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Ce pourrait être notre Bab Al Hara

mercredi 16 septembre 2009 - 05h:06

Joharah Baker

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Cela m’a fait vibrer les cordes sensibles comme rien d’autre n’aurait pu le faire. Nous avons vu tant de nos jeunes hommes mourir aux mains de notre occupant, des jeunes hommes dans la fleur de l’âge avec un tel amour ardent de leur pays qu’ils ont tout sacrifié pour lui.




Tous les soirs, à dix heures, pendant le Ramadan, les télévisions sont mises sur MBC1 pour la quatrième saison de Bab Al Hara (la Porte du Quartier). Apparemment, la série est populaire dans tout le monde arabe, mais en Palestine, sa popularité atteint des sommets. Pour nous, ce n’est pas seulement un divertissement, c’est aussi le reflet de notre propre condition.

Pour ceux d’entre vous qui n’auraient aucune idée de ce dont je parle, en voici un bref résumé. Bab Al Hara est une série dramatique syrienne qui se déroule à Damas sous le Mandat français (dans les années 30 à peu près). La série offre un panel de personnages et de décors hauts en couleur et un regard rétrospectif sur la vie arabe à Damas il y a des décennies. Elle présente aussi de belles heures de la résistance syrienne, surtout dans cette quatrième saison, où les hommes et les femmes du quartier s’affrontent à l’armée coloniale française et jurent de donner leur vie pour la cause.

Pour nous, Palestiniens, regarder Bab Al Hara nous touche au vif. Spécialement pendant les scènes avec les Français (lesquels, en pratique, pourraient aussi être des Israéliens). Dans le premier épisode de la saison, une fusillade éclate entre les gens du quartier et les soldats français après que plusieurs soldats de l’armée d’occupation aient été tués et d’autres pris en otage. Ce qui s’ensuit rappelle les jours de la Première Intifada (et probablement la révolte de 1936). Punition collective (les Français coupent l’électricité dans le quartier et imposent des mesures répressives, siège serré et couvre-feux 24 heures sur 24), promesses de revanche et résistance syrienne (ou palestinienne) d’acier.

Une autre dimension intéressante de la série est le caractère d’Abu Jawdat, cet officier d’origine syrienne de l’armée française. Il est l’équivalent de ces Palestiniens qui ont travaillé dans l’administration civile israélienne, dans les années qui ont précédé Oslo, qui traitait les affaires des Palestiniens sous l’occupation israélienne. Abu Jawdat travaille au secrétariat, il est en contact avec les autorités coloniales françaises et exerce sa fausse impression de pouvoir sur le peuple de Harret Al Daba’ (le quartier qui est au centre de la série). A cause de sa collaboration avec l’ennemi, les gens du quartier le méprisent, même s’ils sont malgré eux contraints d’avoir affaire à lui. Il les mécontente deux fois et il n’a pas du tout le sentiment d’être lié aux Syriens nationalistes, tout à fait comme ces Palestiniens qui ont choisi de se servir des Israéliens pour leur profit personnel. Je suis sûre, tout comme pour ces Palestiniens mis au ban de la société et socialement abandonnés en raison de leur collaboration avec l’ennemi, je suis sûre que ça ne poserait aucun problème aux habitants de Haret Al Daba’ de se débarrasser d’Abu Jawdat si le moment vient et quand il viendra.

En outre, le sentiment de la communauté face à l’adversaire est très familier aux Palestiniens, tel qu’il est si nettement décrit dans Bab Al Hara. Au cours de la saison 3 [Ramadan 2008 - ndt], Abul Nar, le mukhtar (le chef) d’un quartier limitrophe s’est trouvé en conflit avec ceux de Harat Al Daba’. Cependant, une fois que ce quartier a été assiégé par les Français et que la nourriture est devenue rare, Abul Nar et ses copains se sont montrés à la hauteur de la situation et ont mis leurs efforts en commun avec les hommes de Haret Al Daba’ pour voler de la nourriture et du carburant loin des regards fouineurs des soldats français. C’était l’incarnation même de la maxime arabe bien connue : « Moi et mon frère contre notre cousin, mais moi et notre cousin contre un étranger » (ou, en l’espèce, un occupant).

