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La détresse des femmes palestiniennes :
une explication sociétale
jeudi 8 mars 2007 - Dr Ahmad Hammad - AIC
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C’était quelques jours après le "retrait" des Israéliens de Gaza.

L’horrible drame où un père de famille a infligé des blessures presque mortelles à son épouse et tué son petit bébé dans un petit village près de Naplouse montre la situation de détresse des femmes en Palestine. Autre incident, il y a quelques jours une femme d’une vingtaine d’années a été retrouvée morte dans la Bande de Gaza, elle aurait été tuée à la suite d’une dispute familiale. Selon la sécurité palestinienne, la police a trouvé le corps criblé de balles d’une jeune femme à Beit Lahiya, dans le nord de la Bande de Gaza. Elle a reçu au moins dix balles, précisent ces sources.

De tels drames renforcent le besoin de rechercher et d’étudier plus profondément les diverses dimensions des problèmes des femmes dans les sociétés arabes. Ces sortes de violences et d’atrocités perpétrées dans les villages pauvres ne peuvent être appréciées, et même alors marginalement, que par ceux qui ont conscience de l’angoisse coutumière que ces femmes endurent dans la société arabe. Ce sont des faits presque quotidiens, le bilan de la violence contre les femmes au sein des familles, comme dans beaucoup de situation à Gaza, Naplouse et ailleurs dans notre patrie, brosse le tableau de la vie d’un grand nombre de femmes en Palestine.

Nous ne sommes pas à court d’explications sur la vie de misère que mènent certaines femmes dans notre société. Le manque d’éducation, les privations économiques, la marginalisation politique, sont avancés comme étant les facteurs essentiels qui contribuent à ce phénomène. Il n’y a aucun doute sur la pertinence de ces théories en elles-mêmes, chacune apportant au moins quelque éclairage sur la nature des épreuves et des déboires des femmes. Cependant, la plupart de ces explications ne couvrent qu’un champ restreint et, par conséquent, ne présentent pas le cadre global à l’intérieur duquel la violence contre les femmes s’opère. Et ce cadre, c’est l’environnement social, les traditions et les valeurs dans lesquels les femmes sont nées, ont été élevées et auxquels elles ont été soumises.

Une caractéristique de cet environnement social local est qu’il est dominé par les hommes. Ce n’est pas en soi, et relativement, aussi grave que ça peut le sembler car même les pays les plus développés dans le monde, en dépit de leurs réalisations phénoménales en terme de libération des femmes et du droit à l’égalité, ne peuvent se vanter d’être des sociétés complètement neutres. Aucun de ces pays ne peut prétendre avoir fait de sa société un havre pour les femmes. L’augmentation des cas de harcèlement sexuel en Occident est révélatrice d’une discrimination effective basée sur le sexe. Cependant, ce qui est spécialement problématique avec notre structure sociale dominée par les hommes, c’est qu’à tous les niveaux les femmes n’y trouvent pas l’aide dont elles ont besoin. D’ailleurs, cette structure relègue les femmes en des termes qui sont négatifs par nature, en une espèce qui, de par sa naissance, ne reçoit que la moitié des droits masculins et n’a aucune volonté propre. Ce qui est triste, c’est que ces valeurs et opinions à propos des femmes qu’acquièrent les hommes sont alimentées et renforcées depuis la cellule familiale, fondement de la société. A l’exception d’une couche très mince dans la hiérarchie sociale, les plus riches parmi les riches, dans toutes les classes sociales la femme est considérée plus comme le sexe le plus faible que comme une être humain. La femme est identifiée et définie par rapport à l’homme. La fille de A, la mère de B, la s ?ur de C, l’épouse de D. Par son sexe même, la femme est condamnée à vivre une vie à l’identité réduite, devant renoncer à ses droits pour se donner à ses obligations à l’égard de sa parenté masculine.

Une autre caractéristique de cet environnement social est son système de valeur dichotomique. Ce qui est mauvais pour les femmes est bon pour les hommes. Et la plupart du temps, tous les plaisirs de la vie sont jugés bons pour les hommes et mauvais pour les femmes. Ceci est très fréquent pour écarter une petite manie, une tendance des hommes à courir le jupon et un penchant lubrique. Plus d’une fois, les frasques sentimentales des hommes sont racontées, par eux-mêmes ou par des amis, telles des prouesses dont ils peuvent être fiers. Cependant, une femme suspectée, même vaguement, du même penchant est immédiatement cataloguée comme une femme entretenue, une exclue et une pécheresse. A un niveau plus ordinaire, la femme doit quitter la pièce dans une réunion de famille quand sur l’écran de télévision apparaît une scène bizarre de cet Occident aux m ?urs faciles. Les hommes s’installent volontiers, sans bouger, les yeux rivés sur la télévision.

Ces petits exemples en disent beaucoup. Ils renvoient au fondement du statut des femmes qui leur est défini par la société elle-même. Elles peuvent seulement refuser et désavouer ce statut, devant prendre soin de défier, en premier lieu, le système de valeur familial actuel qui institutionnalise la discrimination et la répression à leur encontre.

Conclusion logique pour dessiner la façon d’y renoncer : tant que l’unité familiale ne sera pas réformée en faveur des femmes, il y aura peu de chances pour que le cours de la violence à leur encontre ne soit enrayé et que leurs souffrances ne prennent fin. De plus, pour cette raison même, il convient que les femmes activistes et les porte-flambeaux des mouvements féministes en Palestine, travaillent plus à l’amélioration de la condition des femmes à la maison, en même temps qu’à l’exigence de leur participation à égalité dans tous les domaines de la vie en Palestine.

Il est essentiel de promouvoir les services ad hoc et de former des thérapeutes compétents pour s’attaquer à ce problème. Une approche interdisciplinaire et en collaboration, intégrant des professionnels du droit, de la psychiatrie, de l’aide sociale et de l’éducation, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, peut fournir une base solide pour apporter des solutions appropriées aux victimes de la violence familiale. Sans aucun doute, il y a beaucoup à apprendre de l’expérience des autres sociétés dans ce domaine. Cependant, cet enseignement doit être adapté à la sensibilité du contexte culturel, politique et religieux de la société arabe palestinienne.

Le Dr Ahmad Hammad est maître assistant à l’université Al-Aqsa de Gaza.
Alternative Information Center (AIC), le 6 mars, traduction : JPP