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Les Nations Unies doivent immédiatement adopter le rapport Goldstone et appliquer ses recommandations

mardi 6 octobre 2009 - 16h:50

Omar Barghouti - BDS

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Dans ce contexte difficile pour Israël, une seule arme stratégique pouvait être tirée de son arsenal pour échapper à une écrasante défaite juridique et politique : l’Autorité palestinienne. Et il l’a employée en effet au bon moment, d’une façon mortelle, enterrant presque le rapport Goldstone, écrit Omar Barghouti.

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Le vote des nations Unies concernant le rapport sur la guerre à Gaza a été reporté à Mars 2010 [Photo : GALLO / GETTY]

La société civile palestinienne a fortement et quasiment unanimement condamné la dernière décision de l’Autorité palestinienne [AP] de retarder l’adoption par le Conseil de droits de l’homme de l’ONU du rapport établi par la mission d’enquête des Nations Unies, dirigée par le juge Richard Goldstone, sur la récente guerre d’agression israélienne contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza occupée. Une demande commune dans presque tous les communiqués palestiniens publiés à cet égard était que l’ONU adopte le rapport et agisse sans retard anormal conformément à ses recommandations afin de mettre un terme à l’impunité criminelle d’Israël en l’obligeant à rendre compte devant le droit international de ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Gaza et partout dans les territoires palestiniens sous occupation.

Succombant aux pressions américaine et au chantage israélien sans complexe, le président de l’AP lui-même était semble-t-il directement responsable de la décision de reporter la discussion au Conseil [des Droits de l’Homme] sur le rapport Goldstone, anéantissant les espoirs des Palestiniens aussi bien que des organisations de défense des droits de l’homme et les mouvements internationaux de solidarité, qu’Israël soit finalement soumis à une procédure légale qui n’a que trop tardé, et que ses victimes bénéficient d’une mesure de justice.

Cette décision prise par l’AP, qui a pour effet de retarder l’adoption du rapport au moins jusqu’en mars 2010 — tout en donnant à Israël une magnifique occasion de l’enterrer avec la complicité américaine, européenne, arabe et maintenant palestinienne — constitue le cas le plus flagrant jusqu’à aujourd’hui de la trahison des droits palestiniens par l’AP et de sa reddition devant les diktats israéliens.

Ce n’est cependant pas la première fois que l’AP agit contre les premiers intérêts du peuple palestinien, selon les ordres de Washington et les menaces de Tel Aviv. L’avis historique formulé par la Cour Internationale de Justice (CIJ) en juillet 2004 estimant illégaux le mur et les colonies israéliennes établis sur le territoire palestinien occupé avait représenté une rare occasion diplomatique, politique et légale pouvant être exploitée pour isoler l’Israël comme l’avait été l’Apartheid en Afrique du Sud après une décision semblable prise par la CIJ d’ICJ en 1971 contre son occupation de la Namibie. Hélas, l’AP l’a gaspillé et a systématiquement évité — et selon nos soupçons tout à fait volontairement — de faire appel aux gouvernements dans le monde pour qu’ils se conforment à leurs obligations mentionnées dans l’avis consultatif.

La clause complète sur Israël et les droits palestiniens qui devait être discutée à la récente conférence Durban de l’ONU à Genève a été abandonnée après que le représentant palestinien ait donné son feu vert. Des efforts venus des pays non-alignés et de l’ancien président de l’Assemblée Générale de l’ONU, le père Miguel d’Escoto Brockmann, poussant à une résolution des Nations Unies condamnant les crimes de guerre d’Israël à Gaza et à mettant en place un tribunal international, ont été contrecarrés principalement par l’ambassadeur palestinien aux Nations Unies, amenant plusieurs diplomates et experts de premier plan en matière de droit international à se demander de quel côté se situait le représentant palestinien officiel.

L’accord de libre-échange entre le Mercosur et Israël était sur le point d’être ratifié par le Brésil en septembre dernier après que l’ambassadeur palestinien [au Brésil] ait exprimé son approbation, invitant seulement le Brésil à exclure de l’accord les produits issus de la colonisation israélienne. Suite à la prompte réaction de venue des organisations palestiniennes et brésiliennes de la société civile et par la suite du comité de direction de l’OLP, cette ratification a été évitée et la commission parlementaire brésilien responsable de ce dossier a recommandé que le gouvernement s’abstienne d’approuver l’accord jusqu’à ce qu’Israël se soit conformé au droit international.

Dans tous ces cas comme dans beaucoup de semblables, les instructions données aux représentants palestiniens sont venues de Ramallah, où le gouvernement de l’AP s’est illégalement attribué la responsabilité qui est celle de l’OLP de diriger la diplomatie palestinienne et de définir la politique extérieure, cédant sur les droits des Palestiniens et agissant contre leurs intérêts nationaux, sans s’inquiéter de rendre compte devant les représentants élus du peuple palestinien.

