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« Nous vous offrons le plus grand Yerushalayim de l’histoire juive »
lundi 24 janvier 2011 - Gregg Carlstrom - Al Jazeera
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De "compromis historiques" en "propositions créatives", l’autorité palestinienne en arrive même à abandonner l’idée d’une souveraineté palestinienne et musulmane sur le site d’Haram al-Sharif.

Ramat Shlomo, Palestine occupée - Toute la controverse au niveau international sur la construction de cette tranquille petite ville au nord de Jérusalem, était-elle finalement justifiée ?

La controverse est survenue l’année dernière, lorsque la municipalité de Jérusalem a approuvé 1600 offres de logements neufs alors que Joe Biden, le vice-président américain, était en visite en Israël. Mais la construction n’avait pas encore commencé, et les habitants de cette colonie - essentiellement peuplée de Juifs orthodoxes, un groupe avec un des taux de natalité les plus élevés en Israël - prétendent que la politique interfère avec la vie familiale.

« Il ne devrait pas être une question de politique », a déclaré Avraham Goldstein, un étudiant en attente à un arrêt de bus dans la colonie. « Les gens ont besoin de construire, ils veulent faire venir leurs familles. Il y a plus de 18 000 personnes ici. Et Ramat Shlomo est à l’évidence une partie de Jérusalem. »

Les États-Unis ont répondu à l’annonce pour Ramat Shlomo avec contrariété. Biden a déclaré que le projet « porte atteinte à la confiance dont nous avons besoin » pour relancer les pourparlers entre Israël et l’Autorité palestinienne (AP).

Mais les journaux palestiniens ont révélé qu’Israël n’avait aucune raison d’arrêter la construction dans Ramat Shlomo. Car les négociateurs palestiniens ont convenu en 2008 de permettre à Israël d’annexer la colonie en question, ainsi que presque tous les autres points de constructions illégales dans la région de Jérusalem - une concession historique pour laquelle ils n’ont absolument rien reçu en retour...

« Nous avons proposé qu’Israël annexe toutes les colonies »

L’offre sans précédent de l’AP a été faite le 15 juin [2008] lors d’une réunion trilatérale à Jérusalem, impliquant Condoleezza Rice, alors secrétaire d’Etat des États-Unis, Tzipi Livni, à l’époque ministre israélienne des Affaires étrangères, Ahmed Qoreï, ancien Premier ministre de l’AP, et Saeb Erekat, le négociateur en chef palestinien.

Qoreï : « Cette dernière proposition pourrait aider dans le processus d’échange. Nous avons proposé qu’Israël annexe toutes les colonies à Jérusalem, sauf Jabal Abu Ghneim (Har Homa). C’est la première fois dans l’histoire que nous faisons une telle proposition ; nous avons refusé de le faire à Camp David. »

Erekat a poursuivi en énumérant quelques-unes des colonies que l’AP est prêtes à concéder : French Hill, Ramat Alon, Ramat Shlomo, Gilo, Talpiot, et le quartier juif dans la vieille ville de Jérusalem. Ces zones contiennent quelque 120 000 colons juifs. (Erekat n’a pas mentionné le sort des autres grandes colonies de Jérusalem-Est, comme Pisgat Ze’ev et Neve Yaacov, mais la formule employée par Qoreï indique qu’elles seraient également une partie d’Israël.)

Dans une réunion en octobre 2009, Erekat a également proposé une division géographique de la Vieille Ville de Jérusalem, avec le contrôle du quartier juif et « une partie du quartier arménien » allant aux Israéliens.

Les colonies à Jérusalem-Est sont illégales au regard du droit international, mais les Israéliens les ont depuis longtemps considérées comme faisant partie de leur banlieue.

Ramat Shlomo, en effet, est un peu différente des quartiers juifs de Jérusalem. Cette colonie se trouve à 10 minutes du bâtiment de la Knesset, à la première sortie sur la route numéro 1 après le passage de la Ligne verte [ligne de cessez-le-feu de 1948 - N.d.T]. La municipalité de Jérusalem fournit des services dans des colonies comme Ramat et Neke Yaacov. La colonie de Pisgat Ze’ev sera bientôt reliée au centre-ville de Jérusalem par une ligne de tramway en cours de construction.

Les Israéliens sont profondément divisés sur les colonies de Jérusalem-Est - les sondages effectués l’an dernier par le Yedioth Ahronoth et Ha’aretz ont révélé que 46 pour cent et 41 pour cent (respectivement) des personnes interrogées soutiennent un gel de colonisation à Jérusalem-Est - mais la position du gouvernement est inébranlable. Binyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, aime à dire que « construire à Jérusalem n’est pas différent que de construire à Tel Aviv », et Tzipi Livni affirme que son parti Kadima « ne divisera jamais Jérusalem » dans un accord avec les Palestiniens.

Voici ce qu’il en est du point de vue israélien. Mais l’Autorité palestinienne embrasse une vue similaire, selon les documents publiés par les journaux de Palestine. Et elle le fait de manière unilatérale : la partie israélienne a même refusé de placer Jérusalem sur l’ordre du jour, et encore moins de faire des concessions à l’AP en échange de son offre [capitulation - N.d.T] historique.

