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Abbas et le rapport Goldstone : notre honte est totale

mercredi 11 novembre 2009 - 07h:13

Ramzy Baroud

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Abbas représente une culture, et cette culture est égoïste, égocentrique et totalement corrompue, écrit Ramzy Baroud.

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Abbas, un système ["l’industrie du processus de paix"] et un aboutissement [la sous-traitance de l’occupation pour le compte des Israéliens]

Alors que les bombes israéliennes tombaient sur la bande de Gaza au cours la guerre unilatérale entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009, des millions de personnes dans le monde sont descendues dans les rues, avec un sentiment de révolte unanime et sans compromis. Le niveau de barbarie atteint dans cette guerre lancée contre une nation pauvre, sans défense et physiquement prise au piège, a uni les gens de toutes origines et de toutes religions. Mais parmi tous ceux qui paraissaient rester sans réaction, les plus froids étaient sans aucun doute les responsables palestiniens en Cisjordanie.

Mahmoud Habbash, le ministre palestinien des affaires sociales n’est que l’une de ces personnes. Ses apparitions sur Al Jazeera au cours de ces journées terribles étaient nombreuses. Sur une moitié de l’écran il y avait des cris, des enfants défigurés, des femmes mutilées et des équipes de secours creusant dans le noir pour rechercher les cadavres, parfois de familles entières. Sur l’autre moitié de l’écran était Habbash, crachant ses insultes politiques à ses rivaux du Hamas dans Gaza, répétant le même message inlassablement repris par ses collègues israéliens. Chaque fois que son visage apparaissait sur l’écran, j’ai grincé des dents. Chacune de ses vociférations dépourvues de toute retenue a renforcé mon sentiment de honte. De honte, peut-être, mais jamais de doute. Ceux qui comprennent comment les accords d’Oslo de septembre 1993 se sont transformés en une culture qui détruit le tissu même de la société palestinienne, peuvent pleinement apprécier le comportement de l’Autorité palestinienne [AP) en Cisjordanie pendant la guerre de Gaza, avant celle-ci et aujourd’hui.

Mais surtout aujourd’hui.

Ceux qui espéraient que les atrocités israéliennes dans la bande de Gaza pouvaient raviver un sentiment de remords dans les élites égoïstes de Ramallah, ont certainement été déçus lorsque l’AP a retiré son projet de résolution appuyant les recommandations formulées par le juge sud-africain Richard Goldstone. Le rapport Goldstone est jusqu’à aujourd’hui l’enquête la plus complète et la plus transparente sur ce qui s’est passé à Gaza au cours des 23 jours de guerre. Ce rapport a dénoncé la terreur israélienne et s’en est pris aux Palestiniens également. Mais l’accent mis sur Israël occupe indéniablement une grande partie des près de 600 pages du rapport. L’étape suivante consistait en une décision du Conseil pour les Droits de l’Homme de transmettre le rapport pour examen au Conseil de sécurité des Nations Unies, afin d’étudier un possible renvoi du dossier devant la Cour Pénale Internationale [CPI] de La Haye. Une telle mesure aurait été historique. Connaissant les implications d’une telle possibilité, le Hamas avait accepté les recommandations du rapport dans son intégralité. Israël, soutenu par son allié traditionnel américain, a rejeté le rapport, répandant toutes sortes d’accusations et d’insultes sur le juge juif mondialement connu.

Le projet de résolution - condamnant Israël et demandant la communication du rapport au Conseil de sécurité - était soumis au vote du Conseil le 2 Octobre. Hélas, il a été retiré à la demande de l’Autorité palestinienne et de son président Mahmoud Abbas lui-même. Les amis des Palestiniens et leurs alliés au CDH ont été choqués, mais obligés [d’accepter la décision]. Ils étaient tout aussi déçus de constater que les représentants de l’AP discutaient de la question non pas avec les alliés asiatiques, africains ou autres alliés traditionnels dans le Conseil, mais avec des diplomates américains et européens qui semblaient avoir une plus grande emprise sur l’attitude politique palestinienne que ceux qui ont à chaque occasion et depuis des décennies soutenu les droits des Palestiniens.

Quelque chose a horriblement mal tourné. Comment un dirigeant d’une nation sous occupation et soumis à une telle souffrance, peut-il commettre une telle « erreur » qui a pour effet de reporter un vote et une discussion sur un rapport relatif à la mort de plus de 1 400 personnes, de mutilations et de blessures infligées à des milliers d’autres, à une date ultérieure d’au moins 6 mois à compter d’aujourd’hui ?

