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Pourquoi j’ai interrompu Olmert à Chicago

mardi 27 octobre 2009 - 07h:05

Ali Abunimah
The Electronic Intifada

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Quand moi et d’autres nous nous sommes confrontés avec Olmert, nous avons défendu la liberté universitaire, les droits humains et la justice, spécialement pour des centaines de milliers d’étudiants privés de ces mêmes droits par les actes d’Olmert.

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Manifestation sous la pluie devant l’amphithéâtre de l’université de Chicago où les militants ont perturbé le discours d’Olmert, le 15 octobre.




Si l’ex-Premier ministre israélien Ehud Olmert avait été seulement un diplomate ou un universitaire exposant un point de vue controversé, alors le chahut pendant son intervention, le 15 octobre, à l’université Mandel Hall de Chicago, aurait pu passer pour une tentative de d’étouffer le débat (Noah Moskowitz, Merredyth Richards et Lee Solomon, L’importance d’un dialogue ouvert, Chicago Maroon, 19 octobre 2009). De fait, j’ai connu les mêmes tentatives lors de ma propre intervention à Mandel Hall en janvier dernier, avec le Pr John Mearsheimer et Norman Finkelstein, où nous avons été interrompus constamment par des perturbateurs.

Mais se confronter à un dirigeant politique soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ne peut être vu de la même manière.

Le rapport de la Mission d’enquête des Nations unies sur le conflit de Gaza l’hiver dernier, mission présidée par le juge Richard Goldstone, a fait le constat qu’Israël s’était lancé dans une destruction délibérée, généralisée et gratuite des biens civils et des infrastructures, provoquant volontairement des souffrances à la population civile. Il estime « que les incidents et le déroulement des événements consignés dans le rapport sont le résultat d’une planification et de décisions politiques » et que beaucoup peuvent être considérés comme des « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ». Si la preuve en était rapportée, alors l’individu qui en porterait la première responsabilité serait Ehud Olmert, lequel, en tant que Premier ministre et haut commandant civil des forces armées d’Israël, a été impliqué dans pratiquement tous les aspects de la planification et de l’exécution.

Les meurtres de plus de 3 000 Palestiniens et Libanais durant les trois années de fonction d’Olmert au Cabinet n’entraînent pas une simple divergence d’opinion dont on pourrait débattre en envoyant une question polie, présélectionnée, rédigée sur une carte. Ce sont des crimes dont Olmert doit rendre compte devant le droit international et l’opinion publique.

Israël, contrairement au Hamas (également accusé de crimes de guerre par Goldstone), a totalement refusé de coopérer avec le Mission Goldstone. Au lieu d’être mis devant ses responsabilités, Olmert voyage, de façon obscène, dans tous les Etats-Unis, tentant de justifier ces crimes scandaleux, ramassant de confortables honoraires pour ses interventions, et honoré comme un « courageux » homme d’Etat.

Dans leur courriel du 20 octobre à l’université de la communauté de Chicago, le Président Robert Zimmer et le doyen Thomas Rosenbaum ont condamné les « perturbations » survenues durant l’intervention d’Olmert. « Tout étouffement du débat » écrivent-ils, « est contraire aux valeurs fondamentales de l’université de Chicago et à notre position ancienne de modèle de la liberté universitaire. »

Etait-ce dans le but de promouvoir le débat que l’université a insisté pour que les questions soient présélectionnées et qu’elle a interdit tout enregistrement par les étudiants et les médias ? Au nom de la promotion du débat, l’université va-t-elle maintenant inviter le dirigeant du Hamas, Khaled Meshal - ou peut-être par liaison vidéo - pour donner une conférence sur la direction du Hamas à ses étudiants, et lui offrir de bons honoraires ? Pouvons-nous nous attendre à ce que bientôt le Président du Soudan Omar Bashir soit appelé à Mandel Hall ?

Quand moi et d’autres nous nous sommes confrontés avec Olmert, nous avons défendu la liberté universitaire, les droits humains et la justice, spécialement pour des centaines de milliers d’étudiants privés de ces mêmes droits par les actes d’Olmert.

Durant l’agression d’Israël contre Gaza l’hiver dernier, des écoles et des universités ont été parmi les premières cibles. Selon le rapport Goldstone, les attaques de l’armée israélienne ont détruit ou endommagé au moins 280 écoles et jardins d’enfants. Au total, 164 élèves et 12 enseignants ont été tués, et 454 élèves et 5 enseignants blessés.

Après les bombardements, Olmert et Israël ont continué de s’en prendre à la liberté universitaire, empêchant le matériel scolaire d’arriver à Gaza. Les manuels, les cahiers, les fournitures de bureau et les ordinateurs font partie des objets interdits. En septembre, Chris Gunness, porte-parole de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a publiquement appelé Israël à lever ses interdictions sur les livres et autre fournitures pour qu’ils parviennent aux étudiants choqués de Gaza.

Israël a détruit des bâtiments dans l’université islamique et dans d’autres universités. D’après le rapport Goldstone, il s’agissait de « bâtiments civils, scolaires et la Mission n’a relevé aucun élément sur leur usage en tant que bâtiments militaires ou leur participation à l’effort militaire qui auraient pu en faire des cibles légitimes aux yeux des forces armées israéliennes. »

Les étudiants de l’université de Gaza - dont 60% sont des femmes - étudient les mêmes matières que les étudiants de l’université de Chicago. Leurs motivations, leurs aspirations et leurs capacités sont tout aussi élevées, mais leurs vies sont étouffées par une violence et un traumatisme inimaginables, et le blocus d’Israël, qui est lui-même un crime de guerre. Olmert est celui qui a ordonné ces actes et il doit en être tenu pour responsable.

Les crimes contre l’humanité sont définis comme « des crimes qui choquent la conscience ». Lorsque les institutions qui ont la responsabilité morale et juridique de punir et d’empêcher les crimes choisissent un silence complice - ou, pire, accueillent un présumé criminel de guerre, qui est déjà traduit devant la justice pour corruption dans son propre pays, et que ces institutions le présentent à leurs étudiants comme un modèle de « dirigeant » - alors la désobéissance, si c’est ce qu’il faut pour briser le silence, est un devoir moral. Au lieu de les condamner, l’université devrait être fière de ses étudiants qui ont eu le courage de se lever.

Pour la première fois dans l’histoire connue, un Premier ministre israélien a été publiquement confronté aux noms de ses victimes. C’est une fissure symbolique dans le mur de l’impunité et un avant-goût de la justice officielle que les victimes sont en droit d’attendre quand Olmert sera jugé par un tribunal.


Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006).

Cet article fut publié d’abord par le journal Chicago Maroon de l’université de Chicago qui a autorisé sa diffusion.

Du même auteur :

- Après le rapport Goldstone, le Hamas face à un choix décisif
- Abbas aide Israël à se laver les mains du sang versé à Gaza
- La faillite d’Obama et la lutte des Palestiniens
- Pourquoi le processus de paix d’Obama ne va toujours nulle part
- Le choix du Hamas à l’ère Obama : reconnaissance ou résistance ?

23 octobre 2009 - The Electronic Intifada - traduction : JPP - photos : Maureen Clare Murphy


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