16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Vous êtes ici : Accueil > Dossiers > Palestine > Analyses

La médecine du docteur Fayyad

dimanche 22 novembre 2009 - 08h:20

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Les Palestiniens se méfient de la proposition de Salam Fayyad de déclarer un état palestinien dans les deux ans à venir, écrit Saleh Al-Naami.

Autant le public palestinien qu’israélien ont considéré avec grand intérêt le projet du premier ministre palestinien [de Ramallah] Salam Fayyad d’une déclaration unilatérale d’un Etat palestinien dans les deux ans à venir, et un autre projet par l’ancien ministre israélien de la défense Shaul Mofaz, le numéro deux du parti israélien Kadima [en dehors du gouvernement], de suggérer la création d’un Etat palestinien « temporaire » sur 40 % de la Cisjordanie, à l’exclusion de Jérusalem occupée.

Le négociateur en chef pour l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP], Saeb Erekat, a été jusqu’à dire que l’Autorité palestinienne [AP de Ramallah] soumettrait son cas au Conseil de sécurité des Nations unies pour la reconnaissance de l’état à venir. En réponse, le président israélien Shimon Peres et le premier ministre Benyamin Nétanyahou ont mis en garde contre toute démarche unilatérale par l’Autorité palestinienne, menaçant une réaction également unilatérale de leur part.

La proposition de M. Fayyad a entraîné une réaction de colère israélienne mais a aussi été confronté à un rejet général de la part des Palestiniens qui y voient « une formule pour le maintien de l’occupation ».

Les objections ne viennent pas que du Hamas et du Jihad Islamique, mais aussi de la plupart des organisations de l’OLP et des intellectuels palestiniens qui critiquent vivement la proposition en estimant que celle-ci va dans le sens des objectifs israéliens. Le coup le plus sévère est venu du Fatah lui-même. Dans une récente réunion du Conseil révolutionnaire du mouvement, plusieurs membres ont ouvertement accusé Fayyad d’avoir fomenté u« une révolution blanche, sans effusion de sang » en dévoilant son plan sans consultation préalable avec le Fatah. Il est même question que l’ex-président palestinien Mahmoud Abbas demande à Fayyad de démissionner.

De nombreux observateurs palestiniens tirer des parallèles entre le projet de Fayyad et l’initiative de Mofaz, décrivant les condamnations par M. Peres et Netanyahu comme « un leurre pour faire apparaître ce plan comme une énorme concession de Tel Aviv quand il sera finalement avalisé ».

Fayyad propose également le lancement immédiat de projets visant à mettre sur pied les institutions d’un Etat palestinien, pour que celles-ci soient prêtes d’ici la date limite pour la proclamation. Ce que les Palestiniens trouvent suspect, cependant, est le fait que Fayyad coordonne toujours ses initiatives avec l’administration américaine et l’envoyé du quartet Tony Blair. Il y a eu des fuites provenant de sources palestiniennes et américaines, ce qui signifie que la proposition fait partie d’un plan que le président américain Barack Obama va annoncer comme étant sa vision pour mettre fin au conflit.

Les opposants critiquent sur plusieurs points le plan Fayyad. Par exemple, les factions de l’OLP - dont le Fatah - affirment qu’il n’est pas dans les pouvoirs de Fayyad de déclarer l’Etat, puisque c’est le privilège exclusif de l’OLP auquel Fayyad n’appartient même pas. Khaled Mansour, un écrivain et intellectuel palestinien, a noté que le plan de Fayyad propose de créer un Etat palestinien dans les frontières de 1967, sans préciser si cela comprend toutes les terres occupées en 1967.

Mansour se demande également si la proposition n’est ouverte à un changement concernant les frontières. Un autre point d’achoppement pour de nombreux Palestiniens et ce qui concerne le droit au retour des réfugiés palestiniens. « Le plan ne lie pas directement le droit au retour aux objectifs nationaux », a déclaré Mansour. « Parfois, il se réfère à la fin de l’occupation, à l’autodétermination, à la création d’un Etat, mais sans mentionner le droit au retour comme un objectif national qui doit être imposé. »

Mansour ajoute que la proposition ne précise pas la façon de gérer les engagements et les accords signés entre l’OLP et Israël. Selon Mansour, ce que suggère Fayyad est que l’Autorité palestinienne respecte tous ses engagements, que le côté israélien respecte ou non les siens, ce qui renverse le principe de la réciprocité.

Mansour note aussi que les accords signés par l’OLP et Israël sont un obstacle à l’application du plan parce que l’Accord d’Oslo II a divisé la Cisjordanie en trois zones : la zone A qui comprend les grandes villes et municipalités qui forment 3% de la Cisjordanie et sont sous contrôle palestinien [soit-disant] total ; la zone B qui comprend les villes et villages situés dans les zones rurales et qui représente 27% de la Cisjordanie, où les affaires civiles seraient sous contrôle palestinien, tandis qu’Israël a conservé le contrôle de la zone C qui comprend 70% de la Cisjordanie et est sous responsabilité civile et militaire israélienne.

