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Fatah : nouveau début ou fin imminente ?

jeudi 20 août 2009 - 08h:02

Ramzy Baroud

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Le Fatah chancelant, qui fut un jour créé pour représenter les aspirations des réfugiés palestiniens opprimés, est à présent confronté au même impératif historique que d’autres mouvements en échec ont affronté par le passé.

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Mahmoud Abbas président la séance d’ouverture de la Conférence générale du Fatah à Bethléhem.
(AP)




Ce n’est guère dans l’ordre rationnel des choses. Devant une occupation militaire écrasante, on était censé résister par un mouvement national tout aussi déterminé, ciblé et inflexible, résolu à se libérer à tout prix et par tous les moyens. C’est la loi non écrite qui a gouverné et protégé des mouvements de libération nationale tout au long de l’histoire. Mais le mouvement du Fatah, sous le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, veut modifier cet ordre, rejoignant le colonialisme israélien avec un « pragmatisme » mal défini, une violence extrême de communiqués de presse chargés d’interminables clichés qui ne sont le plus souvent pas transmis, et une tentative israélienne déterminée à écraser les aspirations palestiniennes par le tribalisme politique, la décadence des factions et les divisions internes.

En effet, le congrès si longtemps reporté du Fatah qui s’est réuni à Bethléem ce 4 août avait sous-estimé l’évidence : ce mouvement universel censé revendiquer et sauvegarder les droits nationaux palestiniens est devenu un poids qui, pour le moins, persiste à faire dérailler le projet national palestinien. Ceci à un moment où le peuple palestinien a un urgent besoin de réponse collective suffisamment forte pour résister à la pression et aux contraintes militaires israéliennes dans le pays, suffisamment éloquente pour faire passer le message palestinien à un public mondial, suffisamment intelligente pour galvaniser la sympathie et le soutien international au profit de la liberté et de l’indépendance palestiniennes.

Mais ce que nous avons vu à Bethléem, c’est une manifestation bizarre de la mésentente d’élites égoïstes et auto-imposées rivalisant pour des titres vides, des positions sans valeur et du prestige creux. La parodie a commencé quand des centaines de délégués supplémentaires furent invités à se joindre au nombre déjà gonflé de membres du Fatah, dans l’espoir que leur présence soutiendrait la position de l’un ou l’autre chef de faction. Etrangement, le lieu de la convention était Bethléem occupée. Les délégués du mouvement de « résistance » ont dû passer par les postes de contrôle et les détecteurs de métal israéliens pour rejoindre leur lieu de réunion et parler d’hypothétiques révolutions et d’imaginaire résistance. Les membres du Fatah ne passant pas au filtrage israélien étaient exclus. Peut-être n’étaient-ils pas assez « révolutionnaires » au goût israélien.

Puis le spectacle a commencé. On aurait espéré une once de fierté du fait que les délégués n’étaient pas les participants à une réunion typique de conformistes comme c’est le cas dans les conférences de parti dominantes dans toute la région. Mais ce serait un leurre. Les discussions animées qui se sont transformées en engueulades criardes avaient peu de pertinence par rapport aux luttes et aux défis rencontrés par le peuple palestinien dans le pays et à l’étranger. Ce n’est ni la détresse de Gaza, ni la cause des réfugiés, ni la meilleure méthode pour attirer la solidarité internationale qui ont suscité l’ire des respectés membres. Les disputes étaient très personnelles. Une prétendue jeune génération tentant d’exiger d’une prétendue Vieille Garde une plus grande représentation au Comité central du mouvement fort de 21 membres et au Conseil révolutionnaire de 120 membres.

Beaucoup de reportages ont réduit l’effervescence du Fatah à des « petites phrases » et à des semi-vérités. Le vieux charabia recyclé sur un Fatah « modéré » fut une fois encore opposé à un Hamas « extrémiste » ; la violence de ce dernier, à l’investissement du premier dans un prétendu « processus de paix » ; ceux qui veulent vivre en paix « côte à côte » avec Israël, à ceux qui veulent « anéantir » l’Etat juif.

