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La famille de Rachel Corrie peut faire enfin le procès d’Israël

samedi 13 mars 2010 - 06h:52

Jonathan Cook - The National

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Sept ans après que Rachel Corrie, militante pacifiste états-unienne, ait été tuée sous un bulldozer de l’armée israélienne, dans la bande de Gaza, sa famille met, aujourd’hui, le gouvernement israélien au banc des accusés.

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Rachel, face au bulldozer qui va l’écraser, le 16 mars 2003, à Rafah




Un juge de la ville d’Haïfa, dans le nord d’Israël, va se trouver face à la preuve que Rachel Corrie, 23 ans, a été tuée illégalement alors qu’elle s’était mise sur le chemin d’un bulldozer pour essayer de l’empêcher de démolir une maison palestinienne à Rafah.

Les parents de Corrie, Craig et Cindy, arrivés samedi en Israël, ont dit qu’ils espéraient que leur action civile allait apporter un éclairage nouveau sur la mort de leur fille et conduire finalement à rendre Israël responsable de sa mort. Ils demandent également des dommages et intérêts qui pourraient monter à plusieurs millions de dollars si le tribunal tranche en leur faveur.

Une enquête militaire interne avait été close peu après la mort de Corrie, blanchissant tant le conducteur du bulldozer que les commandants de l’armée qui supervisaient l’opération.
Trois citoyens britanniques et un états-unien, qui se trouvaient près de Corrie au moment où elle a été tuée, vont démonter la version d’Israël sur les évènements, arguant que le conducteur du bulldozer savait que Corrie était là quand il a roulé sur elle.

Le gouvernement israélien a cherché à bloquer l’entrée de ces militants en Israël pour l’audience, mais il a dû finalement y renoncer, il y a trois semaines, sous les fortes pressions de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis.
Ces quatre militants, comme Corrie, appartenaient à International Solidarity Movement (ISM), mouvement qui fait venir des militants en Israël pour résister à l’occupation de façon non violente aux côtés des Palestiniens.

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Les parents de Rachel, Craig et Cindy

Cindy Corrie, d’Olympia dans l’Etat de Washington : « Ma famille et moi-même recherchons la justice. La mort brutale de ma fille n’aurait jamais dû arriver. Nous croyons que l’armée israélienne doit être tenue pour responsable de sa mort illégale. »

Pour de nombreux observateurs, la mort de Rachel Corrie, en mars 2003, est très vite devenue un symbole de l’injustice de l’occupation israélienne. Les notes de son carnet, dont beaucoup furent écrites alors qu’elle vivait dans des familles palestiniennes, ont été adaptées à l’écran dans un film projeté dans le monde entier (et une pièce - ndt).

Cependant, comme un commentateur israélien le notait dans le quotidien libéral Ha’aretz, au premier anniversaire de sa mort, « En Israël, son nom a pratiquement été oublié ».

La famille de Corrie espère que l’affaire au tribunal va changer cela.

Rachel, film réalisé l’année dernière sur sa vie et les évènements de Rafah, doit être projeté à Tel Aviv, le 16 mars, le jour du septième anniversaire de sa mort et en pleine procédure judiciaire.

Jusqu’au procès d’Haïfa, la famille Corrie s’est heurtée à des murs, administratifs et juridiques, alors qu’elle essayait d’obtenir une enquête indépendante sur la mort de leur fille, et de faire juger les responsables.

Ariel Sharon, Premier ministre au moment de la mort de Corrie, avait promis qu’une « enquête minutieuse, crédible et transparente » allait être menée.

Mais l’enquête interne de l’armée, qui a blanchi les deux soldats qui utilisaient le bulldozer, a été largement critiquée, notamment par des officiels états-uniens. Human Rights Watch a déclaré « qu’elle était loin de la transparence, de l’impartialité et de la minutie exigées par le droit international ».

Le rapport de l’armée prétend que Corrie avait été « cachée aux regards » derrière un monticule de terre et que le bulldozer ne l’avait jamais heurtée. Il conclut que « Corrie avait été touchée par des décombres et une plaque de béton » que la terre avait fait glisser sur elle.

