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Sri Lanka : pas de répit pour la population tamoule

vendredi 9 octobre 2009 - 22h:17

Tony Birtley - Al Jazeera

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Les derniers développements de la guerre au Sri Lanka ont été soigneusement mis en scène et en réalité masqués aux yeux du monde extérieur, la peur et l’insécurité faisant taire les voix des victimes, écrit Tony Birtley.

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Après avoir fui la zone des derniers combats, en juillet dernier, toutes ces personnes se retrouvent aujourd’hui par centaines de milliers confinés dans des camps qui sont de véritables prisons à ciel ouvert - Photo : [EPA]

Il y a des allégations de crimes de guerre, de viols et tortures, d’exécutions sommaires et de bombardements prolongés par un gouvernement qui, si l’on en croit les organismes de défense des droits de l’homme, a massacré des milliers de ses propres citoyens civils.

Al Jazeera a réalisé sa propre enquête dans le conflit et a parlé avec les Tamoul qui ont souffert et avec les employés des organisations d’aide, restés silencieux jusqu’ici. Les témoignages révélés remettent en question la version des événements que le gouvernement du Sri Lanka veut faire croire au monde.

Après avoir supporté durant des mois des conditions effroyables dans les dernières phases de la guerre entre les militaires sri-lankais et les Tigres du mouvement de libération Eelam Tamil (LTTE), les souffrances n’ont pas cessé pour les Tamoul déplacés à cause des combats. Un mois après que le gouvernement ait déclaré sa victoire dans la guerre, les Tamouls continuent de vivre dans ce que le gouvernement appelle des camps « d’assistance sociale » mais que ceux qui sont critiques présentent comme les plus grandes prisons à ciel ouvert dans le monde.

Il est presque impossible pour les journalistes d’entrer dans les camps, excepté dans le cadre de visites strictement contrôlées par le gouvernement comme celle organisée en mai dernier pour Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies.

Mais ces visites ne montrent pas la réalité de la vie dans les camps.

Entassés dans des camps

Plus de 250 000 hommes, femmes et enfants sont entassés dans des conditions qualifiées de honteuses, avec jusqu’à 15 personnes vivant dans des tentes prévues pour cinq.
Contrairement au droit international, il n’y a aucune liberté de circulation pour ces déplacé, et aucune transparence dans les procédures d’enregistrement et d’interrogatoires.

Les normes en quantité d’eau, de nourriture et d’hygiène sont bien au-dessous de ce qu’elles devraient être et la moitié des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition.

Il y a des manifestations de maladies telles que l’hépatite A, la varicelle et les maladies de peau, et il y a des craintes que le choléra ne se développe.
Il y a déjà eu des protestations collectives dans certains des camps.

Menik, un des plus grands camps, était supposé contenir 100 000 déplacés mais ceux-ci y sont déjà au nombre de 180 000.

De déplorables conditions de vie

« Nous sommes maintenant dans des centres pour réfugiés et il n’y a pas d’eau potable, ni nourriture ni hygiène possible pour nous, » explique un réfugié Tamoul. « Depuis trois trois jours nous n’avons pas pu nous laver. Nous recevons seulement un repas par jour, la nuit. Nous vivons dans la saleté et il y a une mauvaise odeur répandue partout. »

Les réfugiés, qui sont sous la surveillance d’hommes armés, craignent de parler ouvertement par crainte des représailles. Même les employés d’organismes d’aide internationale ont peur.

« Les conditions de vie sont très mauvaises, les abris sont insatisfaisants, l’eau et l’hygiène sont aussi extrêmement insatisfaisantes, [les organismes d’aide] sont débordés par la demande, » dit un de ces employés.
« Et ce que tous ces camps ont en commun, ce sont que les IDP [personnes intérieurement déplacées] sont détenues dans ces camps entourés par du fil de fer barbelé et que personne n’est autorisé à sortir. Oui, je pense que j’appellerais ces camps des camps de prisonniers. »

Dénonciations d’abus

Il y a également de plus en plus de plaintes d’abus sexuels et physiques, impossibles à prouver de manière concluante sans enquête indépendante que le gouvernement [sri-lankais] refuse.

« Il y a des cas d’abus par l’armée, et dans certains cas des jeunes filles et des femmes sont devenues enceintes, » dit encore l’employé de l’association d’aide.

