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Tunisie : les défis d’aujourd’hui
vendredi 4 février 2011 - Ramzy Baroud
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Aujourd’hui, l’exigence de liberté est plus forte que jamais.

Avant que ne soit évincé Zineal-Abidine Ben Ali par un soulèvement populaire sans précédent, le 14 janvier, il semblait qu’il n’y avait aucune fin visible des violations des droits de l’homme dont se rendait coupable le régime. Au fil du temps, ces violation sont devenues un entrefilet relégué dans les informations du soir à travers le monde Arabe. Même les grèves de la faim, choquantes au début, sont devenues un événement routinier.

Pour les Tunisiens, le chômage, la pauvreté et le manque de libertés civiles ont longtemps rendu la vie intolérable. Beaucoup ont été forcés de quitter le pays, ou de défier les règles autoritaires de Ben Ali et de son appareil de sécurité, lequel s’est développé au point de doubler - ou même de tripler - l’armée nationale.

Tandis que la Tunisie peut ne pas être apparue comme le lieu le plus prévisible d’une rébellion populaire qui réussisse, le pays a toujours eu la force d’héberger une des sociétés civiles parmi les plus actives dans les pays arabes du Maghreb. C’était ce qui poussait Ben Ali et son régime à consacrer beaucoup de temps et d’énergie à affaiblir et démanteler en grande partie de cette société civile autrefois prospère, diverse et cultivée. La société continué à s’exprimer à travers trois principaux piliers : des syndicats, le mouvement Islamique, et un milieu étudiant fort dans tout le pays.

Quand la Tunisie a gagné son indépendance par rapport à la France en 1957, le pays était remplis d’espoir et d’attente. La ferveur anti-coloniale qui avait saisi le pays a produit une société civile active qui a souhaité passer d’une zone d’influence française à une sphère nationaliste. Le leader nationaliste du moment, Habib Bourguiba, n’a pas osé contrarier la mobilisation croissante du pays, et a en fait réussi à employer - et plus tard à coopter et à manipuler - le mouvement de masse pour maintenir son contrôle du pays. Cela a duré pendant des décennies, jusqu’à ce que Ben Ali fasse sa « révolution tranquille » et évince Bourguiba en 1987.

Mais même l’autoritarisme a sa propre et irrésistible logique. Ben Ali pouvait difficilement mobiliser la société tunisienne, et rapidement les promesses d’une plus grande participation, d’égalité et d’ouverture politique n’ont été jamais traduites en actions véritables. Au fil du temps, il est devenu soupçonneux de tous, même des élites qui sont habituellement le pain et le beurre de n’importe quel régime autoritaire. Il a rapidement commencé à démanteler chaque élément qui donnait à la société civile sa capacité à se renouveler et sa vigueur, détruisant ou restreignant les syndicats, décrétant des mesures draconiennes contre les activités politiques opposées à son parti au pouvoir - le Rassemblement Constitutionnel Democratic (RCD) - et à faire plier la loi et même la constitution pour servir ses propres intérêts.

Le succès de Ben Ali à maintenir son régime pendant 23 années s’est articulé sur plusieurs stratégies importantes. Il s’est assuré que le palais présidentiel était le véritable centre du pouvoir, de ce fait refusant à n’importe qui d’autre l’opportunité de gagner de la popularité en dehors d’un cercle rapproché. Un système du patronage a existé, par lequel ceux qui respectaient les règles se voyaient accorder des espaces minuscules pour fonctionner et en tirer des bénéfices. Par exemple, pendant les élections de 2004, le Mouvement des Démocrate Socialistes (MDS) , un parti d’opposition, a pleinement soutenu l’offre de réélection de Ben Ali parce qu’elle aidait « à compléter le processus du pluralisme démocratique ». D’autres partis, dont le Parti Populaire d’Unité, dont l’ancien chef Mohamed Bouchiha a par le passé avait par le passé été en concurrence pour le poste de président, ont également donné leur soutien « pour accompagner le processus démocratique ».