Cette dernière complicité directe de l’AP avec la campagne d’Israël pour blanchir ses crimes et pour miner l’application du droit international pour punir ces mêmes crimes, s’est révélée quelques jours après que le gouvernement israélien d’extrême droite ait publiquement exercé un chantage sur l’AP, exigeant qu’elle retire son soutien au rapport Goldstone en échange « de l’autorisation » d’un deuxième fournisseur de communications pour téléphones mobiles dans le territoire palestinien sous occupation. L’AP mine donc les efforts importants fournis par des organismes de défense des droits de l’homme et par beaucoup de militants pour que justice soit rendue aux victimes palestiniennes du dernier massacre commis par Israël à Gaza : plus de 1400 tués (principalement des civils), des milliers de blessés, avec 1,5 million de personnes qui souffrent toujours de la destruction éhontée de l’infrastructure, des établissements éducatifs et de santé, des usines, des terres agricoles, des centrales électriques et autres équipements critiques, et du long et criminel siège israélien qui leur est imposé.

Ce n’est rien de moins qu’une trahison de l’efficace campagne de boycott, désinvestissement et pour les sanctions [BDS] contre Israël, menée par la société civile palestinienne, avec ses progrès et succès récents et remarquables dans des compagnies occidentales de premier plan et parmi d’importants syndicats.

C’est également une trahison du mouvement mondial de solidarité qui a travaillé inlassablement et de façon créative, principalement dans le cadre de la rapide campagne de promotion du BDS, pour en finir avec l’impunité d’Israël et pour faire respecter les universels droits de l’homme.

Il est crucial de se souvenir que l’AP ne dispose d’aucun mandat légal ou démocratique pour parler au nom du peuple de Palestine ou pour représenter les Palestiniens aux Nations Unies ou dans aucune de ses agences et institutions. Le gouvernement actuel de l’AP n’a jamais obtenu la nécessaire approbation constitutionnelle de la part du Conseil Législatif Palestinien démocratiquement élu. Même si elle avait obtenu un tel mandat, au mieux elle représenterait seulement les Palestiniens vivant sous l’occupation militaire israélienne en Cisjordanie et à Gaza, à l’exclusion de la grande majorité du peuple de Palestine et particulierement des réfugiés.

Seule l’Organisation pour la Libération de la Palestine [OLP] peut théoriquement prétendre représenter l’intégralité du peuple palestinien : à l’intérieur de la Palestine historique et en exil. Pour qu’une telle prétention soit justifiée et partout et universellement acceptée par les Palestinians, l’ OLP doit être renouvelée à partir de ses bases, dans un processus transparent et démocratique qui fasse participer les Palestiniens partout dans le monde et implique tous les partis politiques qui sont en dehors des structures de l’OLP aujourd’hui.

Parallèlement à cette restauration démocratique ou retour vers l’OLP par le peuple et ses syndicats et organisations, l’AP doit être démantelée de façon responsable et graduelle, avec ses pouvoirs actuels, en particulier ses représentations aux Nations Unies et dans toute autre institution régionale ou internationale, les restituant à qui ces représentations appartiennent, au vrai représentant de tout le peuple de Palestine, l’OLP restauré et démocratisé. Cette dissolution de l’AP doit cependant à tout moment éviter de créer un vide légal et politique, car l’histoire prouve que les puissances hégémoniques sont souvent les plus susceptibles de combler un tel vide au détriment des opprimés.

Depuis sa mise en place il y a 15 ans comme simple sous-traitant — souvent impuissant, obséquieux et sous contrainte — du régime d’occupation israélienne, libérant les occupants de leurs plus encombrantes fonctions civiles, comme la fourniture de services et la perception de l’impôt et, de façon plus cruciale, l’aidant très efficacement à assurer la sécurité de son armée d’occupation et de ses colons, le fait est que l’AP a été graduellement et irréversiblement transformée en collaboratrice zélée représentant la principale arme stratégique d’Israël pour empêcher son isolement et sa perte croissante de légitimité sur la scène mondiale comme pouvoir colonial et état ségrégationniste.

Les centaines d’armes nucléaires israéliennes et sa 4e armée au monde ont montré leur impuissance ou au moins leur inutilité face au mouvement croissant de BDS, en particulier après les actes de génocide commis par Israël à Gaza. L’appui diplomatique, politique, économique et scientifique presque illimité qu’Israël reçoit des Etats-Unis et des gouvernements européens, comme son impunité inégalée, ne le protègent pas du sombre destin qu’a connu l’Apartheid en Afrique du Sud.

Même avant la guerre d’Israël contre Gaza, beaucoup de syndicats dans le monde s’étaient joints à la campagne BDS, du Canada à l’Afrique du Sud, et du Royaume-Uni et de la Norvège au Brésil. Mais après Gaza, les quatre années de préparation et de promotion de la campagne BDS, le choc au niveau international à la vue des douches mortelles de phosphore blanc répandu par Israël sur les enfants de Gaza recroquevillés dans des abris des Nations Unies, et le sentiment universel que l’ordre international a été incapable d’obliger Israël à rendre compte ou même simplement à stopper ses tueries de civils, sans parler de sa campagne permanente de nettoyage ethnique en Cisjordanie occupée et en particulier à Jérusalem-est, cette campagne BDS est entrée dans une nouvelle phase beaucoup plus avancée. Elle a finalement atteint sa pleine puissance.

