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La faillite d’Obama et la lutte des Palestiniens

dimanche 27 septembre 2009 - 05h:59

Ali Abunimah

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D’une certaine façon, ce qu’il faut retenir de la réunion de New York, c’est sa totale insignifiance. La vraie lutte pour la justice poursuit son chemin sans y prêter la moindre attention, écrit Ali Abunimah.

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Netanyahu (à g.) et Abbas (à d.), se prêtent à une reprise tout à fait kitsch et très pénible de la fameuse poignée de main de 1993 entre Arafat et Rabin - Photo : MaanImages

Il y a une vieille plaisanterie au sujet d’un homme qui cherche longuement quelque chose sous un réverbère. Finalement, un voisin qui l’observe lui demande ce qu’il cherche. L’homme répond qu’il a perdu ses clefs. Le voisin lui demande s’il les a perdues sous le réverbère. « Non, » répond l’homme, pointant vers l’obscurité, « je les ai perdues là-bas, mais je regarde ici parce qu’ici il y a la lumière ! »

L’attention qui se focalise sur le « processus de paix » est une recherche pareillement futile. Ce n’est pas parce que les politiciens et les médias pointent constamment la lumière sur le processus que c’est là que l’on trouvera les réponses.

La réunion - accueillie par le Président Barack Obama des USA - à laquelle participaient le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu et le dirigeant du Fatah, Mahmoud Abbas, à l’hôtel Waldorf Astoria de New York, le 22 septembre, a signalé l’échec complet et final de l’effort tellement vanté d’Obama pour concrétiser la solution des deux Etats au conflit Palestine/ Israël.

Bien sûr, toutes les activités traditionnelles associées au « processus de paix » — diplomatie de la navette, réunions, invocations rituelles de « deux Etats vivant côte à côte, » et même « négociations » — se poursuivront peut-être pendant le reste du mandat d’Obama. Mais cette comédie stérile ne déterminera pas l’avenir de la Palestine/Israël. Celui-ci est déjà décidé par d’autres moyens.

Avant d’en venir à cela, rappelons les jours grisants du mois de mai où la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a présenté la ferme politique de l’administration d’Obama sur la colonisation israélienne de la Cisjordanie : « Nous voulons voir l’arrêt de la construction de colonies — adjonctions, croissance normale, tout type de colonisation - et c’est ce que le Président a réclamé. »

L’envoyé d’Obama, l’ancien sénateur George Mitchell, s’est rendu dans la région une douzaine de fois pour convaincre Israël de geler la colonisation. Chaque proposition qu’il a présentée a été rejetée par les Israéliens. Et afin d’insister sur ce point, le gouvernement israélien a accéléré l’approbation de nouveaux plans majeurs de colonisation. Au lieu de menaces devant une telle intransigeance, Mitchell a simplement atténué les conditions américaines pour prendre en compte les objections israéliennes à tel point qu’il ne reste finalement pas grand-chose des demandes des USA - ou de leur crédibilité.

C’est ainsi que lors de ses remarques à New York, Obama a ramené son appel pour un gel total des constructions à une demande polie invitant simplement Israël « à se retenir » de dévorer plus de terres palestiniennes.

Parlant aux journalistes après la réunion de New York, Mitchell a abandonné la demande d’un gel des colonies et a rendu la reddition des USA officielle. « Nous n’identifions aucune question comme une condition préalable ou un obstacle à la négociation, » a dit Mitchell, ajoutant, « nous ne croyons pas aux conditions préalables. Nous ne les imposons pas et nous invitons d’autres à ne pas les imposer. »

C’est évidemment complètement faux. L’administration Obama, comme l’administration Bush avant elle, continue à boycotter le Hamas (qui a un mandat électoral légitime pour représenter les Palestiniens sous occupation) parce que le Hamas a refusé les conditions préalables unilatérales des USA !

Le lendemain, dans son discours devant l’ONU, Obama a répété l’appel à des négociations sans conditions préalables. Il n’a pas expliqué pourquoi de telles négociations seraient plus fructueuses que les quelque 200 sessions de négociations précédentes qui ont eu lieu entre l’AP et le gouvernement israélien sous la direction d’Ehud Olmert. Obama a peut-être dit à l’ONU que le processus de paix doit « casser les vieux modèles, » mais il ne fait que les répéter.