Et qu’en était-il de ceux qui ont refusé de respecter les règles ? Le parti islamique d’Al-Nahdha et le Parti Ouvrier Communautaire Tunisien (POCT) en sont deux exemples. Ben Ali a utilisé un second ensemble de mesures pour contenir l’opposition - brutalité, interdictions et tortures. Les tentatives pour faire taire ces deux partis était également et très volontairement brutales, mais en 1991 la manifestation et l’appel d’an-Nahdha pour le changement ont semblé s’étendre rapidement aux universités et à certains secteurs de la classe ouvrière. L’événement a été interprété comme lié à la réapparition du mouvement islamique en Algérie, et Ben Ali était déterminé à étouffer n’importe quel développement de l’opposition islamique avant que le phénomène ne soit devenu trop populaire.

Les violations des Droits du Homme apr Ben Ali - lesquelles se sont développées rapidement depuis le début des années 1990 - ont été très peu condamnées par d’autres gouvernements. Les divers pouvoirs occidentaux qui vantaient le modèle de « modération politique » de Ben Ali se rendaient, naturellement, entièrement compte de l’étrangeté de la démocratie qui avait cour en Tunisie. Mais la capacité de Ben Ali à écraser des dissidents lui a gagné la grande estime et les constantes accolades de ces mêmes puissances, en particulier de la France, l’ancienne puissance coloniale en Tunisie.

Les obstacles majeurs mis à l’écart, les diverses branches de l’appareil de sécurité de la Tunisie avaient peu à faire, si ce n’est faire taire le peuple. La police mafieuse a utilisé de nombreux moyens de contrôle, ne laissant aux militants d’autre choix que les grèves de la faim. Dans un rapport publié quelques semaines avant la « révolution du Jasmin », Amnesty International disait : « A la suite d’années de harcèlement et sans aucun recours en vue, les grèves de la faim semble être devenu le dernier recours pour les journalistes, les militants politiques, les opposants au gouvernement et les défenseurs des droits de l’homme, dans le but d’attirer l’attention sur leurs revendications légitimes pour que leurs droits fondamentaux soient respectés. En Tunisie, depuis l’intérieur des prisons comme à l’extérieur, les revendications des grévistes de la faim vont de la libération des prisonniers de conscience à l’obtention des passeports et des soins médicaux pour les anciens prisonniers politiques. »

Human Rights Watch a publié un rapport le 21 Octobre 2010, alors que la situation en Tunisie semblait avoir atteint des niveaux intolérables. Cette organisation y dénonçait la campagne sans relâche par le gouvernement contre deux des principaux piliers de toute société civile : les syndicats et les étudiants. « Aucun domaine de la société civile en Tunisie n’est à l’abri de l’ingérence du gouvernement, pas même les syndicats s’ils sont considérés comme critiques du gouvernement. En utilisant des méthodes allant des machinations bureaucratiques aux agressions physiques, le gouvernement tunisien maintient les syndicats de la Tunisie sous sa coupe. »

Moins d’une semaine après que Ben Ali ait été contraint de quitter le pays, le secrétaire général la Ligue arabe Amr Moussa a mis en garde les pays arabes de la possibilité de plusieurs révolutions dans le style de la Tunisie si leurs politiques restent inchangées. « La conscience arabe est brisée par la pauvreté, le chômage et la récession générale... Les problèmes politiques, dont la majorité n’ont pas été résolus ... ont poussé les citoyens arabes dans un état de colère et de frustration sans précédent », a-t-il déclaré.

En Tunisie, cette « colère sans précédent » a récolté des résultats sans précédent, plaçant ce pays face à la grande tâche de reconstruire une société civile qui avait été fragilisée, démoralisée et volontairement mise en lambeaux par un régime sournois et oppressif. Les perspectives de liberté sont maintenant plus grandes que jamais en Tunisie. Malgré les nombreux défis à relever, il y a là une profonde raison de célébration.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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27 janvier 2011 - Communiqué par l’auteur
Traduction : Nazim