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La religion doit unir, pas diviser

dimanche 26 décembre 2010 - 07h:35

Joharah Baker
Miftah

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Il y a des « fous » dans toutes les sociétés quelles que soient les races ou les religions. Cependant, ce qui distingue Israël, c’est l’impunité dans laquelle ceux qu’on dit fous opèrent. Dans un pays civilisé, leur comportement ne serait pas toléré. En Israël, au mieux ils se font taper sur les doigts, au pire, ils sont carrément encouragés.

Je me suis rendu compte l’autre jour combien les enseignants peuvent être influents et, inversement, combien peuvent être impressionnables les jeunes esprits qu’en réalité ils forment. « Maman, ma camarade de classe a demandé à (Mr) Ustaz Adrian s’il était chrétien ou musulman, » m’a dit ma fille un jour. « Tu sais ce qu’il lui a répondu ? Il a dit, "Je suis palestinien" ».

En fait, ma fille n’était pas certaine de savoir ce que voulait dire la réponse à la question de sa camarade jusqu’à ce que je lui explique mieux, mais j’étais pleine d’admiration et extrêmement heureuse qu’un enseignant, dans une école catholique, ait eu le bon sens de diffuser le message du nationalisme et de l’union à ses jeunes protégées, plutôt que les diviser par leur religion.

Cela ne veut pas dire que les religions ne peuvent pas unir. Bien comprises et correctement appliquées, elles peuvent faire plus qu’unir : elles peuvent soulever des montagnes. Cependant, les religions sont aussi utilisées comme des armes, comme des outils d’extorsion et des moyens de divisons des peuples avec des méthodes extrêmement difficiles à contrer. L’exploitation par Israël de la confession juive en est la parfaite illustration, et ce n’est dommageable seulement pour les Palestiniens qui sont obligés de vivre sous le joug d’Israël, mais aussi pour les juifs qui n’apprécient pas que le sionisme se soit approprié leur foi.

J’en ai eu un exemple au cours d’une conversation avec s ?ur ainée qui avait eu à régler des problèmes fiscaux (quel citoyen états-unien n’en a pas ?) et avait dû prendre un avocat pour l’aider à se sortir de l’océan de documents du gouvernement et de déclarations de revenus nécessaires pour monter son dossier correctement. Ma s ?ur vit à l’étranger, comme son avocat qui se trouve être un Israélien qui vit aux États-Unis. Avec la juste réputation de gagneur qui le précède, ma s ?ur n’a pas hésité à le prendre « en dépit de » sa nationalité. (Nous, Palestiniens, sommes hypersensibles au mot Israélien). Et fidèle à sa parole, il a réglé le problème de ses impôts, éclairci les malentendus et il l’a aiguillée pour l’année suivante.

Ce n’est pourtant pas pour cela que j’en parle. Quand ils ont eu échangé leurs histoires réciproques, il s’est avéré que lui était bien citoyen israélien mais qu’il avait quitté Israël il y avait plus de 20 ans, qu’il avait épousé une Allemande catholique et refusé de donner à ses enfants la citoyenneté israélienne. D’après ma s ?ur, il a déclaré qu’aussi longtemps qu’Israël occuperait les Palestiniens, il ne voudra pas revenir en Israël pour y vivre. Être juif n’est pas un problème pour cet homme. Le problème est que la judaïté en Israël a pris un poids politique qu’il n’est pas prêt à porter.

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Un Coran brûlé lors de l’incendie de la mosquée par les colons, à Beit Fajjar, en mai 2010.

Israël a toujours exploité le judaïsme pour faire avancer ses objectifs politiques, mais jamais semble-t-il, comme aujourd’hui. L’appel répété pour que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu’État juif ne vise pas, comme le prétend le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, simplement à la reconnaissance des droits des juifs ici. Cet appel n’est d’abord pas dépourvu d’une connotation sinistre. En outre, il vient en consolidation de la prétention d’Israël que les juifs sont les seuls à avoir des droits sur la Palestine et que toute concession sur ce point ne saurait être qu’une manifestation de la bonne volonté et de la générosité israéliennes.