La réunion de New York a produit encore une autre image d’un Président étasunien persuadant les dirigeants israéliens et palestiniens réticents de se serrer la main, une reprise kitsch et pénible de la célèbre poignée de mains sur la pelouse de la Maison- Blanche en 1993 entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin - avec le Président Clinton comme spectateur - poignée de mains qui a scellé les infortunés Accords d’Oslo. Mécontente des échecs qu’elle a essuyés jusqu’ici, il semblerait que l’administration Obama en redemande. Elle vise une reprise des « négociations » dans les semaines à venir, qui seraient inaugurées par ce qu’un fonctionnaire US a appelé un « événement de lancement. » Les idées à l’étude, a dit le fonctionnaire anonyme des USA au quotidien israélien Haaretz, incluent « une réunion à Sharm Al-Sheikh en Egypte. »

Que tel soit le niveau de réflexion au sein de l’administration Obama est tout à fait déprimant. J’imagine — comme tant de fois auparavant — une autre réunion dans la station égyptienne à laquelle assisteront tous les suspects habituels : les dirigeants israéliens et palestiniens (excepté naturellement le Hamas), les chefs « modérés » des régimes répressifs clients des USA, comme le Roi Abdallah de Jordanie et le Président égyptien Hosni Mubarak, ainsi que toute la meute des parasites du processus de paix menée par le représentant du quartette, Tony Blair, et le « Haut Représentant » de l’UE, Javier Solana. Nous pouvons nous attendre à d’autres déclarations selon lesquelles il y a une « fenêtre d’opportunité », que c’est la seule option et que le temps commence à manquer.

Comme si ceci n’était pas déjà assez absurde, considérez ce que les USA disent vraiment aux Palestiniens à la suite de l’échec de Mitchell : « Nous, la plus grande superpuissance sur terre, ne pouvons pas convaincre Israël — qui dépend de nous militairement, économiquement et diplomatiquement — de se conformer ne fût ce qu’à un gel provisoire de la colonisation. Mais, vous Palestiniens, qui êtes un peuple dépossédé, occupé, dont les dirigeants ne peuvent pas se déplacer sans un laissez-passer israélien, allez et négociez sur des questions beaucoup plus importantes comme les frontières, les réfugiés, Jérusalem et les colonies, et débrouillez-vous mieux que nous ne l’avons fait. Bonne chance. »

Même en imaginant qu’Israël ait accepté un gel des implantations et que les négociations reprennent, il n’existe aucune chance qu’une solution viable à deux États ou n’importe quelle solution équitable sorte de ces pourparlers. Donc, comme celles qui l’ont précédée, cette administration cherche à substituer un processus et quelques astuces à un réel contenu.

Si le « processus de paix » ne détermine pas les événements, qu’est-ce qui le fait ? La colonisation israélienne - comme Obama l’a initialement compris - est le principal facteur qui détermine le présent et l’avenir de la Palestine/Israël. Le géographe et ancien adjoint au maire israélien de Jérusalem, Meron Benvenisti, a observé que l’occupation par Israël de la Cisjordanie et la bande de Gaza en 1967 avait effectivement mis fin à la partition de 1948. « Les décennies qui ont suivi la guerre ont prouvé que 1967 n’est pas un accident, mais bien au contraire, une unification, et que la période qui a précédé n’était que temporaire, » a écrit Benvenisti en 2007.

Benvenisti considère qu’après 40 ans, « le paradigme occupants/occupés » est trop limité et trompeur pour décrire la réalité d’après 1967. C’est, écrit-il, un anachronisme « qui se cache derrière l’apparence d’une condition temporaire. » Il propose qu’à la place nous appelions la situation en Palestine/Israël, un Etat binational de fait ... parce qu’il décrit la dépendance mutuelle des deux sociétés, par des liens physiques, économiques, symboliques et culturels qui ne peuvent être rompus, sauf à un coût insupportable. »

La répartition de la Palestine changerait seulement la forme du conflit, sans le résoudre. Même si un Etat était donné aux Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, un ultra-nationaliste et non réformé « état juif » israélien retournerait son agressivité et ses plans de nettoyage ethnique contre ses propres 1,5 million de citoyens palestiniens qui vivent en paix. Et le ministre israélien des affaires étrangères Avigdor Lieberman, a demandé à plusieurs reprises quel était l’intérêt d’une solution de deux-états qui n’ait pas pour résultat un Etat exclusivement juif ?

Les frontières de 1967 peuvent avoir une prépondérance légale et politique, mais elles ne délimitent pas des unités géopolitques géographiquement compactes, éthniquement homogènes et économiquement indépendantes. Salam Fayyad, Premier Ministre de l’Autorité palestinienne [AP] de Ramallah peut exhiber ses fantasmes au sujet de la création d’un état palestinien « de fait » en Cisjordanie, mais la collaboration étroite entre Israël et l’AP confirme uniquement cette tendance vers le bi-nationalisme — de la mauvaise façon, c’est certain.