Ce qui rend la saison actuelle si irrésistible pour beaucoup de Palestiniens c’est son rapport avec la Palestine. Si les saisons précédentes comprenaient des évocations de la résistance en Palestine (le négoce d’armes, probablement pour les Palestiniens luttant contre les Anglais), dans cette saison, deux Palestiniens sont dans la distribution. Abu Yousef - chrétien palestinien - et son camarade musulman, Abu Ahmad, viennent à Damas réceptionner des armes et les ramener en Palestine. Ils se trouvent impliqués dans la bataille contre les Français et finalement, Abu Yousef, jeune homme à l’accent palestinien net et au visage ouvert, se fait tuer par les soldats français. Alors qu’il est en train de mourir, il demande à son ami de toujours une ultime requête. « Ramène-moi en Palestine, là où je suis né, et enterre-moi là-bas. »

Au pour ce qui me concerne, cela m’a fait vibrer les cordes sensibles comme rien d’autre n’aurait pu le faire. Nous avons vu tant de nos jeunes hommes mourir aux mains de notre occupant, des jeunes hommes dans la fleur de l’âge avec un tel amour ardent de leur pays qu’ils ont tout sacrifié pour lui. Abu Yousef, dans ses derniers moments, était le visage de tant de nos hommes et de nos femmes qui, à l’époque, ont senti comme un devoir et un honneur d’offrir leur vie pour le pays qu’ils aimaient.

Les raisons qui nous font regarder Bab Al Hara ne sont alors pas étonnantes, et même reconnaître le commandant français. Nous frissonnons sous son regard froid, à la façon dont il traite de « terroristes » les gens de Haret Al Daba’ et comment il ne recule devant rien pour briser leur volonté. Nous le méprisons tout comme nous méprisons l’officier israélien qui vient cogner à notre porte la nuit pour fouiller nos maisons. Nous nous défions de lui tout comme nous nous défions du soldat israélien qui veut que nous livrions nos camarades, nos voisins et nos fils. « Nous ne savons rien, » telle est souvent la réponse des Palestiniens pendant les interrogatoires par les officiers de renseignements israéliens, et c’était celle que les héros de Bab Al Hara ont fait à leurs ravisseurs français alors qu’ils les interrogeaient et les torturaient, il y a quelques soirs.

Nous nous reconnaissons dans les personnages de Bab Al Hara parce que nous sommes à leur place, 70 ans plus tard. Naturellement, nous savons que ce n’est que du cinéma et que les acteurs vont rentrer tous chez eux après les tournages des scènes. Mais au cours de cette heure, le soir, nous encourageons les révolutionnaires, nous pleurons les martyrs et nous lançons des insultes aux Français (et à Abu Jawdat). Parce que leur combat est notre combat, même si nous savons qu’après le départ de Syrie des Français, l’indépendance est finalement venue, alors qu’après que les Anglais ont quitté la Palestine, nous avons connu pire encore.


Joharah Baker écrit pour le programme communication et information au Miftah (Initiative palestinienne pour la promotion d’un dialogue mondial et la démocratie). On peut la contacter à l’adresse : mip@miftah.org

Du même auteur :

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- Le lien avec l’Holocauste
- Quand d’autres se sacrifient en notre nom
- Cessez-le feu - Y a-t-il une raison d’y croire ? -


Bab Al Hara

Bab al Hara est produite par Bassam al-Mulla et diffusée par MBC. Le premier des 33 épisodes de la série a été diffusé pendant le Ramadan en 2006, avec une large audience et un accueil positif. La deuxième saison, intitulée Bab al Hara 2,très attendue, a connu un succès encore supérieur que celui du Ramadan 2007. Une troisième saison pour le mois de Ramadan 2008 a été officiellement annoncée par al-Arabiya en octobre 2007. Elle traitait du mariage et de la vie des enfants d’Abou Issam, le médecin local et un barbier.

La troisième partie, a connue un succès encore plus grand que les deux premières parties, et bien que le premier épisode annonce la mort du plus important personnage de la deuxième partie, le médecin local "Abou Issam" le succès de la série n’en est pas moins grand. La série télévisée a été sans conteste la plus populaire du monde arabe lors du Ramadan 2008, et chaque épisode s’achève avec un appel subliminal pour les téléspectateurs qui attendent impatiemment l’épisode suivant du fait d’un scénario bien écrit.

Il s’agit d’une série exclusivement produite pour la période du ramadan, à l’instar de ses consoeurs arabes.
Comme beaucoup, cette série populaire arabe, Bab al Hara, est syrienne de production, mais financée par un Etat du Golfe.
La quatrième saison intitulée Bab el Hara 4 est en cours de diffusion, elle est cette année diffusée sur MBC1, MBC Maghreb et Nessma TV. Elle relate le soulèvement des habitants du quartier d’Al Debaa contre les forces d’occupation françaises.

(Wikipedia)

9 septembre 2009 - Miftah - traduction : JPP


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