Tribunal Russell sur la Palestine
jeudi 4 février 2010 - 09h:52
Sébastien Boussais - Afrique/Asie
Un an après la guerre destructrice à Gaza, alors qu’il n’a jamais respecté les condamnations des Nations unies depuis soixante ans, Israël pourrait bien rapidement rendre des comptes grâce à cette instance qui verra le jour en mars.
Le 16 décembre dernier, a eu lieu à Bruxelles la journée d’introduction à la première session du tribunal Russell sur la Palestine. Il a été lancé à l’initiative de Leila Shahid, déléguée générale de Palestine auprès de l’Union européenne, Nurit Peled, prix Sakharov 2001 et militante de la paix, et Ken Coates, politicien britannique et président de la fondation Bertrand- Russell pour la paix. Il se réfère notamment à la décision rendue le 24 juillet 2004 (1) par l’Assemblée générale des Nations unies, condamnant une nouvelle fois l’État hébreu pour l’occupation des territoires « demandant à Israël, la puissance occupante, de respecter ses obligations mentionnées dans le texte » et « appelant les États membres des Nations unies à se conformer à leurs obligations pareillement ».
À un tournant de l’Histoire
Le tribunal pour la Palestine a été fondé sur le modèle du tribunal Russell pour la guerre du Viet-Nâm dirigé par Jean-Paul Sartre. À l’époque (1966), son fondateur, lord Russell, le formulait de la sorte : une instance « chargée d’expertiser et de juger la situation politique, diplomatique et humanitaire » issue de la guerre menée par les États-Unis contre les Vietnamiens. Il s’ouvrira officiellement le 1 er mars 2010 en Espagne, à Barcelone, la ville où l’idée symbolique d’une union des pays méditerranéens avait vu le jour en 1995.
Son comité d’organisation est prestigieux : Stéphane Hessel ancien ambassadeur français et corédacteur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1948, Pierre Galand ancien sénateur belge, François Maspero, écrivain et ex-éditeur français, et Marcel Francis Kahn ancien participant au tribunal Russell pour le Viet-Nâm. La liste des parrains ne l’est pas moins : l’ancien secrétaire égyptien des Nations unies Boutros Boutros-Ghali, l’ancien président algérien Ahmed Ben Bella, l’ex-vice-présidente du Parlement européen Luisa Morgantini, le réalisateur Costa-Gavras, l’ancien footballeur Éric Cantona, le pacifiste Michel Warschawski, la professeure Judith Butler, l’historien Ilan Pappé, ou encore le sociologue Jean Ziegler, pour ne citer qu’eux (2) .
Des réunions de préparation sont chargées de recenser tous les arguments qui permettront au droit de prendre sa juste place dans les relations entre Israéliens et Palestiniens et à la justice d’être rendue. Le tribunal Russell sur la Palestine n’est donc nullement un acte de militants illuminés, mais un travail d’avocats et de juristes. Son but est bien de faire respecter le droit international, non d’avoir un parti pris pavlovien contre l’État hébreu. Rappelons qu’une centaine de résolutions des Nations unies n’ont jamais été respectées par Israël depuis plus de soixante ans.
L’initiative intervient à un tournant de l’actualité et de l’Histoire pour l’établissement de cette instance. Car après le rapport Winograd en 2006 condamnant Israël pour sa guerre meurtrière menée au Liban, après le rapport Goldstone (3) établissant de possibles poursuites pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à la suite de l’opération « Plomb durci » menée par Israël à Gaza en 2008-2009, la sensibilisation de l’opinion internationale rend possible un tribunal Russell pour la Palestine. « Israël a été trop loin », a déclaré, lors de cette réunion inaugurale à Bruxelles, l’ambassadeur Stéphane Hessel, de retour de Gaza avec sa femme. Ajoutant : « Israël doit être jugé pour ce qu’il a fait subir aux Palestiniens au nom du droit. » Leila Shahid considère aussi que c’est le moment pour agir : « Je suis optimiste pour plusieurs raisons. D’abord le rapport Goldstone, mais aussi le mandat d’arrêt lancé contre Tsipi Livni, premier ministre l’année dernière, qui lui a fait vivre quelques moments désagréables en décembre, lors de son voyage au Royaume-Uni où elle a dû se cacher pour ne pas être arrêtée. Je crois aussi que la décision rendue dès 2004 par la Cour pénale internationale contre l’illégalité du mur (4) prend tout son sens aujourd’hui. Saluons aussi la Suède qui, en tant que pays dirigeant l’Union européenne les six derniers mois, a résisté et fait adopter par le Conseil européen des Affaires étrangères un avis très critique à l’égard d’Israël (5). Il s’agit plus que jamais d’être avec le droit, rien de plus. Mais rien de moins. »
Pourquoi une telle initiative depuis la Belgique ? Parce que ce pays dispose d’une compétence universelle et peut ainsi juger des responsables gouvernementaux pour crimes de tous ordres hors du territoire. Comme au Royaume-Uni par exemple. Ce qui explique les désagréments de l’ancienne premier ministre Tsipi Livni (6). Leila Shahid a salué l’acte : « C’est la preuve aujourd’hui que les gens agissent dorénavant en citoyens et plus seulement au nom de l’État. »
Soutien indéfectible des États-Unis
Quels arguments le futur tribunal pourra-t-il invoquer pour justifier des crimes commis par Israël ? Lors de la réunion préparatoire à Bruxelles, Marcel Francis Kahn est revenu sur la démesure de l’opération israélienne à Gaza, mais aussi sur l’illégalité des armes employées, un argument de droit fort : « Israël disposait d’un surplus de bombes à fragmentation datant du Viet-Nâm et qui ont été données aux Israéliens qui les ont utilisées lors de la guerre au Liban . » Autre argument consistant : la multiplication des avis légaux contre la politique israélienne et, donc, contre les soutiens sans faille à Israël : « Le rapport Goldstone, l’avis de la Cour de justice de La Haye ont condamné Israël. Seuls les États-Unis soutiennent indéfectiblement Israël. Des ambiguïtés persistent en France (7) mais, finalement, l’avortement de la visite du ministre Bernard Kouchner à qui on a refusé l’entrée est la preuve que la France se plie à la volonté d’Israël », explique Marcel Francis Kahn. Ajoutant : « Contrairement au tribunal Russell du Viet-Nâm, celui sur la Palestine ne se construit pas sur rien. ».
