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Egypte : violente répression contre les manifestations
mercredi 26 janvier 2011 - Al Jazeera
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Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour exiger le départ du despote Mubarak - Photo : EPA

De nouvelles manifestations sur les conditions de vie et contre le gouvernement autocratique ont éclaté au Caire au lendemain des grandes manifestations [du 25 janvier], appelant à la démission du président Hosni Moubarak et balayant le pays.

Plus de 500 manifestants ont été arrêtés par les forces de sécurité, le gouvernement s’étant engagé à sévir contre ceux qui manifestaient.

Mercredi soir des milliers de manifestants étaient répartis dans le centre du Caire après avoir été dispersés par la police. Beaucoup s’étaient rassemblés sur Gelaa Street, près du centre de la place Tahrir - le site d’une confrontation violente tôt le matin entre les forces de police et des manifestants qui avait prévu d’y dormir la nuit, au mépris des ordres du gouvernement.

Les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes et ont cassé des blocs de béton pour en faire des pierres qu’ils ont ensuite jetées sur les manifestants, a signalé Adam Makary d’Al Jazeera.

Les manifestants ont allumé un feu - peut-être un pneu - au milieu d’une rue à proximité et ont bombardé de pierres les agents de police, rapporte Rawya Rageh, correspondante d’Al Jazeera.

Possible concession

Pendant ce temps, le Premier ministre Ahmed Nazif a fait peut-être la première concession du gouvernement face aux manifestants. Dans une déclaration à une agence de presse étatique, il a assuré que la direction du pays s’était engagée à permettre la liberté d’expression « par des moyens légaux. »

Mais sa déclaration a été faite alors que le ministère de l’Intérieur déclarait que 500 manifestants avaient été arrêtés mardi et mercredi, dans une tentative pour réprimer les troubles. Le ministère avait dit plus tôt ce mercredi que de nouvelles manifestations ne seraient pas autorisées.

Des milliers de blindés de la police avaient été déployés à des endroits clés autour de la capitale en prévision d’un renouvellement des manifestations d’hier, que des observateurs ont qualifiées de plus importantes en Egypte depuis les émeutes massives sur le prix du pain dans les années 1970.

Trois manifestants sont morts dans la ville portuaire de Suez, à l’est du Caire, lors des manifestations de mardi, et un policier est également mort au Caire après avoir été frappé à la tête par une pierre, selon un responsable du ministère de l’Intérieur.

Rageh, rapportant depuis la capitale égyptienne ce mercredi, a déclaré que le ministère de l’Intérieur avait publié une déclaration interdisant de nouvelles manifestations et menaçant quiconque les encouragerait.

Des dizaines de manifestants qui avaient pris part à des manifestations ce mardi ont été arrêtés et emmenés pour interrogatoire, rapporte Rageh, faisant face à de possibles poursuites.

Refuge

Makary Al-Jazira a déclaré que plus de 200 personnes s’étaient rassemblées pour protester devant le Syndicat des avocats, généralement perçu comme un « refuge » pour des manifestations car les forces de sécurité n’ont pas pour habitude d’y interdire les rassemblements.

« Les chiffres augmentent », dit Makary , ajoutant qu’il y avait des rumeurs de manifestants ayant rompu les cordons [de police] et manifestant dans les rues. « Nous ne savons pas quelle sera la réponse à cela », a déclaré Makary.

Le ministère de l’Intérieur a déclaré que la police a été obligée de répondre mardi aux manifestants qui ont jeté des pierres et saccagés des biens, notamment en mettant le feu à une voiture de police.

Le ministère a affirmé que 18 officiers et 85 autres policiers ont été blessés pendant les affrontements. Les responsables de la sécurité ont également indiqué que 250 manifestants avaient été blessés et 200 arrêtés.

Bien que les militants aient déclaré que le nombre de manifestants à travers le pays pouvait avoir atteint des centaines de milliers, selon le ministère le plus grand rassemblement au centre du Caire se composait d’environ 10 000 personnes et s’est réduit à environ 5000 durant la nuit.

Accusations contre les Frères Musulmans

Le gouvernement a officiellement accusé l’organisation des Frères musulmans - interdite de fait en Egypte mais plus grand mouvement d’opposition - d’avoir organisé les manifestations.

Mais le groupe a déclaré qu’il ne participait pas officiellement au manifestations du 25 janvier et a rejeté l’accusation.

