extrémistes sunnites, que le régime accuse d’être à l’origine du soulèvement populaire.

« Le père a été retenu au service de sécurité pendant une demi-heure, et il s’est entendu dire leur point de vue sur la mort d’Hamza », dit le cousin. « Il n’a pas été maltraité. »

La torture dans les prisons syriennes, longtemps connues comme parmi les pires au monde, est désormais « rampante », selon un rapport de Human Rights Watch.

« Lorsque vous avez des exécutions de masse et la torture, il s’agit d’un crime contre l’humanité. En Syrie, il semble clair que c’est devenu systématique et généralisé », a déclaré Ricken Patel, directeur d’Avaaz, qui a documenté des violations des droits de l’homme dans le pays.

« Il s’agit d’une campagne de terrorisme de masse et d’intimidation : les corps de personnes horriblement torturées ont été renvoyées aux leurs par un régime qui ne cherche pas à dissimuler ses crimes, mais au contraire veut les faire connaître. »

Si la publicité de ses crimes est en effet la stratégie du régime, alors cela semble bien fonctionner : en quelques heures la vidéo du corps mutilé Hamza a déclenché une manifestation dans la ville de Daraa avec des centaines d’habitants furieux, défiant le siège militaire pour exprimer leur indignation face à la torture et au meurtre d’Hamza.

« Les gens ici sont vraiment furieux de ce qui est arrivé à Hamza, ce qui est un autre signe que la police secrète et les autorités sont des criminels à qui on ne peut faire confiance pour faire des réformes », a déclaré le militant, qui circule beaucoup dans la région de Deraa.

Une semaine après que son corps ait été rendu, une page Facebook dédiée à Hamza avait plus de 60000 liens, sous le titre « Nous sommes tous Hamza al-Khateeb », un écho délibéré de la campagne en ligne portant le nom de Khaled Saïd, le jeune Egyptien dont la mort en garde à vue l’an dernier s’était avéré un élément déclencheur de la révolution au Caire.

De l’autre côté de la Syrie, dans l’extrême nord-est, Rezan Mustapha, porte-parole du mouvement d’opposition du le futur kurde dit que lui et d’autres avaient aussi vu les images horribles.

« Cette vidéo scandalise non seulement tous les Syriens, mais aussi les gens à travers le monde. C’est inacceptable et inexcusable. ces horribles tortures ont pour but d’effrayer les manifestants et de les faire cesser de revendiquer. »

Mais, dit Khateeb, les manifestants seront stimulés par une telle barbarie.

« Plus de gens vont maintenant descendre dans la rue. Nous tenons la police secrète syrienne entièrement responsable de la torture et le meurtre de cet enfant, même s’ils le nient. »

Certaines réactions n’ont pas besoin de mots. Bien qu’il s’agisse d’un seul de ses 20 enfants qu’il a eu de ses deux femmes, le père âgé de 65 ans, Hamza Ali, ne semblait pas moins abattu par l’assassinat d’Hamza que s’il avait perdu son fils unique.

« Que ressent une famille qui a vu la vidéo de son propre enfant ? » demande le cousin d’Hamza. « Je n’ai jamais vu pleurer père d’Hamza dans toute ma vie. Maintenant, on ne voit plus que des larmes dans ses yeux. »

31 mai 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction : Naguib