Israël est, c’est pratiquement certain, déjà un État juif. Il a été fondé sur ce principe et ce n’est pas un secret que les juifs ont le droit au « retour » en Israël de quelque partie du monde qu’ils soient, simplement du fait de leur judaïté. À Jérusalem, les juifs israéliens maintiennent un avantage démographique léonin sur les Palestiniens de sorte que la ville n’apparaît pas trop « mixte ». Ceci frappe naturellement les Palestiniens - musulmans et chrétiens indifféremment - à plusieurs niveaux de l’échelle de leur légitimité à leur patrie, non parce qu’ils ne sont pas de bons citoyens, mais parce qu’ils ne sont pas juifs.

Ceci ne veut pas dire que les autres religions ne se sont jamais rendues coupables d’exploiter la religion pour diviser au lieu d’unir. Mais dans le cas des Palestiniens - à l’exception de quelques fanatiques qui se délectent plus de la désunion que du vivre ensemble -, c’est quelque chose dont nous sommes fiers. Le Premier ministre Salam Fayyad, un musulman, a allumé l’arbre de Noël de la Palestine à Beit Sahour. Le regretté président Yasser Arafat assistait chaque année à la messe de Noël à Bethléhem jusqu’à ce qu’il soit empêché de quitter son quartier général à Ramallah par les chars d’assaut israéliens. En général, musulmans et chrétiens en Palestine sont unis par le « palestinian-isme » et non divisés par leur différence de culte, ce qui, il faut le dire, est l’une de nos plus belles réussites. L’inclusion de tous vaut toujours mieux que l’exclusion de certains.

En Israël, la discrimination flagrante contre les autres religions est d’une façon ou d’une autre toujours camouflée derrière la « sécurité » ou l’« autoconservation », même alors que des Israéliens extrémistes descendent dans la rue pour faire approuver un décret, signé de 39 rabbins, qui interdit aux juifs de vendre ou de louer à des Arabes. Des colons, avec fanatisme, ont brûlé des mosquées et des copies du Coran dans des villages de Cisjordanie (*), et des Israéliens fondamentalistes ont craché sur des prêtres chrétiens durant des cérémonies religieuses dans la vieille ville de Jérusalem.

Il y a des « fous » dans toutes les sociétés quelles que soient les races ou les religions. Cependant, ce qui distingue Israël, c’est l’impunité dans laquelle ceux qu’on dit fous opèrent. Dans un pays civilisé, leur comportement ne serait pas toléré. En Israël, au mieux ils se font taper sur les doigts, au pire, ils sont carrément encouragés. Ceci parce qu’Israël s’est créé sur la base de la « suprématie » juive si vous voulez, laquelle à son tour forme le terreau virtuel pour la prolifération de tels fanatisme et racisme.

Même si de nombreux Palestiniens portent la crainte que le Hamas n’épouse les vues de la loi islamique en Palestine, il est très improbable que ceci puisse un jour se réaliser pour la simple raison que les enseignants, tel celui de ma fille, inculquent à nos enfants un enseignement de la diversité dans l’union, et non dans la division. Comme cet enseignement - incarné également historiquement par l’OLP et l’AP - prend racine génération après génération, rien n’en pourra modifier le cours.




(*) Voir notamment : Des colons israéliens mettent le feu à une mosquée - Ma’an News Agency

* Joharah Baker est écrivain au Media and Information Department at the Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH). Elle peut être contactée à mid@miftah.org.

Du même auteur :

- Au nom des enfants - Miftah
- Les nombreuses facettes de l’Occupation - Uruknet
- Les Juifs Israéliens doivent perdre leur arrogance - Miftah
- L’impossible retour à la normale - Miftah
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22 décembre 2010 - MIFTAH - traduction : JPP


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