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Monnaie humaine

mardi 8 décembre 2009 - 07h:16

Kieron Monks - The Electronic Intifada

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Israël semble à deux doigts de céder une avancée majeure à leurs plus farouches ennemis du Hamas, avec la libération prévue d’un millier de prisonniers. Comment faut-il l’interpréter ?

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Jusqu’à présent, la politique de l’OLP basée uniquement sur des négociations n’a permis la libération que d’un nombre très symbolique de prisonniers.

« Nous ne négocions pas avec les terroristes » est un refrain longtemps repris par les démocraties occidentales. En réalité, toutes les grandes puissances ont à un moment donné été forcées de discuter avec des combattants, depuis l’Irlande du Nord jusqu’à l’Irak. Aujourd’hui, Israël semble à deux doigts de céder à leurs plus farouches ennemis du Hamas une avancée majeure avec la libération possible d’un millier de prisonniers. Comment faut-il l’interpréter ?

Bien évidemment, Israël gardera environ 10 000 Palestiniens derrière les barreaux, un grand nombre s’y ajoutant chaque semaine. Néanmoins, une libération massive de prisonniers « durs », une concession jamais accordée ni au chef de l’Autorité palestinienne [de Ramallah], Mahmoud Abbas - dont le mandat de président a expiré en Janvier 2009 - ni à l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP], représenterait une rupture majeure par rapport à la politique qui a précédé.

En 2007 Israël a libéré 429 prisonniers, une initiative perçue comme un geste symbolique de soutien au président Abbas, la majorité de ces prisonniers purgeant de courtes peines pour des faits qu’Israël considère comme relativement mineurs. Depuis lors, Israël n’a fait preuve d’aucune inclination à relâcher sa poigne dans quelque domaine que ce soit.

La crédibilité d’Abbas a sombré dans le sillage de son comportement à l’égard du rapport Goldstone et pour son incapacité à limiter l’expansion des colonies, et il parait sur le point de démissionner. Sous sa direction, l’OLP a obstinément poursuivi une politique de négociation, plutôt que d’user de la force et de la menace, pour découvrir finalement que ses partenaires dans le processus de paix « ne prenaient pas leurs obligations au sérieux ».

Les échecs de M. Abbas, résultats de la politique du président américain Barack Obama, du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de leurs prédécesseurs, ont eu pour effet d’élargir le soutien dont dispose le Hamas. Il est en train de devenir rapidement le seul parti palestinien qu’Israël prenne au sérieux, pas par choix mais par obligation. Sous le gouvernement du Hamas, Gaza reste libre de points de contrôle et de colonies et est gérée selon des règles incontestées, d’une façon dont les autorités en Cisjordanie ne peuvent que rêver. S’il n’y avait pas eu les arrestations massives - soutenues par les Israéliens - de ses dirigeants en Cisjordanie, il est très probable que le Hamas y aurait pris le pouvoir également.

Les massacres commis par les Israéliens et le siège sur Gaza n’ont eu pour effet que de renforcer le leadership du Hamas ; l’opposition interne a été laminée et pour ceux qui ont voté massivement en leur faveur, les gens du Hamas sont la vraie voix de la résistance. Financièrement aidés, ils ont été capables de mettre en place progressivement un état de fait « à leur image islamique ». Ils disposent aussi de puissants alliés en Egypte qui les approvisionnent à travers le réseau de galeries souterraines et, surtout, offrent une cachette pour leur produit en or : le soldat israélien capturé.

Israël se voit de plus en plus dans l’obligation de faire des gestes de bonne volonté, comme l’ouverture des frontières pour permettre l’importation de 600 veaux pour la fête de l’Eid ainsi que de livres et d’aide humanitaire précédemment (et de façon criminelle) bloquée. Il existe aujourd’hui des lignes permanentes de communication entre Israël et les dits « terroristes » qui selon l’ancien premier ministre israélien Ehud Olmert « ne pourraient jamais être des partenaires. »

Que les cas du dirigeant du Front populaire pour la Libération de la Palestine, Ahmad Saadat, et du dirigeant du Fatah, Marwan Barghouti, soient discutés dans le cadre d’un échange de prisonniers est une reconnaissance du nouveau pouvoir du Hamas. Beaucoup de gens estiment que Barghouti emporterait facilement une élection présidentielle et qu’il serait capable de réconcilier les organisations concurrentes du Fatah et du Hamas. Si Israël était sérieux en disant vouloir un Etat palestinien stable et uni comme voisin, il y a longtemps que Marwan Barghouti aurait été libéré malgré les soit-disant « crimes » pour lesquels Israël l’a condamné.

Naturellement, les libérations envisagées de ces derniers et beaucoup d’autres « durs [de la résistance] » purgeant de longues peines pour des actes de violence, sont génératrices d’énormes controverses en Israël. Conscient du désastre potentiel du point de vue des relations publiques, le gouvernement n’a pas publié la liste des prisonniers en question, incitant ainsi à ce qu’une requête soit déposée par les proches des victimes devant la Haute Cour pour l’annulation d’une éventuelle décision. « Le gouvernement a décidé d’un accord [d’échange de prisonniers] à la dérobée », s’est plaint leur porte-parole Dan Sion et il est difficile de dire le contraire. Bien que Nétanyahou ait promis un débat public, selon toute vraisemblance le résultat sera défini à l’avance.

L’armée est déterminée à assurer par tous les moyens nécessaires le retour du soldat israélien capturé et si cela signifie transformer le mouvement Hamas en héros populaire, il semble que c’est le prix qu’ils soient prêts à payer. Pour l’OLP qui a perdu des années dans les discussions futiles, ce sera une pilule dure à avaler. Pour le monde, cela sera aussi un rappel que la force est la seule chose que les gouvernements israéliens comprennent.

* Kieron Monks est un journaliste indépendant de Londres, écrivant pour Ma’an News Agency, Palestine News Network et des publications en Europe.

4 décembre 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Naguib


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