(1) Résolution ES-10/15 AG Nations unies.
(2) Liste complète sur le site du tribunal ci-dessous.
(3) Près de 10 000 documents, 1 200 photos et vidéos, rapports, livres ont été étudiés et visionnés par la mission indépendante condamnant Israël lors de l’opération à Gaza en décembre 2008. L’Assemblée générale des Nations unies a approuvé ce rapport, considéré comme équilibré car condamnant fermement le lancement des roquettes par des militants du Hamas sur Israël, en particulier sur Sderot.
(4) Avis du 9 juillet 2004 de la Cour de justice de La Haye.
(5) Conclusions du conseil des ministres des Affaires étrangères des vingt-sept pays membres de l’Union européenne. Ils réaffirmaient clairement que Jérusalem devait être la capitale d’Israël et de l’État palestinien, que la colonisation des Territoires et de Jérusalem-Est restait illégale au regard du droit international, et rejetaient le blocus sur Gaza, entre autres.
(6) Auprès de laquelle David Miliband, le ministre des Affaires étrangères britannique, avait dû s’excuser, prouvant parfois la difficulté diplomatique de certains pays à exprimer leur bonne volonté à l’égard du droit...
(7) Par exemple, lors du conseil des ministres des Affaires étrangères cité en (5), l’ambassadeur de France en Israël émettait des « réserves importantes » sur le texte choisi.
Plus d’informations sur le Tribunal Russel : http://www.russelltribunalonpalesti...
Parrains
Source : http://www.russelltribunalonpalesti...
Ce Comité de parrainage est placé sous le patronage de :
Ken Coates Chairman of the Bertrand Russell Peace Foundation, UK
Nurit Peled Sakharov Prize for Freedom of Thought 2001, Israel
Leila Shahid General Delegate of Palestine to the European Union, Belgium and Luxembourg, Palestine
Membres du Comité de Parrainage :
Gilbert Achcar Professor, UK
Boutros Boutros-Ghali Former Secretary General of the United Nations, Egypt
Madam Nguyên Thi Bình Former Vice -President, Vietnam
Ahmed Ben Bella First President, Algeria
Djamel Bourras, Sportsman, France
Milan Ku-can Former President, Slovenia
Andreas Van Agt Former Prime Minister, Netherlands
Tariq Ali Writer, UK
Henri Alleg Journalist, France
Martin Almada Lawyer, Writer, Right Livelihood Award 2002, Paraguay
Kader Asmal Professor, Former Minister, MP, South Africa
Raymond Aubrac (and Lucie Aubrac ?) Former Members of the French Resistance, France
Etienne Balibar Professor Emeritus, France
Anna Balletbò President of Fundació Internacional Olof Palme, Spain
Russell Banks Writer, USA
Mohammed Bedjaoui Former President of the International Court of Justice (The Hague), Former Minister of Foreign Affairs, Algeria
Tony Benn, Peace activist, UK
Amar Bentoumi President Emeritus of the International Association of Democratic Lawyers, Algeria
John Berger Writer, UK
Karl Blecha Former Minister of Interior of Austria, Austria
Howard Brenton Writer, UK
Carmel Budiardjo Right Livelihood Award 1995, UK
Judith Butler Professor, USA
Eric Cantona, Acteur/Producteur, France
Franco Cavalli Former President of International Union Against Cancer, Switzerland
Monique Chemillier-Gendreau Professor Emeritus, France
Noam Chomsky Professor MIT, USA
Vicenzo Consolo Writer, Italy
Jonathan Cook Writer, Journalist, UK
Georges Corm Writer, Former Minister of Finance, Lebanon
Mairead Corrigan Maguire Nobel Peace Prize 1976, Northern Ireland
Raymond Deane, Composer and author, Ireland
John Dugard Former Special Rapporteur of UN on Palestine, South Africa
Roxanne Dunbar-Ortiz, writer, USA
Salim El Hoss, former Prime Minister, Lebanon
Miguel Angel Estrella Pianist, Former Ambassador to UNESCO, Argentina
Irene Fernandez Right Livelihood Award 2005, Malaysia
Norman Finkelstein Writer, USA
Cees Flinterman Director of the Netherlands Institute of Human Rights, Netherlands