Les quatre anciens membres d’ISM qui doivent comparaître devant le tribunal cette semaine nous ont dit de ne pas faire de commentaires avant qu’ils n’aient témoigné devant le tribunal.

Mais les déclarations antérieures des témoins, confirmées par des preuves photographiques, mettent en doute le compte rendu de l’armée. Les photos montrent Corrie, vêtue d’une veste fluorescente orange, un mégaphone à la main, face au bulldozer, pendant plusieurs heures. Elles montrent aussi les traces du passage du bulldozer sur le corps de Corrie, quelques instants après qu’elle ait été écrasée.

Tom Dale, militant britannique, qui se trouvait près de Corrie au moment où elle a été tuée, écrivait deux jours plus tard qu’elle avait grimpé au sommet d’un monticule de terre, et que les militants tout proches criaient au conducteur du bulldozer d’arrêter.

Le bulldozer, écrit-il, « a poussé Rachel, d’abord sous sa pelle, puis sous sa lame, et il a continué à labourer son corps jusqu’en dessous du cockpit. Il est resté sur elle pendant quelques secondes, avant de faire marche arrière. Il a fait marche arrière avec la lame baissée, ce qui fait qu’il a raclé son corps une seconde fois ».

En 2007, un tribunal US a débouté la famille Corrie qui demandait à poursuivre la société Caterpillar, fournisseur de l’armée israélienne en bulldozers D-9 Spécial, du type de celui qui a tué leur fille et qu’Israël utilise régulièrement pour démolir les maisons palestiniennes.

L’audience de cette semaine est le résultat d’une procédure de droit privé engagée par les Corrie en mars 2005, sur la suggestion du département d’Etat US.

Mme Corrie : « Nous espérons que ce procès illustrera la nécessité qu’il y a de faire condamner l’occupation israélienne pour les milliers de vies perdues, de blessés marqués à vie, et qu’il va attirer l’attention sur les agressions israéliennes contre les défenseurs non violents des droits humains ».

Et Mme Corrie d’ajouter que la famille a dû supporter « des mensonges et des déclarations inexactes » sur les circonstances de la mort de leur fille. La famille accuse également Israël de jouer avec les reports de procédures pour faire traîner l’affaire.

Mais si Israël a fini par laisser entrer les quatre témoins d’ISM, il a refusé par contre à Ahmed Abu Nakira, le médecin de Gaza qui a donné des soins à Corrie, l’autorisation d’assister à l’audience et de pouvoir être interrogé par liaison vidéo.

Le gouvernement israélien est accusé dans ce procès d’être responsable à la fois de la mort intentionnelle de Corrie et de conduite négligente de la part des deux soldats envers des manifestants non armés.

Israël se prétend non responsable parce que les actions de l’armée étaient des « actes de guerre » et parce que Corrie s’était mise elle-même, imprudemment, en danger.

Dans la période où Corrie a été tuée, trois Britanniques - Iain Hook, Tom Hurndall et James Millar - ont été abattus par des soldats israéliens. Il n’y a que dans le cas de Hurndall, autre volontaire ISM tué à Rafah un mois après Corrie, qu’une enquête a été conduite auprès d’un soldat qui fut reconnu coupable et emprisonné.

Hussein Abu Hussein, avocat de la famille Corrie, dit avoir demandé 324 000 dollars d’indemnisation pour les frais directement liés à la mort de Corrie, dont les funérailles, les frais juridiques et d’avion. De plus, la famille demande une indemnisation globale pour préjudice moral pour les souffrances et les pertes de salaires de Rachel, et des dommages et intérêts à titre de sanction à l’Etat.

Ces dernières semaines, le bureau d’ISM en Cisjordanie a été perquisitionné à différentes reprises par l’armée israélienne qui s’est emparé d’ordinateurs et de documents.

Mr Abu Hussein a déclaré qu’il ferait valoir devant le tribunal que le manuel du D-9S spécifie précisément qu’on ne doit pas l’utiliser à proximité de civils, et que l’Etat a ignoré une décision judiciaire selon laquelle un représentant des Etats-Unis devait être présent lors de l’autopsie de Corrie.





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9 mars 2010 - J.Cook - The National
photos par la publication - traduction : JPP


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