N’est-il pas ironique que les partisans les plus enthousiastes de cette répugnante collaboration - entre l’armée israélienne d’occupation et les milices de l’AP entraînées par les Etats-Unis - qui a pour but de supprimer la résistance à l’occupation, insistent de concert sur le fait qu’il serait invraisemblable que les Palestiniens et les Israéliens établissent une société commune dans des conditions d’égalité ? Apparemment les Palestiniens et les Israéliens peuvent s’entendre pour consolider l’oppression et l’injustice, mais pour pas les dépasser !

Un deuxième facteur déterminant le présent et le futur est la résistance sous toutes ses formes que la colonisation israélienne continue de produire : le mouvement des Palestiniens en Israël pour la pleine égalité dans un Etat pour tous ses citoyens - l’immuable persévérance des réfugiés qu’Israël ne pas laisse pas rentrer chez eux juste parce qu’ils sont de la mauvaise religion - le refus des Palestiniens dans Gaza de céder face à un blocus paralysant.

Durant le Ramadan, des centaines de milliers de Palestiniens ont jeûné et ont enduré des difficultés incroyables pour briser le cercle d’acier installé par Israël autour de Jérusalem, et pouvoir entrer dans la ville occupée pour les prières du vendredi à la mosquée Al-Aqsa.

Cet esprit de résistance s’exprime par des millions d’actes et refus quotidiens de tous les Palestiniens, mais également par des voies bien dirigées, productrices et organisées telles que les manifestations hebdomadaires contre le mur israélien d’Apartheid en Cisjordanie, ou la campagne internationale en pleine expansion, dirigée par les Palestiniens pour le boycott d’Israël, le désinvestissement et les sanctions (BDS).

Ces formes de résistance et de solidarité organisées changent l’équilibre des forces sur le plan moral et politique et peuvent potentiellement forcer les juifs israéliens à abandonner leur recherche de la purification ethnico-religieuse et de la domination comme l’ont fait les Afrikaners en Afrique du Sud, les Unionistes en Irlande du Nord et les Américains blancs au sud des Etats-Unis. Ils sont secoués par les appels de plus en plus puissants pour que des comptes soient rendus au niveau international, le plus récent étant la demande, dans les recommandations du rapport Goldstone, que les dirigeants israéliens soient poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza.

La complicité officielle avec les crimes d’Israël — comme la décision ignoble de l’administration d’Obama d’attaquer et vouloir annuler le rapport Goldstone - ne peut que stimuler encore plus le soutien à la campagne BDS. Ces ressources sont comparativement encore faibles face à la force militaire et diplomatique d’Israël, mais leur élan ne cesse d’augmenter et la crainte des dirigeants israéliens confrontés à ce défi est déjà palpable.

Depuis des années, les demandes venant d’intellectuels, de militants pour une étude sérieuse et un débat sur un Etat unique garantissant les droits de tous ceux qui y vivent, ont été ignorés ou ridiculisés par des défenseurs de la solution pourtant en échec de deux-Etats. Mais l’appel de plus en plus puissant pour une vision qui inspire et attire les individus en raison de son universalisme, terrifie les hauts prêtres de la séparation. L’industrie du processus de paix, ses cercles de pensée et ses « experts, » comprennent qu’ils ne peuvent plus monopoliser la discussion. La paix ne sera pas faite à l’hôtel Waldorf Astoria à Manhattan ; elle sera gagnée partout où les gens de conscience seront disposés à se joindre à la lutte pour la libération, la justice et l’égalité pour tous ceux qui vivent en Palestine/Israël.

D’une certaine façon, ce qu’il faut retenir de la réunion de New York, c’est sa totale insignifiance. La vraie lutte pour la justice poursuit son chemin sans y prêter la moindre attention.

* Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de « One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse » (Metropolitan Books, 2006). Cette analyse est initialement parue au Palestine Center.

Du même auteur :

- Pourquoi le processus de paix d’Obama ne va toujours nulle part - 9 août 2009
- Le choix du Hamas à l’ère Obama : reconnaissance ou résistance ? - 14 juillet 2009
- Un media idéal pour un peuple sans Etat - 10 mars 2009
- Israël fait un écart vers le fascisme - 17 février 2009
- Pourquoi Israël ne survivra pas - 22 janvier 2009
- Les massacres dans Gaza doivent nous faire agir - 30 décembre 2009

24 septembre 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Anne-Marie Goossens & Claude Zurbach


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