En février, quelques semaines après la fin du massacre israélien dans Gaza, le syndicat sud-africain « Transport and Allied Workers Union » (SATAWU) a fait l’histoire quand il a refusé de décharger un bateau israélien à Durban. En avril, le « Scottish Trade Union Congress » a suivi l’exemple de la fédération sud-africaine, la COSATU, et du « Irish Congress of Trade Unions » en reprenant la campagne BDS contre Israël pour imposer que celui-ci se conforme au droit international. En mai, la « University and College Union (UCU) », représentant environ 120 000 universitaires britanniques, a réitéré son soutien renouvelé chaque année du boycott contre l’Israël, appelant à l’organisation d’une conférence intersyndicale pour le BDS à la fin de cette année afin de discuter de stratégies efficaces pour mettre en application le boycott.

Plus récemment, en septembre, le fonds de pension de retraite du gouvernement norvégien, le troisième en importance dans le monde, s’est dégagé d’un fournisseur militaire israélien d’équipements destinés au mur illégal construit en violation de la décision de la CIJ. Peu de temps après, un ministère espagnol a exclu de la participation à un appel d’offres, une équipe universitaire israélienne représentant une institution illégalement construite sur la terre palestinienne occupée. En septembre également, le « British Trades Union Congress », représentant plus de 6,5 millions de travailleurs, a adopté le principe du boycott, écrivant un nouveau chapitre dans la campagne du BDS qui rappelle aux observateurs les prémisses de la fin du régime d’Apartheid en Afrique du Sud. Selon des indicateurs concrets, persistants et de plus en plus nombreux, les Palestiniens sont les témoins de l’arrivée de leur « moment de l’Afrique du Sud. »

Au milieu de tout cela arrive le rapport Goldstone, fournissant tout à fait étonnement — étant donné les liens forts du juge avec Israël et le sionisme — la paille qui pourrait bien briser le dos du chameau, à savoir des évidences irréfutables, méticuleusement étudiées et documentées de la décision délibérée d’Israël de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. En dépit de ses points faibles évidents, ce rapport a placé Israël devant la perspective inquiétante et pas complètement improbable d’être traduit devant un tribunal international, un développement qui en terminerait avec l’impunité d’Israël et ouvrirait la possibilité d’imposer enfin la justice internationale sur ses crimes et violations persistantes du droit international. Dans ce contexte difficile pour Israël, une seule arme stratégique pouvait être tirée de son arsenal pour échapper à une écrasante défaite juridique et politique : l’Autorité palestinienne. Et il l’a employée en effet au bon moment, d’une façon mortelle, enterrant presque le rapport Goldstone.

Finalement, l’incapacité du Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies d’adopter le rapport Goldstone est une autre preuve, si nécessaire, que les Palestiniens ne peuvent pas espérer obtenir justice dans ce moment historique de la part de la soi-disante « communauté internationale » contrôlée par les Etats-Unis. Seule une campagne de la société civile pour le boycott et le désinvestissement, intensifiée, soutenue et sensible au contexte, peut donner l’espoir qu’Israël soit un jour obligé d’en finir avec son mépris illégal et criminel des droits de l’homme et reconnaisse le droit palestinien inaliénable à l’autodétermination. Ce droit, comme cela est exprimé par la grande majorité du peuple palestinien, implique la fin de l’occupation, la fin du système légalisé et institutionalisé de discrimination raciale, ou Apartheid, et la reconnaissance du droit fondamental et sanctionné par les Nations Unies pour les réfugiés de Palestine de retourner à leurs maisons d’origine, comme tous les autres réfugiés autour du monde dont les réfugiés juifs de la deuxième guerre mondiale.

Mais nous ne pouvons pas nous permettre d’abandonner les Nations Unies. Les organisations de défense des droits de l’homme et la société civile internationale doivent continuer à soutenir la lutte palestinienne en poussant les Nations Unies, au moins son Assemblée Générale, à adopter le rapport Goldstone et à agir à tous les niveaux selon ses recommandations. Si les Nations Unies s’avèrent incapables de cela, ce serait un message sans ambiguïté envoyé à Israël selon quoi son impunité demeure intacte et que la communauté internationale restera les bras croisés la prochaine fois qu’Israël commettra des crimes encore bien pires contre les habitants de la Palestine. Ceci affaiblirait gravement le rôle de la justice et favoriserait à sa place la loi de la jungle, où plus personne ne sera protégé contre le chaos et le carnage sans retenue.

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Omar Barghouti

* Omar Barghouti appartient à cette nouvelle génération d’intellectuels Palestiniens qui n’ont jamais adhéré à la solution « Deux peuples, deux États » et qui appellent au boycott, au désinvestissement, et à des sanctions à l’égard d’Israël.

5 octobre 2009 - Transmis par l’auteur
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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