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C’est Peres le petit homme, pas Goldstone

mardi 17 novembre 2009 - 06h:19

Gideon Levy
Ha’aretz

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Le président Shimon Peres considère Richard Goldstone comme « un petit homme, dépourvu de tout sens de la justice, un technocrate sans réelle intelligence de la philosophie du droit ».

Pareil pour toi, avions-nous l’habitude de répondre quand nous étions gamins. Effectivement, il est incroyable de constater à quel point ces remarques cruelles décrivent avec justesse Peres lui-même, un petit homme, dépourvu de tout sens de la justice.

Un président qui critique de façon aussi cinglante un juriste de renommée internationale, un haut représentant des Nations-Unies, dévoile ainsi surtout son propre caractère. Les attaques contre Goldstone ont dégénéré : elles sont devenues personnelles et n’ont plus de retenue. Et quand elles sont proférées par le président lors d’une réunion avec son estimé homologue brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, pas moins, cela montre que nous nous égarons complètement. Peres fulminait en notre nom à tous. Ce n’est pas seulement une question de bienséance personnelle, où Peres excelle normalement. Il s’agit de l’image d’un pays dont le citoyen numéro Un parle aussi grossièrement d’un émissaire mondial. C’est une « mission de relations publiques » de Peres que tout le monde ici est en train d’applaudir.

Goldstone a déjà remporté un succès impressionnant : nous allons maintenant devoir y réfléchir à deux, voire à trois fois avant de lancer les soldats israéliens dans des agressions de violence telle que l’opération Plomb durci. Son rapport va résonner aux oreilles des politiciens et des généraux avant qu’ils ne donnent l’ordre d’y aller. Peut-être la brutalité n’est-elle pas terminée car ce n’est pas un adieu aux armes, mais il y aura plus de réflexions et de retenues. Sans nous l’avouer, Goldstone est devenu le promoteur d’un nouveau code moral de Tsahal.

Israël devrait lui en être reconnaissant. Contrairement au président, les Forces de défense israéliennes ont pris le rapport Goldstone un peu plus au sérieux : la semaine dernière, un avocat général de l’armée a ordonné une enquête sur 12 incidents du rapport. Après tout, même en se basant sur les chiffres largement minimisés des FDI, près d’un tiers des personnes tuées dans Gaza étaient d’innocents civils. En outre, les FDI ne peuvent nier les bombardements de minoteries, d’élevages de poulets, de réseaux d’eau et d’eaux usées, de postes de police, d’une école et d’un hôpital. Goldstone nous dit tout là-dessus. La demande de créer une commission d’enquête à la suite du rapport n’a été formulée que grâce à Goldstone. Le sens de la justice du président, en revanche, ne l’a même pas amené à demander une enquête sur les incidents que les FDI ont reconnus.

Dans la course à « lequel est le plus grand », Peres se retrouve à la seconde place, loin derrière. Peres a dénigré le sens de la justice et la compréhension de la philosophie du droit de l’ancien juge de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, président du conseil d’administration de l’Institut des Droits de l’homme d’Afrique du Sud, procureur général de la Cour pénale internationale des Nations-Unies pour l’ancienne Yougoslavie et le Rwanda, membre de la commission d’enquête sur les activités nazies en Argentine et président de la commission d’enquête indépendante internationale sur le Kosovo. Cette critique contre Goldstone, qui vient d’un homme qui n’a jamais ouvert la bouche pour condamner les violations des droits humains dans son propre pays, porte l’audace israélienne à de nouveaux sommets. Autre prouesse regrettable : le président a demandé une enquête sur Goldstone.

Le sens de la justice de Peres, qui parcourt le monde comme un homme d’Etat chevronné et un homme de paix international, est certainement, et de loin, bien moins développé que celui de Goldstone. Goldstone a fait ses preuves. Pas Peres. Lui se tait. Il s’est toujours tu. Peres ne sait pas ce qu’il s’est passé réellement à Gaza. Goldstone y est allé et a interrogé près de 200 témoins. Il peut avoir, ou ne pas avoir, exagéré un peu dans son rapport, mais le silence de Peres sur ce qu’il s’est passé est beaucoup plus honteux.

Peres est notre visage superbe, et trompeur. Doté de la faculté de duper, celui qui fut l’un des fondateurs du mouvement colonial s’est transformé en Mr Paix d’Israël. Il parcourt le monde, provocant l’admiration pour son endurance physique, répandant de vaines promesses et des slogans creux. Il demande au président palestinien Mahmoud Abbas de ne pas démissionner, alors qu’il sait que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a aidé à sa démission par son attitude de refus. Il demande à Bashar Assad de venir à la table de négociation, sachant que le président syrien implore pratiquement la paix. Et un appel du président Peres au Premier ministre Netanyahu pour qu’il gèle la colonisation ou réponde au défi syrien ? Bien sûr que non. Cela pourrait mettre certains en colère. Peres ne prêche la morale qu’au monde entier. Un petit homme ? Si c’est Peres qui le dit.

Du même auteur :

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15 novembre 2009 - Ha’aretz - traduction : JPP


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