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La guerre qui vient...

samedi 6 février 2010 - 12h:46

Ramzy Baroud

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L’armée israélienne est peut-être beaucoup moins efficace pour gagner des guerres qu’elle ne l’était par le passé, grâce à la fermeté de la résistance libanaise et palestinienne, écrit Ramzy Baroud.

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Liban 2006 - Comme à l’accoutumé, lors de la prochaine guerre Israël fera ce qu’il sait faire le mieux : bombarder des infrastructures civiles, massacrer des populations sans défense, et éviter par-dessus tout de s’affronter à la résistance sur le terrain... Le tout avec la bénédiction des Etats-Unis, de l’Union Européenne et des Nations Unies, et la complaisance honteuse des dictatures arabes au Moyen-Orient.

Mais ses stratèges militaires sont plus malins et imprévisibles que jamais. Les récents discours en provenance d’Israël suggèrent qu’une future guerre au Liban ciblera aussi très probablement la Syrie. Bien que cela ne signifie pas nécessairement qu’Israël ait réellement l’intention de prendre pour cible l’un ou l’autre de ces pays dans un avenir proche, il s’agit certainement du type de langage qui souvent précède des opérations militaires israéliennes.

Décoder les indices disponibles sur la nature des objectifs militaires immédiats d’Israël n’est pas toujours facile, mais c’est possible. Un indicateur qui pourrait servir de base pour toute prédiction sérieuse des actions israéliennes est la tendance permanente d’Israël à rechercher un état perpétuel de guerre. L’objectif de la paix, d’une paix réelle, n’a jamais fait partie d’une politique à long terme.

« Contrairement à beaucoup d’autres, je considère que la paix n’est pas un objectif en soi mais seulement un moyen de garantir notre existence », a affirmé Yossi Peled, un ancien général et actuel chef de cabinet du gouvernement d’extrême-droite de Benjamin Netanyahu.

La politique officielle d’Israël - militaire ou autre - est régi par les mêmes diktats sionistes que ceux qui ont longtemps précédé la création de l’Etat d’Israël. Si quelque chose a changé depuis que es premiers sionistes aient exposé leur vision, c’est l’interprétation de ces diktats. Quant à leur substance, elle est restée intacte.

Par exemple, le visionnaire sioniste Vladimir Jabotinsky, avait décrété en 1923 que la « colonisation sioniste peut... se poursuivre et se développer seulement sous la protection d’une force indépendante de la population locale - un mur de fer que la population indigène ne peut pas traverser ». Il ne se référait pas alors à un mur réel. Tandis que sa vision prenait diverses formes tout au long des années, en 2002 elle a été traduite en un vrai mur visant à compromettre n’importe quelle solution équitable pour les Palestiniens. Maintenant, et tout à fait malheureusement, l’Egypte a également commencé à construire son propre mur en acier le long de sa frontière avec la bande de Gaza dévastée par la guerre et appauvrie.

Une chose que nous savons tous à ce jour est qu’Israël est un pays fortement militarisé. Sa définition de l’« existence » ne peut être assurée que par une domination militaire incontestée sur tous les fronts, d’où ce lien dévastateur entre la Palestine et le Liban. Ce lien ôte beaucoup de crédibilité à n’importe quelle analyse des intentions militaires israéliennes concernant Gaza si est omis le Liban - et en fait, la Syrie.

Considérez, par exemple, la répression israélienne sans précédent contre le deuxième soulèvement palestinien qui avait commencé en septembre 2000. Comment cela est-il lié au Liban ? Israël venait juste d’être battu par la résistance libanaise, conduite par le Hizbullah, et avait été forcé en mai 2000 de cesser son occupation de la majeure partie du sud-Liban. Israël a voulu alors envoyer un message sans ambiguïté aux Palestiniens, selon lequel cette défaite n’était en fait pas une défaite du tout, et que n’importe quelle tentative de répéter le modèle libanais de résistance en Palestine serait impitoyablement écrasée.

La démesure israélienne dans l’utilisation de ses moyens militaires sophistiqués pour étouffer une révolution en grande partie populaire a coûté extrêmement chère aux Palestiniens en termes de vies humaines.

