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Le Ramadan sans un sou

vendredi 20 août 2010 - 18h:57

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Même si des marchandises supplémentaires sont maintenant disponibles à Gaza, peu de gens ont les moyens de les acheter, écrit Saleh Al-Naami.

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Ramadan à Gaza [2008] - Le choix d’une lampe... Photo : Life

Mohamed Nassar, 49 ans, était surpris et un peu perdu en parcourant le marché de Al-Zawya situé au coeur de la ville de Gaza. Il était effaré par la grande variété de produits en vente et troublé parce qu’il n’avait pas assez d’argent pour acheter tous les produits de la liste que sa femme lui avait donnée pour les préparatifs du Ramadan et qu’il se savait pas quoi acheter en priorité. Nassar qui a quatre enfants répare des réfrigérateurs et des appareils d’air conditionné pour 1500 shekels (400 dollars) par mois.

Il paie 150 dollars de loyer et a confié à Al-Ahran : "En vérité je ne dispose que 600 shekels qui doivent durer jusqu’à la fin du mois. Je pense consacrer le tiers de cet argent à de la nourriture pour le Ramadan, du fromage et des boites de conserve par exemple. Le marché est très tentant cet année avec tous ces produits nouveaux". Et il ajoute vite : "Ce mois-ci va être particulièrement difficile parce que les dépenses y sont généralement élevées et en plus il est suivi de Eid (la fête islamique qui suit le Ramadan). J’espère que les associations caritatives seront plus attentives aux besoins des familles qui ont de petits revenus parce que nous n’avons pas les moyens de faire face à tout ça".

Quand on circule dans les marchés de Gaza pendant cette dernière semaine de Shaaban, quelques jours avant le début du mois de jeûne, on voit des marchandises de toutes sortes : des produits laitiers, des articles pour la maison et autres produits spécifiques au Ramadan. Ce qui est surprenant c’est la manière dont on se bat pour acheter ces produits surtout ceux qui ont été interdits d’accès pendant plusieurs d’années à cause du siège de Gaza.

Les marchands et les boutiquiers s’activent depuis deux mois pour faire face à la demande des habitants de Gaza qui ont manqué de beaucoup de produits alimentaires pendant ces dernières années. On trouve aussi plus de décorations de Ramadan, et cela remonte le moral des gens.

"Cette année les commerçants se sont bien préparés pour le Ramadan" explique au Journal un épicier de Gaza de 55 ans, Abu Youssef Al-Darqotni. "Ils ont fait rentrer des marchandises qu’ils n’avaient pas vues depuis le début de blocus. Les magasins ont en stock tout ce qu’il faut pour le Ramadan". Mais Al-Darqotni exprime aussi la crainte que les gens n’aient pas les moyens d’acheter les produits importés pour le Ramadan. Il affirme que le pouvoir d’achat des gens reste faible "en dépit d’une légère amélioration" du blocus suite à la pression mondiale qui a suivi le massacre perpétré par les Israéliens sur le bateau turc Mavi Marmara qui faisait partie de la Flottille de Gaza.

Dans le district d’Al-Sheikh Radwan, au nord de Gaza, un groupe d’enfants regarde la vitrine d’une boutique qui vend des jouets de Ramadan, spécialement des lanternes de Ramadan. Les prix ont déjà beaucoup baissé, mais certains continuent de marchander avec le commerçant. Les enfants espèrent que leurs parents leur achèteront ces lanternes au début du mois saint, pour pouvoir s’amuser comme les autres enfants.

Hassan Zeineddin, qui vend des jouets a déclaré qu’Israël a autorisé l’entrée de grandes quantités de jouets à Gaza et du coup il y en a trop et les prix ont chuté. "Pendant les pires années de siège le commerce s’est pratiquement arrêté parce que les articles de qualité étaient interdits d’accès et on ne pouvait se procurer que des articles de mauvaise qualité qui arrivaient par les tunnels de contrebande" ajoute Zeineddin. "Nous pensons qu’il va en arriver à nouveau pendant les fêtes de Ramadan".

Jeûner sans électricité

Les habitants de Gaza craignent que les coupures d’électricité ne se poursuivent pendant le Ramadan. "Le Ramadan sera très difficile si nous manquons d’électricité" affirme Nader Qonita, 35 ans, qui habite dans le quartier Al-Tifah de la ville de Gaza. Devrons-nous briser le jeûne à la lumière d’une bougie ? Pourrons-nous jeûner dans les grosses chaleurs de l’été sans air conditionné ? Si cela continue le jeûne sera très pénible".

Il ajoute que malgré l’augmentation des marchandises sur les marchés, "nous avons peur d’acheter quoi que ce soit parce que sans électricité donc sans réfrigérateur tout sera perdu. Nous espérons que les officiels règleront le problème de sorte que nous puissions accueillir le mois de Ramadan dans la joie comme toujours". Qonita a dit à notre hebdomadaire que sa famille était prête à entamer le mois saint et qu’ils avaient décidé d’acheter de la nourriture en conserve qui ne se perdra pas si l’électricité vient à manquer.

