Les manuels scolaires ne sont plus qu’un rêve
mercredi 30 septembre 2009 - 06h:18
Mel Frykberg
GAZA, 17 septembre (IPS) - la pénurie chronique de fournitures scolaires et le terrible surpeuplement des salles de classe handicapent le système éducatif de Gaza alors que des dizaines de milliers d’enfants commencent une nouvelle année scolaire.
La fermeture hermétique de la Bande par Israël dans le cadre de son blocus contre le Hamas a bloqué l’entrée de la plupart des fournitures en papier, manuels, cahiers, cartouches d’encre, papeterie, uniformes scolaires, cartables d’écoliers, et ordinateurs y compris leurs pièces de rechange.
« Dans le cadre de son système éducatif, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) diffuse le respect universel des Droits du Homme, de la coexistence pacifique et de la tolérance dans une atmosphère qui depuis le blocus est devenue de plus en plus désespérée et radicalisée, » dit le porte-parole de l’UNRWA , Chris Gunness.
« La meilleure manière pour Israël de nous empêcher de diffuser ce message aux 200.000 enfants de Gaza fréquentant nos écoles est de bloquer l’envoi des fournitures éducatives, » a dit Gunness à l’IPS.
« Pendant nos camps d’été des mois de juillet /août nous avons pu faire entrer toutes sortes de fournitures scolaires et en conséquence les camps ont fonctionné sans problèmes. Mais maintenant, les autorités israéliennes limitent à nouveau l’arrivée de matériel éducatif. La psychologie du blocus prête à confusion. Il s’agit de l’instruction de nos enfants. »
Jala Halayil, 15 ans, en dixième année à l’école secondaire d’Ahmed Shawki dans le voisinage de Rimal à Gaza, est perdue elle aussi.
« Pourquoi nous refuse-t-on l’éducation et la possibilité d’étudier, ainsi que la capacité de gagner notre vie à l’avenir ? En quoi ceci menace-t-il la sécurité d’Israël ? Je n’ai pas de cahiers, et les quelques manuels que j’ai servent aussi de cahiers. Je dois compter beaucoup sur ma mémoire. »
Mai Adali, directrice d’école, a montré à l’IPS les rapports qu’elle écrit sur le verso de feuilles déjà utilisées. « Les étudiants ne peuvent pas faire de photocopies et ils ne peuvent pas imprimer car nous n’avons pas de cartouches d’encre » a ajouté Adali, « les manuels que nous employons sont périmés. »
Les uniformes scolaires sont un autre grave problème. « Quelques étudiants sont trop embarrassés pour venir à l’école parce qu’ils n’ont pas d’uniformes à cause de la pénurie de tissu à Gaza, » a dit à l’IPS Nadia Kishawi, professeure d’anglais. « D’autres n’ont pas les moyens d’acheter le peu de tissu disponible. »
Le ministère de l’éducation de Gaza permet maintenant à davantage d’enfants de fréquenter l’école sans payer d’inscription.
A cause des coupures d’électricité et du manque de carburant dû à l’embargo d’Israël, il est difficile d’étudier la nuit. « Parfois je dois étudier le soir, mais je ne peux pas parce qu’il n’y a pas de lumière, » dit Nadia Daoud, camarade de classe de Halayil.
« Parfois quand nous entendons les avions israéliens nous survoler, nous craignons qu’ils ne viennent nous bombarder encore et c’est dur d’étudier, » a dit Daoud à l’IPS. « Contrairement au reste du monde, nous n’avons pas à Gaza de cinémas ou de mails ou d’autres formes de divertissement ni d’endroits où nous détendre. »
« Les résultats scolaires à Gaza ont également été affectés par la malnutrition très répandue, notamment par l’anémie et l’arrêt de la croissance, aussi bien que par les nombreux syndromes de stress post-traumatique, (SSPT) » a dit à l’IPS, Basil Kanua, assistant de subsistance et de sécurité alimentaire pour Oxfam à Gaza, .
Kishawi a dit que beaucoup de ses élèves étaient devenus antisociaux et agressifs comme suite à l’Operation Plomb durci, nom de code donné par Israël au bombardement intensif de Gaza pendant trois semaines en janvier.
Les salles de classe de Gaza sont maintenant terriblement surpeuplées, et comptent souvent jusqu’à jusqu’à 40 élèves, voire plus.
Ceci a forcé la plupart des écoles de l’UNWRA et de l’Etat à organiser un double, et parfois un triple horaire pour les enfants - 56 pour cent du 1,5 millions d’habitants de Gaza ont moins de 18 ans.
L’infrastructure éducative déjà surchargée de Gaza a été encore dégradée pendant la guerre avec le bombardement des écoles. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) signale que 18 écoles ont été complètement détruites et 280 ont été endommagés.
L’école américaine de Gaza a été une des victimes. C’était un centre de tranquillité et d’étude avant la guerre, doté d’un équipement sportif, d’une bibliothèque et d’autres équipements de loisirs - ce qui était rare à Gaza. Aujourd’hui, tout ce qui reste est un tas de gravats et il y a peu de chances que l’école ouvre à nouveau dans un avenir proche.
Pour réparer les seuls dégâts de « Plomb durci » il faudrait 25.000 tonnes de fer et 40.000 tonnes de ciment. L’interdiction de l’entrée de matériaux de construction imposée par le blocus a empêché la reconstruction ou la remise en état et l’expansion des écoles, » indique le rapport de l’OCHA du mois d’août.
Selon le ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur de Gaza, 105 nouvelles écoles doivent être construites pour accueillir le corps étudiant en expansion. Jusqu’ici, Israël n’a autorisé que quelques camions de matériaux de construction à entrer à Gaza.
Même si beaucoup d’étudiants gazaouis réussissent à surmonter les obstacles qu’ils connaissent pour terminer leur instruction, la poursuite de leur éducation à l’étranger reste extrêmement difficile.
« En plus de la pénurie d’équipements, le blocus a eu un impact négatif sur la capacité des étudiants à poursuivre leurs études universitaires à l’étranger. En 2008, 70 étudiants seulement sont sortis de Gaza en passant par Erez entre juillet et septembre, laissant des centaines d’étudiants pris au piège car les autorités israéliennes ont exigé qu’ils soient escortés par un diplomate, » dit l’OCHA.
Néanmoins, Halayil et Daoud restent déterminés et décidés à terminer leur éducation. « Nous sommes forts, nous surmonterons cette situation, et nous obtiendrons une éducation d’une façon ou d’une autre pour pouvoir aider notre peuple et notre communauté, » dit Daoud.
« Je veux étudier à l’université pour devenir journaliste quand je quitterai l’école afin de rendre compte au monde de nos souffrances et de ce que nous avons subi, » dit Halayil à l’IPS.
17 septembre 2009 - IPSNEws - Cet article peut être consulté ici :
http://www.ipsnews.net/news.asp?idn...
Traduction : Anne-Marie Goossens