A seulement huit mois d’une élection présidentielle qui pourrait voir le vieux Moubarak tenter sa réélection, ou vouloir donner le pouvoir à un successeur, les manifestants en Egypte exigent une solution à l’extrême pauvreté du pays et ont crié « au tyran » qu’il se démette.

« A bas Hosni Moubarak, à bas le tyran », a scandé la foule. « Nous ne voulons pas de toi ! »

Le lien avec la Tunisie

Les manifestants ont explicitement lié leurs démonstrations au soulèvement populaire en Tunisie qui a fait tomber le gouvernement, vieux de 23 ans, de Zine El Abidine Ben Ali.

Rageh d’Al Jazeera a déclaré que les journaux contrôlés par l’Etat ont minimisé les événements dans leurs éditions de mercredi, mais que l’opposition et les journaux indépendants publient des manchettes relativement impartiales.

L’indépendant Al-Masry Al-Youm [Egypte aujourd’hui] titrait en première page : « Un avertissement »

Le ministère de l’Intérieur, qui contrôle les forces de police, a déclaré que les autorités voulaient laisser les manifestants exprimer leurs opinions et a accusé la foule « de vouloir jouer la provocation. »

« Certains ont jeté des pierres sur la police ... et d’autres ont commis des actes d’émeutiers et infligé des dommages aux institutions de l’Etat », a indiqué le ministère dans un communiqué.

« Les Egyptiens ont le droit de s’exprimer », a prétendu Hossam Zaki, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Les États-Unis, premier allié de l’Egypte et qui ont fourni pendant des années au pays le deuxième montant d’aide pour un pays étranger, ont appelé au calme.

« Les Etats-Unis soutiennent le droit fondamental d’expression et de réunion pour tous les peuples, » a déclaré [sans rigoler - N.d.T] dans un communiqué JP Crowley, porte-parole du département d’Etat, .

« Toutes les parties doivent faire preuve de retenue, et nous demandons aux autorités égyptiennes de traiter pacifiquement ces manifestations. »

A Washington, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton a estimé que le gouvernement égyptien était « stable » et que les Egyptiens ont le droit de protester, mais elle a exhorté toutes les parties à éviter la violence.

Colère

Le mécontentement contre les conditions de vie dans l’état policier et autoritaire égyptien a mijoté sous la surface pendant des années.

« C’est la première fois que je manifeste, mais nous avons été une nation peureuse. Nous devons enfin dire non », a déclaré à l’Associated Press Ismail Syed, un employé d’hôtel qui a du mal à vivre avec un salaire de 50 dollars par mois.

Lamia Rayan, âgée de 24 ans, a déclaré : « Nous voulons voir des changements, tout comme en Tunisie. »

Près de la moitié des 80 millions d’Egyptiens vivent en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté, fixé par les Nations Unies à 2 dollars par jour.

Comme pour les manifestations en Tunisie, les appels aux rassemblements en Egypte sont publiés sur les sites des réseaux sociaux Facebook et Twitter.

Tout au long de la journée de mardi, les organisateurs ont utilisé Twitter pour donner des instructions, minute par minute sur les endroits où se rassembler pour tenter de berner la police, jusqu’à ce que le gouvernement ait bloqué ces réseaux en fin d’après midi.

Twitter a annoncé que son service avait été bloqué en Egypte à environ 18 heures ce mardi, heure locale, et que ses applications avaient été affectées.

Dans un message, l’entreprise a écrit : « Nous pensons que l’échange ouvert d’informations et d’opinions est bénéfique pour les sociétés et aide les gouvernements à mieux communiquer avec leur peuple. »

Barrière brisée

Parmi les manifestants au Caire se trouvait Alaa al-Aswany, auteur du best-seller L’Immeuble Yacoubian, qui dépeint les politiciens corrompus, la brutalité policière et le terrorisme en Egypte.

Al-Aswany, observateur de la société égyptienne, a déclaré que les manifestations ont été une ouverture importante pour les adversaires du gouvernement.

« Ils ont brisé la barrière de la peur », a-t-il dit. « Les plumitifs du régime disaient que l’Egypte n’était pas la Tunisie et que les Egyptiens sont moins instruits que les Tunisiens. Mais voici la réalité : ces jeunes ont prouvé qu’ils peuvent conquérir leurs droits avec force. »

Moubarak, âgé de 82 ans, n’a pas nommé d’adjoint depuis qu’il est devenu président en 1981, et on pense généralement qu’il est en train de manoeuvrer pour que son fils Gamal lui succède.

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26 janvier 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/news/m...
Traduction : Info-Palestine.net