En Juillet 2008, Udi Dekel, conseiller du ministre israélien Ehud Olmert alors en exercice, a demandé à Erekat : « pourquoi citez-vous Jérusalem à chaque réunion ? » Six semaines plus tôt, il avait déclaré à l’expert cartographe de l’AP, Samih al-Abed, qu’il n’était pas autorisé à discuter de ce sujet.

Dekel : « Je n’ai pas la permission de discuter de Jérusalem, sans savoir ce que sertont les dispositions à Jérusalem. »

Al-Abed : « Et Abu Ala a dit que nous ne pouvions pas discuter de Ma’ale Adumim. »

Dekel  : « Donc allons prendre le repas de midi ensemble, et laissons-les [les dirigeants] décider quoi faire. »

L’Autorité palestinienne, en d’autres termes, n’a jamais vraiment négocié la question, leurs représentants ont à peu près tout cédé aux Israéliens, sans même exercer de pression sur eux pour des concessions ou des compromis. Erekat a semblé le réaliser - peut-être tardivement - en Janvier 2010, lors d’une réunion avec David Hale, le conseiller [du président américain Barack] Obama.

Erekat : « les Israéliens veulent la solution à deux Etats, mais ils n’ont pas confiance. Ils le veulent plus que vous ne le pensez, parfois plus que les Palestiniens. Ce qu’il y a dans ce document leur donne le plus grand Yerushalaim dans l’histoire juive, un nombre symbolique de réfugiés qui reviennent, un Etat démilitarisé ... que puis-je encore leur donner ? »

Un choix impossible ?

Les dirigeants palestiniens ont pris une position plus de principe sur les autres principaux blocs de colonies en Cisjordanie. Dans la même séance où il a capitulé sur Jérusalem-Est, M. Qoreï a dit à Livni que l’Autorité palestinienne « ne peut pas accepter l’annexion des colonies de Maale Adumim, Ariel, Givat Zeev, Har Ephrat et Homa ».

Tous ces colonies (à l’exception de Har Homa) sont situées au coeur de la Cisjordanie, et leur inclusion en Israël serait fatal pour la contiguïté territoriale d’un futur Etat palestinien. Ariel, par exemple, est à peu près à mi-chemin de la Jordanie et reliée à Israël par un tronçon de 18 kilomètres de l’autoroute numéro 5.

Mais le démantèlement de ces colonies est hors de question pour le gouvernement israélien. Ariel est une importante zone industrielle avec près de 18 000 habitants. Ma’ale Adumim, à l’est de Jérusalem, est « un dortoir » de 30 000 personnes en croissance rapide ; au cours d’une récente visite, [j’ai vu] un groupe de travailleurs palestiniens en train de construire des maisons pour des familles sur les pentes au nord-est de la colonie.

« Les gens qui vont acheter ces maisons, ne vont pas simplement les abandonner dans quelques années », a déclaré l’un des travailleurs, originaire du village voisin d’Al-Jahalin.

Les documents palestiniens soulignent l’impossibilité apparente de résoudre la question des colonies de peuplement comme Ma’ale Adumim et Ariel : les négociateurs palestiniens ne peuvent pas les accepter, et les négociateurs israéliens ne veulent pas les démanteler.

Il y a une troisième option, qu’ont présentée les négociateurs palestiniens dans plusieurs réunions : les colonies juives pourraient être autorisées à rester dans le cadre du futur Etat palestinien. Ahmed Qoreï a fait cette suggestion à Tzipi Livni plusieurs fois en 2008, d’où cet échange datant de juin de la même année :

Qoreï : « Peut-être Ma’ale Adumim restera sous souveraineté palestinienne, et elle pourrait être un modèle pour la coopération et la coexistence. »

Livni : « La question n’est pas simplement de donner un passeport aux colons. »

Le ministre israélien des Affaires étrangères a refusé d’écouter la suggestion. « Vous savez que ce n’est pas réaliste », a-t-elle déclaré à M. Qoreï en mai.

Interrogés sur l’offre de M. Qoreï, plus tôt ce mois-ci, les résidents de Ma’ale Adumim ont réagi avec un mélange de rire et d’incrédulité. Certains l’a classé comme une impossibilité politique, d’autres s’inquiètent pour leur sécurité, affirmant qu’ils se feraient descendre.

Il n’y a, en d’autres termes, apparemment pas de politique mutuellement acceptable pour Ma’ale Adumim, Ariel, et d’autres grandes colonies de Cisjordanie dans le cadre d’une solution à deux Etats - un fait que l’administration Bush était prêt à reconnaître en Juillet 2008.

Rice : Je ne pense pas qu’il y ait seul un dirigeant israélien qui va céder sur Ma’ale Adumim.

Qoreï : « Ni de dirigeant palestinien... »

Rice : « Alors, vous n’aurez pas d’Etat ! »

Ce que disait Rice pourrait bien se révéler prémonitoire : deux ans et demi plus tard, les parties ne sont pas plus proches d’une solution concernant les colonies, et le gouvernement israélien s’apprête peut être bien à délivrer un nouveau cycle « massif » de permis de construire pour les colonies juives en Palestine occupée.

24 janvier 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/palest...
Traduction : Samer