« A présent les Palestiniens - comme les Israéliens et les partisans internationaux du Fatah - attendent de voir les résultats » rapportait le New York Times. C’est vrai, mais les Palestiniens attendaient pour des raisons totalement différentes.

Le Fatah a changé au cours des ans. Il a débuté comme mouvement de résistance de membres dévoués, la plupart étudiants et jeunes professionnels dans les années ’50 et ’60. La jeune direction était motivée par divers facteurs, principalement la détresse des réfugiés, le manque de leadership palestinien vraiment indépendant et l’échec des gouvernements arabes à tenir leurs promesses de libérer la Palestine. En fait la résistance était au c ?ur du programme de libération du Fatah.

Un des fondateurs du mouvement a écrit un jour : « Ce ne sont pas seulement les expériences et les erreurs de nos prédécesseurs qui ont aidé à guider nos premiers pas. La guerre de guérilla en Algérie lancée cinq ans avant la création du Fath a eu sur nous une profonde influence. Nous avons été impressionnés par la capacité des nationalistes algériens à constituer un front solide, à oser une guerre contre une armée mille fois supérieure à la leur, à obtenir de multiples formes d’aide de plusieurs gouvernements arabes, tout en évitant de devenir dépendants de l’un d’entre eux ».

Au fil des ans, par nécessité politique ou militaire, divisions internes ou tout autre facteur, le Fatah est devenu un mélange hétéroclite de révolutionnaires et de poètes romantiques, d’élites opulentes et de politiciens louches. C’était un équilibre étrange, mais néanmoins un équilibre, qui maintenait les Palestiniens méfiants dans l’espoir que les éléments révolutionnaires du Fatah l’emporteraient en fin de compte. Mais après la signature par Arafat des Accords d’Oslo avec Israël, en 1993, les millionnaires et leurs douteux alliés politiques ont gagné, transformant le Fatah en entreprise géante nourrie de la rhétorique vide de la « paix », financée par des donateurs internationaux et dirigée par les éléments « pragmatiques » du mouvement alliés à Israël pour assurer leurs bénéfices pourtant insignifiants.

C’est pourquoi « les Palestiniens attendaient » peut-être dans l’espoir que le Fatah retournerait une fois encore à ses principes fondateurs, avec un projet national cohérent impliquant l’unité et la clarté des objectifs. Ce n’est pas que les Palestiniens étaient assoiffés de résistance violente ni désireux de faire péter les choses, mais ils aspiraient à un Fatah qui refonderait la résistance en tant qu’idée, en tant que culture, avec toutes les manifestations qui l’imprègnent nécessairement. Ils voulaient un Fatah qui revienne au basique, assumant la lutte de son peuple et opposé à la rhétorique de la collaboration qui a fait de la Palestine une collection de tribus politiques, chacune armée d’ONG, de lettres d’information et de gros comptes en banque dans diverses capitales européennes.

On voudrait condamner cet honteux épisode de l’histoire de la lutte palestinienne, mais on devrait se rappeler que l’histoire a une façon de se répéter. Le Fatah chancelant, qui fut un jour créé pour représenter les aspirations des réfugiés palestiniens opprimés, est à présent confronté au même impératif historique que d’autres mouvements en échec ont affronté par le passé. Si le Fatah échoue à se réapproprier comme un vrai mouvement de libération, une coupole unifiant toutes les facettes de la société palestinienne, alors il ne tardera pas à se scinder et finalement à se dissoudre, voire à disparaître entièrement. Mais le vrai défi restera : est-ce que ceux qui veulent porter le flambeau apprendront « des expériences et des erreurs de leurs prédécesseurs ». Le temps nous le dira.

Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle (Pluto Press, London). Et son prochain : My Father Was a Freedom Fighter : Gaza’s Untold Story (Pluto Press, London).

Site Internet :

www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- La vraie tragédie : qui a tué Arafat et pourquoi ?
- Gaza et le langage de la force
- Trafic humain dans un monde de famine
- Le Hamas : entre principes et nécessité
- Obama, Israël et le puzzle iranien

12 août 2009 - Ramzy Baroud - Traduction de l’anglais : MM


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