Mansour estime que le maintien des divisions en place signifie que Fayyad ne serait pas en mesure de construire l’infrastructure d’un Etat palestinien sans la permission d’Israël. Cela signifie qu’Israël aura le dernier mot sur la forme de cet Etat. « Quelles sont les garanties que Fayyad restera au pouvoir pour les deux prochaines années ? Que faire si les élections ou la réconciliation nationale place quelqu’un d’autre au pouvoir ? » interroge Mansour. « Aussi, qu’en est-il des garanties internationales qu’Israël ne va pas démolir cette infrastructure une fois qu’elle sera édifiée ? »

De nombreux Palestiniens reprochent au plan de ne pas faire référence à la lutte nationale, à l’exception d’une référence isolée que beaucoup par ailleurs estime comme diminuant le rôle de cette lutte en tant que base pour la libération et l’indépendance. Le schéma de Fayyad se réfère également à la protection des citoyens palestiniens par l’Etat potentiel, mais cela soulève la question de savoir qui va protéger les Palestiniens de l’occupation et des agressions des colons.

Les observateurs palestiniens estiment que l’opacité de la proposition de M. Fayyad pourrait la rendre compatible avec le plan de Mofaz qui affirme que Jérusalem restera la capitale unique et éternelle d’Israël. L’initiative israélienne propose aussi l’annexion de la vallée du Jourdain, qui représente 20% de la Cisjordanie, et le regroupement des colonies en Cisjordanie.

Dans le même temps, la proposition de Mofaz interdit toute souveraineté à l’Etat palestinien, comme le droit de s’armer ou de disposer d’une force militaire à ses frontières avec les États voisins, alors que l’armée israélienne va maintenir sa seule présence aux frontières. Dans le même temps, le plan israélien refuse à l’Etat palestinien le droit de définir librement ses relations extérieures.

Selon Hani El-Masri, un écrivain palestinien de premier plan, l’intérêt personnel est l’une des principales motivations à l’origine du plan de Fayyad. « L’ambition politique est ce qui fait s’activer Fayyad, » affirme El-Masri. « Il veut être le président de la Palestine. Il parle et agit au-delà de son autorité en tant que premier ministre et plus comme un président ». El-Masri interprète la réponse de Fayyad aux discours de Netanyahou et d’Obama, ainsi que son plan pour la création d’un Etat, comme étant plutôt « les prérogatives du président et du comité exécutif. »

El-Masri prévient que, au mieux, le projet de Fayyad, permettra d’améliorer les conditions de l’occupation mais sans y mettre fin, et le compare au plan de Netanyahu basé sur la « paix économique ». Il ajoute que Fayyad évite les questions au c ?ur de la cause palestinienne. « Où est le budget pour affronter la judaïsation de Jérusalem ? » demanda El-Masri. « Pourquoi ne pas boycotter les produits fabriqués dans les colonies israéliennes ? Pourquoi ne pas lancer une campagne internationale pour faire condamner les crimes d’Israël ? » Il estime en outre que le plan de Fayyad est voué à l’échec, notant que « l’occupant ne permettra pas à Fayyad de créer de facto un État ».

La méfiance vis-à-vis du plan de Fayyad est encore aggravée par le fait qu’il ne répond pas à la position actuelle des États-Unis - telle qu’exprimée récemment par la secrétaire d’État Hillary Clinton - selon quoi un gel de la colonisation n’est pas une condition sine qua non pour la relance de négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne. Les observateurs estiment que Fayyad ignore également l’extension des colonies, ce qui soulève encore plus de soupçons sur la nature de l’Etat qu’il propose. Beaucoup affirment que c’est le même Etat « temporaire » que celui que Mofaz propose. Pendant ce temps, d’autres encore se demandent combien de colons de plus iront s’établir en Cisjordanie d’ici deux ans.

Une autre pomme de discorde est que Fayyad insiste en disant que sa proposition est basée sur la feuille de route, lquelle stipule que le premier engagement des Palestiniens est de continuer à coordonner la sécurité avec Israël et à éradiquer la résistance palestinienne.

Ceci soulève l’inquiétude parmi les Palestiniens que le projet de Fayyad ne soit rien de plus qu’une recette pour neutraliser la cause nationale palestinienne, en présentant une alternative à la libération de la terre grâce à une nouvelle formulation de l’idée d’auto-administration rejetée par les Palestiniens dans le passé.

Ils voient aussi ce plan comme une tromperie car il exploite des slogans se référant à un « Etat ». Une autre préoccupation est que la proposition de M. Fayyad a aussi pour objectif de réorganiser les priorités dans les objectifs palestiniens, faisant de l’amélioration des conditions de vie quelque chose de plus important que la libération nationale.

Sur le même thème :

- Les Bantoustans et la déclaration unilatérale d’indépendance - 21 novembre 2009

Du même auteur :

- Abbas au pied du mur - 16 novembre 2009
- Israël ... L’armée sous la domination des religieux - 14 novembre 2009
- Retour à la case départ - 28 juin 2009
- Double vision ? - 23 mai 2009
- Entre guerre et Intifada - 28 avril 2009
- Pourparlers inter-palestiniens : il reste peu d’espoir - 24 avril 2009
- Dehors malgré le froid - 4 mars 2009

19 novembre 2009 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/973...
Traduction : Nazem


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.