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Liban : les réfugiés doutent encore de la reconstruction de Nahr al-Bared

dimanche 29 novembre 2009 - 06h:55

Ray Smith - IPS

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Plus de deux ans après la destruction de leur camp de réfugiés dans une guerre qui opposa l’armée libanaise et le groupe de militants islamistes, Fatah al-Islam, les réfugiés de Nahr al-Bared ont assisté, ce mercredi, au début de la reconstruction de leur camp. Cependant, s’ils sont soulagés, ils restent encore sceptiques.

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La reconstruction commence au camp de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared, au Liban.
Ray Smith/IPS

Créé en 1949, le camp de réfugiés de Nahr al-Bared, dans la région d’Akkar dans le nord du Liban, était devenu le foyer de plus de 30 000 résidents. Pendant l’été 2007, le camp a été complètement détruit lors des combats des Forces armées libanaises (FAL) contre une organisation de militants bien équipés, pour la plupart des non palestiniens, qui avaient pris possession du camp.

Durant les 15 semaines de guerre, une commission populaire locale s’est formée rapidement. Début 2008, elle a travaillé à l’élaboration d’un plan d’ensemble pour la reconstruction du camp, plan qui fut approuvé par le gouvernement libanais et par l’UNRWA (l’Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient).

L’enlèvement des gravats et les véritables travaux de reconstruction ont pourtant été reportés à plusieurs reprises. Au printemps 2009, la première pierre de la reconstruction de Nahr al-Bared a été posée avec des discours solennels, mais la zone nettoyée au bulldozer est restée telle quelle. Une nouvelle fois, cet été 2009, le chantier allait démarrer mais le dirigeant du Mouvement patriotique libre et ancien général, Michel Aoun, a bloqué la décision du gouvernement de reconstruire Nahr al-Bared et un moratoire de deux mois fut décidé par le Conseil d’Etat libanais qui a tout bloqué sur le terrain.

Aux premières heures de la matinée, ce 25 novembre, des officiels de l’UNRWA, des représentants de différents partis et organisations de la communauté palestinienne - dont des résidents déplacés de Nahr al-Bared -, entourés de soldats libanais, ont assisté et applaudi au versement du béton par un camion pour le coulage des fondations des premières maisons.

Mahmoud Eshtawi, père de deux enfants, a vécu ces derniers 18 mois dans une baraque en tôle de 18 m2 contiguë à Nahr al-Bared. Actuellement, son travail consiste seulement à conduire le bus du jardin d’enfants local deux fois par jour. Il se sent soulagé : « Nous avons vécu dans des conditions très difficiles dans nos baraques. Avec ce que je vois aujourd’hui, je me sens mieux et cela me fait espérer qu’ils vont reconstruire le camp. » Sa s ?ur Manal hoche la tête : « Je suis heureuse. Même si j’ignore combien de temps cela prendra, je peux espérer revenir chez moi. Revenir, c’est pour nous le plus important. »

Les différents retards au cours des deux dernières années ont provoqué un pessimisme général chez les réfugiés de Nahr al-Bared. « Depuis le début jusqu’à aujourd’hui, nous avons été confrontés à de nombreux obstacles et retards.  »

« Durant les deux ans et demi écoulés, nous aurions pu reconstruire le camp, » dit Abu Khaled Freji. Il travaille avec la Commission de reconstruction de Nahr al-Bared (CRNB) depuis sa création, pendant la guerre. Il explique que ces gens qui ont vécu dans des garages et des baraques ont eu souvent l’impression d’être trahis et qu’on leur mentait, ajoutant : « Aujourd’hui ce n’est qu’un début, rien de plus. Nous avons toujours balancé entre espoir et frustration. Vivant une situation très difficile et épuisante, je suis prudent avant de me laisser aller à une grande joie simplement parce qu’ils ont coulé un peu de béton aujourd’hui. »

L’accès à la périphérie de Nahr al-Bared ainsi qu’au site du chantier est toujours sous contrôle des FAL.

Amr Saededine, un journaliste qui suit de près les évolutions à Nahr al-Bared, parle des FAL comme d’un obstacle important pour le processus de reconstruction. « L’armée se mêle de tout. Nahr al-Bared a été déclaré zone militaire. Mais c’est une zone civile, pas une base militaire ! »

Saededine dit que les FAL ont demandé maintes et maintes fois des modifications du plan d’ensemble de reconstruction. « Au début, l’armée ne voulait pas de maisons avec des balcons, par exemple. Elle a demandé aussi que les rues soient suffisamment larges pour laisser passer ses chars d’assaut.  »

Le financement de la reconstruction de Nahr al-Bared reste encore une question posée. Pour le moment, l’UNRWA n’a pu trouver que le tiers des 328 millions de dollars nécessaires. La semaine dernière, des représentants d’une dizaine d’organisations donatrices sont venus à Nahr al-Bared. Les officiels de l’UNRWA avaient récemment exprimé leur optimisme pour le début de la reconstruction, et la formation du nouveau gouvernement libanais va attirer de nouveaux fonds.

Conséquence du siège du camp par les FAL et de la destruction de ses entreprises, le chômage s’est considérablement développé dans Nahr al-Bared.

Mercredi, beaucoup de jeunes hommes ont repris espoir. Mohammad Eshtawi a passé ces deux dernières années surtout à boire du café et à ne rien faire, avec de rares occasions de travail et de gagner quelque argent. Son état d’esprit s’est transformé en un optimisme prudent. « Nous avons attendu le début des travaux de reconstructions pendant longtemps. J’espère que beaucoup d’entre nous vont trouver du travail dans la reconstruction, » dit Eshtawi. « C’est un chantier de longue de durée. J’espère pour moi et pour mon père qu’on trouvera du travail ici. »


Ray Smith travaille avec le collectif de médias autonomes, « A-films » qui a informé sur les développements à Nahr al-Bared tout au long des deux ans et demi passés.

Lire sur le camp de Nahr al-Bared :

- Liban : désespoir, choc et mécontentement au sein de la population appauvrie de Nahr al-Bared - IRIN
- Le camp de Nahr el-Bared : entre colère et amertume - Cirepal
- Quelle victoire à Nahr Al-Bared ? - Alain Gresh - Le Monde diplomatique
- Nahr el-Bared : aux premières loges pour le bain de sang - Robert Fisk - The Independent
- Dans l’enfer de Nahr el-Bared - Pierre Beaudet - Alterative International
- A qui profite le siège de Nahr el-Bared ? - Marina da Silva - Le Monde diplomtique
- Nahr el-Bared va tomber après deux mois de siège - Alain Camipiotti - Le Temps
- Palestiniens chassés de Nahr Al-Bared par la guerre - Mouna Naïm - Le Monde

Nahr al-Bared, Liban, 25 novembre 2009 - IPS - traduction : JPP


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