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"La lune et le blé", une comédie musicale palestinienne

lundi 14 septembre 2009 - 09h:42

Marie Medina - BabelMed

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« La lune qui éclaire ces champs, tu la verras chaque soir et chaque soir, elle te dira à qui appartient cette terre ! »

L’action de Qamar wa Sanabel se déroule dans les années 1970 dans un camp de réfugiés palestiniens où se nouent des histoires d’amour et de résistance, des querelles de voisinage et des affrontements politiques. Au milieu de cette agitation évolue une bienveillante grand-mère qui met son grain de sel partout. Ce personnage attachant donne au spectacle des allures de fable populaire. Ce que cette comédie musicale raconte, c’est l’histoire et la vie d’un peuple qui a été privé de pays mais qui continue de danser.

Il danse notamment aux mariages, comme à celui de Sanabel et Younès, les deux jeunes amoureux du spectacle. A un détail près : ce n’est pas exactement leur mariage. Le couple a célébré ses noces en secret car le marié est recherché par Israël. Lors de la fête de mariage, où tout le camp est convié, c’est un ami de Younès qui joue le rôle de l’époux.

Cette idée, le scénariste l’a empruntée à un couple de sa connaissance, qui a réussi à berner les Israéliens - mais aussi tout son village - pendant 17 ans ! Ce n’est que lorsque le mari légitime a été arrêté que l’épouse, qui ne réussissait pas à cacher sa tristesse, a finalement révélé la supercherie à ses voisins.

Sur scène comme dans la vie, le mariage est bien évidemment l’occasion d’une dabké, la danse folklorique palestinienne. Les interprètes dansent d’un même élan ; lorsqu’ils bondissent, ils semblent puiser leur énergie dans le sol, dans cette terre qui leur a été volée et à laquelle ils demeurent attachés.

Le chorégraphe Mohammad Khatab Abu Ata, par ailleurs directeur de la troupe Wishah, nourrissait l’idée de ce spectacle depuis des années.

Pour écrire le scénario, il s’est beaucoup inspiré de sa grand-mère et en particulier d’un moment marquant que, petit, il a partagé avec elle. Un jour, comme il le lui demandait depuis longtemps, elle l’a emmené visiter son village natal, près de Jérusalem. Le hameau palestinien, à flanc de colline, avait été détruit lors de la création de l’Etat d’Israël en 1948 et une colonie s’élevait déjà au sommet de la butte.

« Nous avons commencé à gravir la colline, ma grand-mère me disait où se trouvaient l’école, la mosquée, les maisons », a raconté Mohammad Ata à BabelMed. « Moi, je ne voyais rien. Mais au bout d’un moment, j’ai compris qu’elle voyait tout dans sa tête ». Le petit garçon se trouvait avec sa grand-mère sur le terrain familial lorsque, poursuit-il, des enfants de la colonie voisine ont commencé à leur jeter des pierres. La vieille femme a alors interpellé un adulte qui se tenait à proximité. Elle l’a immédiatement reconnu car c’était un ancien voisin juif, dont la famille vivait en Palestine bien avant la création de l’Etat hébreu. Elle l’a donc appelé par son nom.

- Vous me connaissez ? s’est étonné l’homme.
- Oui, je vous connais et je connais votre père. Dites aux enfants à qui appartient cette terre, l’a-t-elle prié.

Des décennies après, Mohammad Ata se souvient encore du mutisme de l’homme : « Il a refusé de répondre ».

Dans le spectacle, ce silence s’est mué en un flot de paroles que la grand-mère déverse sur son ancien voisin : « La lune qui éclaire ces champs, tu la verras chaque soir et chaque soir, elle te dira à qui appartient cette terre ! »

La vieillarde ne réserve pas ses sermons aux Israéliens. Lorsque les Palestiniens du camp se déchirent - comme le font toujours actuellement le Fatah et le Hamas -, elle narre l’histoire du paysan dont un champ est infesté de souris. Pour s’en débarrasser, il place les rongeurs dans un sac puis il secoue le sac. Chaque animal croit alors que c’est son semblable qui l’attaque.

S’il s’est inspiré de sa grand-mère, Mohammad Ata assure ne pas en avoir fait un portrait fidèle : « Je parle de toutes les mères et de toutes les grand-mères de Palestine ». Comment sont-elles ? A la fois « dures et gentilles, généreuses et sages ».

Le chorégraphe, qui avait cofondé en 1979 El Funoun, l’une des troupes de dabké palestinienne les plus respectées, a créé Wishah en 2003. Son but était de « faire monter le folklore sur scène sans lui faire perdre son caractère unique ». Après un premier spectacle intitulé « Raqs », il a monté Qamar wa Sanabel. « C’est une nouvelle expérience pour moi. Je rêve d’un théâtre dansé. Ca donne un plus grand espace pour s’exprimer et raconter ses histoires, ses rêves... »

14 septembre 2009 - BabelMed


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