Des théories apparaissent. Les médias israéliens et d’autres ont fait valoir que les pressions américaines sur l’AP du président Mahmoud Abbas ont été la raison principale à l’origine de cette volte-face supposée inattendue. La raison aurait été qu’un vote positif sur la résolution mettrait en péril le « processus de paix », et que par conséquent toute action devait être étouffée dans l’eouf pour donner une chance à ce « processus de paix ».

Amira Hass du journal Haaretz a expliqué de son côté : « La soumission chronique est toujours expliquée par un désir de ?faire des progrès’. Mais pour l’OLP et le Fatah, le progrès est la persistance même de l’Autorité palestinienne qui fonctionne aujourd’hui plus que jamais comme une sous-traitante de l’armée israélienne, du Shin Bet [services israéliens de renseignement] et de l’administration civile. »

Jonathan Cook est cependant d’un autre avis : « Israël a averti qu’il serait revenu sur son engagement d’allouer les fréquences radio nécessaires à Wataniya, un fournisseur de téléphonie mobile, afin de commencer à être opérationnel ce mois-ci en Cisjordanie. L’industrie des télécommunications est le fondement de l’économie palestinienne, avec la compagnie monopolistique actuelle, PalTel, comptant pour la moitié de la valeur de la bourse palestinienne. »

« Pas de sang pour des téléphones mobiles », devrait peut-être le nouveau slogan en Palestine.

Mais c’est cette triste réalité qui a retenu la volonté palestinienne en otage depuis trop d’années. Toutefois, ce ne sont pas seulement les intérêts des entreprises de téléphonie mobile qui l’emportent sur l’agonie de Gaza. En effet, la culture post-Oslo a imprégné une classe d’entrepreneurs. Ce sont des hommes d’affaires qui sont fonctionnaires de haut rang dans l’AP et du Fatah, ou les deux à la fois, ou qui y sont étroitement liées. Une grande partie des milliards de dollars d’aide internationale qui affluent en Palestine depuis la signature des accords d’Oslo a atterri sur des comptes bancaires privés. La richesse produit encore plus de richesse pour des sociétés « d’exportation et d’importation » qui poussent comme de la mauvaise herbe au milieu de la misère des camps de réfugiés dans les territoires occupés. Cette classe d’hommes d’affaires qui se posent encore comme révolutionnaires, a empiété sur tous les aspects de la société palestinienne, l’a exploitée, contrôlée, et finalement étouffée. Elle incarne une corruption indicible, et elle a naturellement trouvé un allié en Israël dont la main-mise sur les territoires occupés n’a jamais cessé.

L’AP est devenue soumise non pas par crainte de la colère israélienne en soi, mais par crainte qu’une telle colère ne vienne perturber ses affaires, les flux d’aide ainsi que les contrats. Et puisque la corruption n’est pas limitée par des frontières géographiques, les responsables de l’AP à l’étranger ont répandu cette honte au niveau international. Des millions de personnes ont défilé aux États-Unis, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et dans le reste du monde, criant des slogans pour Gaza et ses victimes, alors que certains ambassadeurs de l’AP n’ont même pas réussi à y participer. Lorsque certains de ces diplomates se sont rendus à des débats publics, c’était dans le but d’attaquer sans vergogne nos frères palestiniens du Hamas, et non pas de rallier la solidarité internationale avec leur propre peuple.

Critiquer les pressions américaines pour expliquer la décision d’Abbas à l’UNHRC ne suffit plus. Même l’appel pour que ce leader palestinien vieux de 74 ans démissionne est tout aussi creux. Abbas représente une culture, et cette culture est égoïste, égocentrique et totalement corrompue. Si Abbas s’en va, et compte tenu de son âge, il le fera bientôt, Mohammed Dahlan pourrait être le prochain chef, ou même Mahmoud Habbash qui appelait Gaza à se rebeller contre le Hamas alors qu’Israël faisait exploser de tous côtés les maisons et les écoles palestiniennes.

Les Palestiniens qui réclament aujourd’hui des changements à la suite de l’épisode [du 2 octobre] aux Nations Unies, doivent tenir compte de la culture d’Oslo dans son intégralité, ses millionnaires « révolutionnaire », ses élites et ses entrepreneurs. Une alternative pratique à toute cette corruption doit être rapidement trouvée. Le mur israélien continu d’empiéter sur les villes et villages palestiniens en Cisjordanie, et une nouvelle guerre risque d’être lancée sur Gaza assiégée. Le temps est compté, et notre honte à tous est à la limite.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est écrivain et publie pour PalestineChronicle. Ses écrits sont publiés par de nombreux journaux, quotidiens et anthologies à travers le monde. Son dernier livre : La Seconde Intifada : une chronique du combat du peuple (Pluto Press, Londres) et son prochain : Mon Père était un combattant de la liberté : l’histoire non dite de Gaza (Pluto Press, London).

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12 octobre 2009 - Communiqué par l’auteur
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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