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L’autre là, c’est un terroriste

mardi 3 août 2010 - 06h:27

Larry Derfner
The Jerusalem Post

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Les plus grands dénonciateurs de la violence palestinienne contre Israël tendent aussi à être les plus grands défenseurs de la violence sioniste contre la Grande-Bretagne.

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Jérusalem, 22 juillet 1946, l’attentat terroriste sioniste contre l’hôtel du Roi David, siège du QG britannique, fait 91 tués et 46 blessés.

Un soir, c’était il y a environ 20 ans, quelqu’un qui avait un « accent moyen-oriental » a appellé la Knesset et averti qu’une bombe allait exploser. Je travaillais ce soir-là au Jerusalem Post, et je ne me souviens pas du délai qu’il avait laissé, mais les gardes de la sécurité ont fait le tour de la Knesset et prévenu tout le monde, certains sont partis mais beaucoup sont restés. En fait, il n’y avait pas de bombe.

Mais s’il y en avait eu une, et qu’elle ait explosé dans la Knesset et tué beaucoup de ceux qui avait fait le choix d’ignorer la menace ? N’aurions-nous pas dit de ceux qui l’avaient posée, « Eh, ils ont averti tout le monde, ce n’est pas leur faute s’il y a eu des tués. » ?

Je me souviens de ce soir-là parce que le Yediot Aharonot vient de publier, vendredi dernier, un entretien avec Sarah Agassi, l’une des deux jeunes femmes d’Etzel qui appelèrent l’hôtel du Roi David l’après-midi du 22 juillet 1946 pour prévenir les autorités britanniques qu’il fallait évacuer l’immeuble - qui était leur quartier général - car il allait exploser. « Ils avaient une demi-heure. S’ils avaient fait évacuer les gens à 12 h 35, ce ne serait pas arrivé », dit-elle.

Par « ce », elle entend la mort de 91 personnes dans l’hôtel. « Je ne le regrette pas, pas une seconde, » dit-elle en accusant Sir John Shaw, le secrétaire en chef britannique, d’avoir négligé l’avertissement. (Les Britanniques soutiennent n’avoir reçu aucun appel). « C’est à cause de lui qu’il y a eu tant de tués, » dit-elle encore.

Et pourtant, nous n’appelons pas cela du terrorisme. Nous n’appelons pas non plus cela « un éloge des terroristes » quand nous donnons à des routes, des quartiers, des écoles et des hôpitaux, le nom de l’homme qui a ordonné ce bombardement. Menachem Begin.

91 personnes tuées, des Britanniques, des Arabes, des juifs, et d’autres. « Il y a eu d’autres actions, pas moins courageuses, qu’on a lancées contre les Britanniques, » dit Agassi. « Par exemple, nous avons fait sauter une de leur voiture blindée. Nous nous étions planqués dans Rehavia, nous connaissions leur itinéraire, nous avions posé les bombes et nous les avons fait exploser quand la voiture est passée, puis, nous nous sommes sauvés. »

Etzel (acronyme hébreu pour "Organisation militaire nationale sur la terre d’Israël") tuait aussi les civils, des civils arabes, des tas de civils arabes, dans des attentats en représailles sur les marchés arabes et autres lieux publics.

Après la guerre d’Indépendance, Begin passait pour un terroriste aux yeux de certains Israéliens, mais aujourd’hui, c’est un héros national incontesté, un héros suprême. Il reste dans les mémoires comme un gentleman, c’est le dirigeant le plus aimé de l’histoire israélienne.

Nous ne voyons aucune raison pour qu’il ne le soit pas. Mais quand les Palestiniens, à commencer par leurs dirigeants, font l’éloge de Muhammad Oudeh, qui a planifié la mort de 11 athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich, ou quand ils nomment un square à Ramallah du nom de Dalal Mughrabi, qui est à l’origine du détournement de bus, sur la Route côtière, où 37 Israéliens ont trouvé la mort, alors là, nous sommes horrifiés !