Les 34 jours de la guerre israélienne contre le Liban en juillet 2006 représentaient une tentative de détruire la résistance arabe et de reconstruire son mur de fer métaphorique. Elle lui a sauté à la figure, avec pour résultat une vraie - et non symbolique - défaite israélienne. Israël a alors fait ce qu’il fait de mieux. Il a employé son Armée de l’Air tellement supérieure, a détruit une grande partie de l’infrastructure civile du Liban et a assassiné plus de 1200 personnes, la grande majorité étant des civils. La résistance, avec ses faibles moyens, a tué plus de 160 Israéliens, la plupart du temps des soldats durant les combats.

Non seulement le Hizbullah a pénétré le mur de fer israélien, mais il l’a également constellé de trous. Il a contesté comme cela n’avait jamais été fait auparavant, la notion de l’invincibilité de l’armée israélienne et son illusion de sécurité. Quelque chose a terriblement mal tourné au Liban.

Depuis lors, l’armée, les services de renseignements, les propagandistes et les politiciens israéliens ont été en constante préparation pour une nouvelle épreuve de force. Mais avant une telle bataille, la nation avait besoin de retrouver sa foi dans l’intelligence de son armée et de son gouvernement, d’où la guerre contre Gaza lancée en décembre 2008.

Aussi effroyable que cela était de voir les familles israéliennes rassemblées en masse près de la frontière ide Gaza et assistant au spectacle, pendant que Gaza et ses habitants étaient mis en pièces, l’initiative était des plus rationnelles. Les victimes de la guerre pouvaient être des Palestiniens dans Gaza, mais le public ciblé, c’était les Israéliens. La guerre brutale et en grande partie unilatérale a uni les Israéliens, y compris leurs partis auto-proclamés de gauche dans un rare moment d’unanimité. C’était bien la preuve que les FDI (Forces de Défense Israéliennes] avait toujours suffisamment de force pour prétendre à des résultats militaires.

Naturellement, les stratèges militaires israéliens savaient pertinemment que leurs crimes de guerre dans Gaza étaient une tentative maladroite pour regagner la confiance nationale. Les politiciens et les généraux d’armée si étroitement liés ont voulu donner l’impression que tout se déroulait selon les prévisions. Mais tout le blackout organisé dans les médias et les images si convenues de militaires faisant des signes de victoire et brandissant des drapeaux sur leur chemin de retour vers Israël étaient les indications évidentes d’une tentative d’améliorer une image qui pose problème.

Ce qui explique les commentaires mûrement pesés de Yossi Peled le 23 janvier : « Selon mon évaluation, ma compréhension et mes connaissances, il est presque certain que c’est juste une question de temps avant qu’il y ait un affrontement militaire dans le nord. » Il a aussi affirmé : « Nous nous dirigeons vers une nouvelle confrontation, mais je ne sais pas quand elle se produira, comme nous ne savions pas quand la deuxième guerre du Liban allait éclater. »

Peled a bien sûr raison. Il y aura une nouvelle confrontation. De nouvelles stratégies seront en oeuvre. Israël mettra la barre plus haut, et essayera d’impliquer la Syrie, poussant à une guerre régionale. Le Liban qui se dessine aujourd’hui, basé sur les conditions de la résistance - suite à l’impossibilité d’ignorer politiquement le Hizbullah - est tout à fait inacceptable du point de vue israélien. Ceci dit, Peled est peut-être en train de créer un écran de fumée masquant les projets d’une nouvelle guerre contre la résistance assiégée dans Gaza, ou même quelque chose d’entièrement différent. (L’annonce récente par le Hamas que son principal responsable militaire Mahmoud Al Mabhouh avait été assassiné à la fin du mois de janvier à Dubaï par des agents israéliens, est également une indication des efforts israéliens en cours et qui vont bien au-delà de n’importe quelle frontière.)

Qui sera le premier ? Gaza ou le Liban ? Israël envoie des signaux ambigus, et délibérément. Le Hamas, le Hizbullah et leurs partisans comprennent bien la tactique israélienne et se préparent aux différentes possibilités. Ils savent qu’Israël ne peut pas vivre sans ses murs d’acier, et ils sont déterminés à empêcher que de nouveaux murs ne soient érigés à leurs frais.

* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est écrivain et publie pour PalestineChronicle. Ses écrits sont publiés par de nombreux journaux, quotidiens et anthologies à travers le monde. Son avant-dernier dernier livre : La Seconde Intifada : une chronique du combat du peuple (Pluto Press, Londres) et le dernier tout récemment publié : Mon Père était un combattant de la liberté : l’histoire non dite de Gaza (Pluto Press, London).

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1° février 2010 - Ramzy Baroud - Communiqué par l’auteur
Traduction : Claude Zurbach


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