En dépit de toutes les marchandises qu’on trouve à Gaza la situation financière et économique de la plupart des familles est mauvaise à cause du chômage généralisé qui résulte du blocus de Gaza imposé par les Israéliens depuis que le Hamas a gagné les élections il y a quatre ans.

Nahed Afana, 38 ans, a dit à notre hebdomadaire que les conditions aux barrages se sont améliorées, mais pas la vie des gens car beaucoup de gens ont perdu leur travail à cause du blocus et maintenant ils vivent de l’aide internationale et gouvernementale et de la charité. Afana qui fait partie des plus défavorisés nous a confié que beaucoup de gens sont découragés quand ils vont faire leurs courses car ils n’ont pas les moyens d’acheter quoi que ce soit.

"Nous sommes inquiets car la saison pourrait bien être une perte sèche pour nous du fait que la situation économique des gens ne s’est pas encore améliorée" déclare Mazen Al-Dalyu, commerçant du marché de Al-Zawya. "Ces jours-ci les ventes sont médiocres mais encore acceptables. Nous craignons toutefois qu’elles ne s’améliorent pas, même pas dans les premières jours du Ramadan". Al-Dalu note que le siège n’est que partiellement levé et concerne principalement des produits finis qui ne génèrent pas de travail à la différence des matières premières. Selon lui, si l’occupant avait permis le passage de matières premières il y a deux mois, le volume des échanges commerciaux aurait été beaucoup plus important.

"Le Ramadan est une de nos meilleures période de vente de nourriture" explique l’économiste Oam Shaaban à notre hebdomadaire. "Mais à cause du blocus et des conditions économiques les ventes ne sont pas aussi importantes qu’elles l’étaient avant le blocus". Shaaban ajoute que "la bande de Gaza a besoin d’importer plus de produits surtout des matières premières pour les fabriques qui pourraient fournir du travail à beaucoup et améliorer le sort de la population et des commerçants".

Il exhorte les commerçants à se souvenir que les clients sont à court d’argent et leur recommande de baisser leurs prix surtout pour le Ramadan. Shaaban s’attendant à ce que le montant des ventes ne soit pas supérieur à celui des années précédentes à cause du siège, du chômage et de la baisse des revenus.

L’aide aux familles pour le Ramadan

Beaucoup de Palestiniens comptent sur l’aide des organisations de bienfaisance de la bande de Gaza, surtout depuis que le chômage s’est généralisé. Plusieurs organismes sponsorisent des projets d’aide aux familles les plus pauvres de la bande de Gaza pour le Ramadan, comme des paniers de nourriture, des tickets à échanger contre de la nourriture et divers produits.

"Cette aide est absolument nécessaire à l’approche du mois saint de Ramadan, surtout que les conditions de vie des habitants de Gaza continuent à se détériorer à cause du siège inique imposé par Israël à notre peuple depuis quatre ans," a déclaré à notre hebdomadaire Nassim Al-Zaaneen, un membre de l’association "Gaza donne" qui sponsorise la campagne "Ramadan Kheir" au profit des familles pauvres et démunies. Al-Zaaneen a ajouté que les organisations caritatives s’astreignent à des contrôles transparents et précis pour s’assurer que l’aide parvienne bien à ceux qui la méritent.

En même temps, le ministère des Affaires Sociales de Gaza a annoncé une campagne d’assistance qui apportera de l’aide sous la forme de 50 dollars par famille à quelques 70 000 familles de Gaza. "Jusqu’ici nous avons distribué cet argent à presque 45 000 familles et la campagne continuera pendant le mois saint jusqu’à ce que nous ayons remis cette somme à toutes les familles prévues" a dit le ministre des Affaires Sociales Ahmed Al-Kurd à notre journal. Selon Al-Kurd l’argent est distribué en coordination avec des dizaines d’organisations caritatives qui oeuvrent dans la bande de Gaza, et qui s’assurent que l’aide atteigne tous les secteurs de la société.

Il a ajouté que la campagne d’assistance pour le Ramadan a le soutien entier du gouvernement palestinien de Gaza et a révélé que son ministère a l’intention de distribuer une aide financière pour le Ramadan aux familles qui souffrent le plus ainsi qu’aux chômeurs qui ont perdu leur travail à cause du blocus.

Il semble que le Ramadan cette année ne sera pas très différent de celui des trois dernières années. Les Palestiniens continueront à vivre dans une misère épouvantable et une précarité terrible. [Et cela dans l’indifférence criminelle de la "communauté internationale", petit rajout du traducteur].

Du même auteur :

- Les Palestiniens confiants dans la fin du siège - 5 juillet 2010
- La société palestinienne doit se défendre - 4 mai 2010
- Réévaluer la résistance - 23 avril 2009
- S’adapter aux calamités ? - 24 mars 2010
- Et voici le mur de fer... - 12 janvier 2010
- Racisme absolu et guerre totale - 2 janvier 2010
- Vociférations et roulements d’épaule - 28 novembre 2009
- La médecine du docteur Fayyad - 22 novembre 2009
- Abbas au pied du mur - 16 novembre 2009

12 août 2010 - Al Ahram Weekly - Pour consulter l’original :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/101...
Traduction de l’anglais : Dominique Muselet


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