« Quiconque sponsorise et soutient la nomination d’un square à Ramallah du nom d’une terroriste qui a assassiné des dizaines d’Israéliens sur la Route côtière encourage le terrorisme, » proclamait le Premier ministre Binyamin Netanyahu, en mars ; et d’appeler les dirigeants palestiniens à « mettre fin à leur incitation ».

Mais quand, il y a quatre ans, les vétérans d’Etzel ont commémoré le 60è anniversaire du bombardement du Roi David, Netanyahu, issu d’une fière famille révisionniste, était la personnalité invitée. Il déclara alors à l’assistance : « Il est très important de faire la distinction entre les groupes terroristes et les combattants de la liberté, et entre l’action terroriste et l’action militaire légitime. ».

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Le comte Bernadotte à son arrivée en Palestine, il sera abattu par les sionistes.

L’hypocrisie qui caractérise l’opinion d’Israël sur les Palestiniens est à la hauteur de ceci : les plus grands dénonciateurs de la violence palestinienne contre Israël tendent aussi à être les plus grands défenseurs de la violence sioniste contre la Grande-Bretagne.

Après l’élection de Begin comme Premier ministre, nous avons élu Yitzak Shamir, qui faisait partie du trio qui dirigeait le Lehi (acronyme hébreu pour "Combattants pour la liberté d’Israël"). Le Lehi a fait encore mieux que Etzel : non seulement il a tué pour la création de l’Etat, mais il a tué aussi après. Le 17 septembre 1948, les gens du Lehi à Jérusalem abattaient le comte Folke Bernadotte, l’envoyé des Natons-Unies pour le Moyen-Orient (l’homme qui, en tant que diplomate suédois pendant la Deuxième Guerre mondiale, avait sauvé des milliers et des milliers de juifs des camps de la mort nazis).

A la cérémonie du 70è anniversaire du Lehi, à Jérusalem le mois dernier, le député de l’union nationale, Arye Eldad (dont le père, Yisrael, fut l’un des partenaires de Shamir à la direction) déclara à la tribune : « Le comte Bernadotte voulait internationaliser Jérusalem. Pour cela, le Lehi l’a tué. Avec sa mort, l’idée d’écarter Jérusalem du peuple juif est morte avec lui ».

Hourra ! Et quand Yitzhak Shamir sera mort, il y aura des routes, des quartiers, des hôpitaux et des écoles qui porteront son nom, à lui aussi.

Il me semble que si vous avez à condamner les morts des Jeux Olympiques de Munich, et ceux du massacre de la Route côtière, vous devez aussi condamner le bombardement du Roi David et l’assassinat de Bernadotte. De la même manière, si vous justifiez ou même, si vous « comprenez », la violence de Begin et de Shamir, vous devez aussi justifier, ou au moins comprendre, celle de Muhammad Oudeh et Dalal Mughrabi.

Et si vous ne le faites pas, si la violence au nom de la liberté de votre nation est pour vous de l’héroïsme, mais que la violence au nom de la liberté de la nation de votre ennemi est pour vous du terrorisme, alors c’est que vous n’avez aucun principe. Alors, la seule chose que vous représentez dans ce monde, c’est le côté où par hasard il vous est arrivé de naître.


Voir aussi :

- « Terrorisme », le premier rempart pour le sionisme - Paul Woodward - Mondoweiss

Ndt :

- sur le terrorisme sioniste avant la création de l’Etat d’Israël : "Par le feu et par le sang", Charles Enderlin, Albin Michel, 2008
- sur le terrorisme sioniste après la création de l’Etat d’Israël : "Le Nettoyage ethnique de la Palestine", Ilan Pappe, Fayard, 2006
- sur le terrorisme sioniste depuis et aujourd’hui, voir notamment : "Rapport Goldstone : La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés (pdf), A/HRC/12/48/(Advance 1) (résumé) :

Paragraphe 1894 : "La Mission a aussi relevé avec inquiétude les déclarations publiques de représentants d’Israël, y compris de hauts responsables militaires, selon lesquelles les attaques contre la population civile et la destruction de biens civils sont des moyens légitimes de parvenir aux objectifs militaires et politiques d’Israël... "

28 juillet 2010 - The Jerusalem Post - traduction : JPP


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