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La commémoration de l’Holocauste est une aubaine pour la propagande israélienne

dimanche 31 janvier 2010 - 06h:55

Gideon Levy

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Un millier de discours contre l’antisémitisme n’éteindra pas le feu allumé par l’opération Plomb durci, des flammes qui menacent non seulement Israël mais le monde juif tout entier.

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Shimon Peres s’adressant au parlement allemand.
Tous, ils étaient partis faire des discours fleuris sur l’Holocauste.




Les gros bonnets d’Israël ont attaqué dès l’aube, sur un large front. Le Président en Allemagne, le Premier ministre, énormément entouré, en Pologne, le ministre des Affaires étrangères en Hongrie et son adjoint en Slovaquie, le ministre de la Culture en France, le ministre de l’Information aux Nations unies, et même le député druze du Likoud à la Knesset, Ayoob Kara, qui est allé en Italie. Tous, ils étaient partis faire des discours fleuris sur l’Holocauste.

Mercredi était la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste, et on n’avait pas vu un tel dynamisme dans les relations publiques israéliennes depuis bien des lustres. Le moment choisi pour cette attention inhabituelle - jamais nous n’avions eu autant de ministres déployés à travers le monde - n’est pas fortuit : quand le monde dit Goldstone, nous nous disons Holocauste, comme pour brouiller les effets. Quand le monde dit occupation, nous nous disons Iran, comme pour lui faire oublier la première.

Cela n’aidera pas beaucoup. La Journée internationale de commémoration de l’Holocauste a passé, les discours seront vite oubliés, et la réalité quotidienne déprimante va continuer d’être. Israël ne s’en sortira pas blanchi, même après sa campagne de relations publiques.

La veille de son départ, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’était entretenu avec Yad Vashem. « Le mal est dans le monde, » lui disait-il. « Le mal doit être éradiqué dans l’ ?uf. » Certains « tentent de nier la vérité ». Des grands mots, prononcés par la même personne qui, la veille seulement, pas vraiment dans la foulée, avait prononcé des paroles autrement différentes, des paroles du véritable mal, du mal qui devrait être étouffé dans l’oeuf, du mal qu’Israël essaie de cacher.

Netanyahu parlait d’une nouvelle « politique de migration », une politique qui est le mal en personne. Il mettait dans le même panier, avec malveillance, les travailleurs migrants et les infortunés réfugiés - avertissant que tous constituaient une menace pour Israël, feraient baisser nos salaires, nuiraient à notre sécurité, feraient de nous un pays du tiers-monde et nous apporteraient la drogue. Il soutenait avec zèle notre ministre raciste de l’Intérieur, Eli Yishai, qui, lui, parlait des migrants comme de propagateurs de maladies telles que l’hépatite, la tuberculose, le sida et Dieu sait quoi encore.

Aucun discours sur l’Holocauste n’effacera ces mots d’incitation et de calomnie contre les migrants. Aucun discours de commémoration ne masquera la xénophobie qui a redressé la tête en Israël, et pas seulement à l’extrême droite comme en Europe, mais dans tout le gouvernement.

Nous avons un Premier ministre qui parle du mal mais qui érige une barrière pour empêcher les réfugiés de guerre de frapper à la porte d’Israël. Un Premier ministre qui parle du mal mais qui prend part au crime du blocus de Gaza, aujourd’hui dans sa quatrième année, abandonnant un million et demi de personnes dans des conditions scandaleuses. Un Premier ministre dont les colons de son pays perpétuent des pogroms contre des Palestiniens innocents avec le slogan « Price Tag » (le prix à payer), qui porte lui aussi une connotation historique atroce, mais contre lequel l’Etat ne fait pratiquement rien.

C’est le Premier ministre d’un Etat qui arrête des centaines de manifestants de gauche qui se battent contre les injustices de l’occupation et la guerre à Gaza, alors qu’il accorde des pardons en masse aux gens de droite qui ont manifesté contre le désengagement [de Gaza, en 2005]. Son discours d’hier, où Netanyahu assimile l’Iran fondamentaliste à l’Allemagne nazie, n’était rien de plus qu’une propagande à bon marché. S’exprimer ainsi est « dégradant pour l’Holocauste ». L’Iran n’est pas l’Allemagne, Ahmadinejad n’est pas Hitler, et les mettre sur le même pied n’est pas moins inexact que d’assimiler les soldats israéliens aux nazis.

L’Holocauste ne doit pas être oublié et il n’est pas nécessaire de le comparer à autre chose. Israël doit participer aux efforts pour qu’il reste une mémoire vivante, mais pour ce faire, Israël doit se présenter avec les mains propres, lavées du mal de leurs propres actes. Et Israël ne doit pas laisser soupçonner qu’il pourrait, avec cynisme, utiliser la mémoire de l’Holocauste pour masquer et brouiller d’autres choses. De façon très regrettable, ce n’est pas le cas.

Comme cela aurait été merveilleux si, pour cette Journée internationale de commémoration, Israël avait pris le temps de faire son auto-examen, de regarder au fond de lui-même, et s’il s’était demandé, par exemple, comment l’antisémitisme avait pu se redresser dans le monde, précisément l’année passée, l’année qui a suivi nos bombardements au phosphore blanc sur Gaza. Comme cela aurait été merveilleux si, pour cette Journée internationale de commémoration de l’Holocauste, Netanyahu avait annoncé une nouvelle politique, une politique pour intégrer les réfugiés au lieu de les expulser, ou pour lever le blocus de Gaza.

Un millier de discours contre l’antisémitisme n’éteindra pas le feu allumé par l’opération Plomb durci, des flammes qui menacent non seulement Israël mais l’ensemble du monde juif. Aussi longtemps que Gaza restera sous blocus et qu’Israël s’enfoncera dans sa xénophobie institutionnalisée, le discours sur l’Holocauste restera creux. Aussi longtemps que le mal sera rampant, ici, chez nous, ni le monde, ni nous-mêmes, serons capables d’accepter le sermon que nous adressons aux autres, même s’ils le méritent.

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28 janvier 2010 - Ha’aretz - traduction : JPP


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