Eduardo Galeano Writer, Uruguay
Johan Galtung Founder and co-director of Transcend, Right Livelihood Award 1987, Norway
Costa Gavras, Realisateur, France
Susan George, Writer, France
Geraud de Geouffre de la Pradelle Professor Emeritus, France
Neve Gordon Political Scientist, Israel
Juan Goytisolo Writer, Spain
Trevor Griffiths Writer, UK
Juan Guzman Tapia Judge, Chile
Gisele Halimi Lawyer, Former Ambassador to UNESCO, France
Denis Halliday, Ex UN, Ireland
Jeff Halper Coordinator of ICAHD, Israel
Mohammed Harbi Historian, Algeria
Eric Hazan Writer, France
Stephane Hessel French Ambassador, France
François Houtart Professor Emeritus, Belgium
Nouri Abdel Razzaql Hussein, Secretary General of Afro-Asian Peoples Solidarity Organisation, Egypt
Sonallah Ibrahim Elorfally writer, Egypt
Albert Jacquard Professor, France
Hina Jilani Lawyer and human rights activist, Pakistan
Alain Joxe Director of Studies at the EHESS, France
Hatim Kanaaneh Author, Palestine
Ghada Karmi Professor and author, Palestine
Ronnie Kasrils Former Minister, writer and activist, South Africa
Assaf Kfoury Professor, USA
Naomi Klein Writer, USA
Erwin Lanc Former Minister of Foreign Affairs of Austria, Austria
Felicia Langer Lawyer, Writer, Right Livelihood Award 1990, Germany
Paul Laverty Screenwriter, UK
Mike Leigh, Filmmaker, UK
Ken Loach Filmmaker, UK
Alice Mahon, Former Member of Parliament, UK
José Antonio Martín Pallín Magistrado Emérito Sala II, Tribunal Supremo, Spain
Nur Masalha Director of the centre for Religion and History, Palestine
François Maspero Writer, France
Gustave Massiah Chairman of CRID, France
Avi Mograbi Filmmaker, Israel
Luisa Morgantini, Activist, Italy
Peter Mullan Filmmaker and actor, UK
Karma Nabulsi Academic and author, Palestine
Radhia Nasraoui Human Rights Lawyer, Tunisia
Susie Orbach Professor, UK
Willibald Pahr Former Minister of Foreign Affairs of Austria, Austria
Ilan Pappe Professor, Israel
Simone Paris de Bollardière Movement for Non-violence Alternative, France
Tamar Pelleg-Sryck Human Rights Lawyer, Israel
Adolfo Péres Esquivel Nobel Peace Prize 1980, Argentina
Arthur Pestana "Pepetela" Writer, Angola
Jeremy Pikser Writer, USA
John Pilger Journalist, author, film maker, Australia
Harold Pinter ? Writer, Nobel Prize in Litterature 2005, UK
Majid Rahnema writer, former member of Unesco’s executive board, Iran
François Rigaux Professor Emeritus, Belgium
Jacqueline Rose Professor, UK
Eric Rouleau, Writer, Former Ambassador, France
François Roux Lawyer, France
Jean Salmon Professor Emeritus, ULB, Belgium
Elias Sanbar Writer, Palestine
José Saramago Nobel Prize Literature 1998, Portugal
Aharon Shabtai, Poet, Israel
Jitendra Sharma Lawyer, President of International Association of Democratic Lawyers, India
Cindy Sheehan Peace activist and author, USA
Raji Surani Vice-President Of the FIDHs, Palestine
Vandana Shiva Right Livelihood Award 1993, India
Sulak Sivaraksa Professor, Right Livelihood Award 1995, Thailand
Philippe Texier Magistrate and Member of the UN Human Rights Committee, France
Rt Hon E.W Thomas Supreme Court, New Zealand
Gerard Toulouse Physicist, France
Andy de la Tour Actor/Screenwriter, UK
Sir Brian Urquhart Former Undersecretary-General of the United Nations, UK
Puthan Veetil Rajagopal President of Ekta parishad, India
Heikelina Verrijn Stuart, Juriste et philosophe du droit, Pays-Bas
Itala Vivan Professor, Italy
Naomi Wallace Playwright/Screenwriter, USA
Michel Warschawski Activist, Israel
Francisco Whitaker Right Livelihood Award 2006, Brazil
Betty Williams Nobel Peace Prize 1976, Northern Ireland
Jody Williams Nobel Peace Prize 1997, USA
Jean Ziegler sociologist, Switzerland
Howard Zinn ? Author, USA
Février 2010 - Afrique-Asie