« Je ne pourrais pas dire qui étaient les coupables... il y a également du harcèlement et de mauvais comportement parmi les personnes déplacées, et en raison de toutes les frustrations ces incidents se développent, mais je pense que les incidents les plus sérieux sont le fait de l’armée. »

Le gouvernement rejette toutes ces allégations, prétendant avoir libéré les civils Tamoul de la tyrannie du LTTE [mouvement tamoul de libération nationale] et ajoutant que les accusations font partie d’une campagne de propagande.
« Un moment il était question de meurtres. D’autres fois il était question de massacres. Et maintenant on en est aux viols et autres abus sexuels, » affirme Rohita Bogollagama, ministre des affaires étrangères du Sri Lanka.
« Tout est fabriqué. Et au cas où de tels abus aient lieu, nous avons l’administration la plus disciplinée dans la façon dont elle prend soin en permanence des déplacés. Pourquoi cela apparaît-il maintenant ? Et présenté de cette manière ? Parce qu’ils veulent discréditer tout effort du gouvernement du Sri Lanka. »

Ceux qui critiquent le gouvernement ont peu de pouvoir ou d’influence.

L’ONU a voté contre la réalisation d’une enquête sur de possibles crimes de guerre, principalement parce que les pays tels que la Chine et la Russie qui ont soutenu le Sri Lanka dans la guerre étaient contre cette initiative.
Mais les laborieux démentis sur le fait que les militaires sri-lankais aient continuellement bombardé les soit-disant zones sûres pendant la guerre ne convainquent personne, particulièrement ceux qui disent les avoir subis.

Témoins survivants

Un homme qui était dans le secteur du conflit jusqu’au 16 mai — juste quelques jours avant la fin de la guerre --- dit savoir que les militaires sri-lankais les bombardaient pendant l’assaut final en dépit des affirmations de gouvernement que tous les civils étaient en dehors de la zone.

« Les séries de tirs venaient de l’armée sri-lankaise. Nous savons à coup sûr qu’il s’agissait d’eux en raison du bruit. Nous avions beaucoup de mal à nous déplacer et à nous sauver car il y avait des gens tués et étendus partout et nous avons marché sur les cadavres alors que nous courrions pour sauver nos vies. »

« Les gens sont morts dans des autobus, des abris ou des espaces ouverts lorsqu’ils étaient frappés par des bombes tombant dans les zones où ils étaient. Nous avons également vu des personnes abattues à bout portant par l’armée sri-lankaise. »

Le gouvernement sri-lankais refuse d’autoriser des observateurs neutres à voir la zone des combats, ce qui donne des arguments à ceux qui affirment qu’une opération de nettoyage est effectuée pour cacher l’évidence. John Holmes, responsable humanitaire de l’ONU, dit qu’il est de « la première responsabilité de n’importe quel gouvernement d’établir les responsabilités ».

« Si vous regardez le bilan du gouvernement sri-lankais... si vous regardez ses records d’impunité... comme un des premiers pays du monde dans le nombre élevé de disparitions, vous pourrez comprendre que nous voudrions que ceci soit une enquête internationale, et non pas nationale. »

Le monde se tait

L’ONU coopère avec le gouvernement sri-lankais pour l’établissement d’une cinquième zone à Menik, bien que selon ses propres critères les déplacées ne devraient pas être mis dans des camps de plus de 20 000 personnes. Des assurances ont été données par le gouvernement sri-lankais que 80% des civils pourront retourner à leurs maisons dans les 6 mois mais ceux qui sont critiques estiment que c’est un engagement très formel.

La construction d’une banque, d’un bureau de poste et de magasins amènent à penser que c’est le début d’une installation semi-permanente. Le gouvernement promet la paix et la réconciliation, un processus politique équitable et une vie « libérée de la tyrannie » pour les Tamouls.

Mais il y a la question de savoir qui tiendra le gouvernement responsable puisque les critiques et initiatives internationales ont jusqu’ici été dans le meilleur des cas insignifiantes.

Les gouvernements et les organismes d’aide sont restés silencieux pour toute une série de raisons et les personnes déplacées vivant dans les camps misérables du Sri Lanka ont payé le prix de ce silence.

6 juillet 2009 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/news/a...
Traduction : Claude Zurbach


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