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Ces Palestiniennes victimes familiales

vendredi 23 février 2007 - 07h:07

Daphné Matthieu

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Impossible de discerner depuis la rue poussiéreuse le centre pour femmes du camp de réfugiés de Balata, à Naplouse, en Cisjordanie. Dans une des artères principales de ce camp de 30 000 habitants, à l’écart de l’enchevêtrement de ruelles étroites aux murs couverts de graffitis à la gloire des derniers « martyrs », une petite porte métallique donne sur un patio où bavardent des Palestiniennes, la tête couverte d’un voile, et revêtues d’amples robes sombres.

« Honte »

Dans une pièce froide éclairée au néon d’autres femmes discutent vivement. Amal Hmaidan, professeur de gymnastique du centre, prépare du thé sans quitter des yeux sa fille de 3 ans, la dernière de ses six enfants, qui se dandine à quatre pattes sur le carrelage. « L’été, quand il fait chaud et que les femmes sont en tenues légères, je vois encore plus leurs bleus. Quand elles ont vraiment trop de bleus, elles arrêtent de venir parce qu’elles ont honte », explique Amal, 35 ans, diplômée en éducation physique qui ajoute : « Parfois, après les cours, nous nous asseyons ensemble pour parler. Beaucoup d’entre elles se plaignent de leurs maris. Certains sont violents pendant les rapports sexuels, d’autres les battent. »

La violence contre les femmes dans les territoires palestiniens ­ violence domestique, violence sexuelle, inceste, assassinats de femmes au nom du code de l’honneur ­ est largement répandue, selon un rapport de Human Rights Watch publié en novembre. Selon l’ONG américaine, plus d’un tiers des Palestiniennes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leurs maris.
Hamas. Taboue dans la société palestinienne, la violence domestique est mal connue et les chiffres disponibles sont bien inférieurs à la réalité, affirme Falak Khayyat, directrice de la Société pour la défense de la famille, nom pudique donné au seul refuge pour femmes battues de Gaza et de Cisjordanie. « Les femmes ne peuvent pas parler de la violence domestique, c’est interdit. Dans la société palestinienne, les hommes sont tout, la conscience des droits des femmes est très faible », explique Falak, dont le centre, situé à Naplouse, héberge une dizaine de femmes battues.

Contrairement aux idées reçues, l’arrivée au pouvoir du mouvement islamiste Hamas, en mars dernier, ne s’est pas traduite par une détérioration de la condition des femmes, précise-t-elle. « La violence contre les femmes n’est pas conforme à la loi musulmane, l’islam protège les femmes et leur accorde une place importante dans la société. Le problème ce n’est pas le Hamas, dont les membres sont en général plus respectueux des droits des femmes en raison de leur connaissance et de leur attachement aux principes de l’islam. C’est l’absence de justice dans les territoires palestiniens qui est la première responsable de la situation catastrophique des femmes. » Les femmes victimes de violence se tournent en général vers les factions politiques et les clans. « Les femmes ne s’adressent jamais à la police, c’est trop embarrassant, ça devient une affaire officielle, publique. De toute façon cela ne sert à rien parce que la police ne fait rien pour faire respecter la loi. Elles vont voir les chefs de faction, du Hamas, du Fatah ou des milices qui vont parler à leurs maris et parfois réussissent à résoudre le problème. Au moins ça reste en famille », explique Amal.

Blocus

L’occupation israélienne et la dégradation de la situation humanitaire et économique dans les territoires palestiniens, suite au blocus économique imposé par la communauté internationale depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas, sont largement responsables des violences familiales. « La pression à laquelle est soumise la société palestinienne est trop importante. Dans presque tous les foyers il y a de la violence, causée principalement par les humiliations liées à l’occupation israélienne et par le chômage », explique Dalal el-Asi, une célibataire habituée du centre pour les femmes du camp de Balata. « Un de mes frères travaille pour l’Autorité palestinienne et n’a pas été payé depuis six mois, alors il se défoule sur sa femme et ses enfants. Quand elle est à bout, c’est au tour de sa femme de se défouler sur les enfants. Ici, à Balata, ce genre de situation est courant », ajoute-t-elle.

En Israël aussi, à un moindre degré, les difficultés économiques et le conflit avec les Palestiniens font sentir leurs effets négatifs sur la condition des femmes.

Près de 20 % des Israéliennes sont ainsi victimes de violences physiques ou sexuelles, selon les organisations de défense des droits des femmes. « La société israélienne est patriarcale, machiste et militariste », explique Zahava Gal-On, députée du parti Meretz (extrême gauche) et membre de la commission parlementaire sur le statut des femmes affirmant que « les difficultés économiques ­ un quart des Israéliens vivent sous le seuil de pauvreté ­, l’instabilité politique et l’état de guerre permanent créent une tension qui rend les hommes nerveux et les conduisent parfois à se défouler sur leurs femmes » .

20 février 2007 - http://www.liberation.fr/actualite/...


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