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Solana utilise les Nations unies pour saborder les droits palestiniens

lundi 3 août 2009 - 17h:43

Hasan Abu Nimah

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Ce qui doit nous soucier cependant, c’est que Solana, qui a toujours fait comme Washington lui a dit, a lancé un ballon d’essai.

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Le haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne,
Javier Solana.

Le haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne, Javier Solana, a surpris les observateurs le 11 juillet quand, lors d’un discours à Londres, il a appelé le Conseil de Sécurité des Nations unies à reconnaître un Etat palestinien avant une date à déterminer, même si aucun accord n’était conclus entre Israéliens et Palestiniens.

Dans sa bouche, cette proposition prend un ton dramatique. Il en reste encore à croire qu’une décision du Conseil de Sécurité peut conduire à des actions véritables et radicales. Alors qu’en réalité, le Conseil de Sécurité n’est pas l’organisme exécutif puissant qu’il devait être à sa création.

N’empêche que Solana a pourtant provoqué manifestement la colère d’Israël par son audace à faire une telle proposition. Israël n’a pas l’habitude d’être surpris ; normalement, les grandes puissances le consultent avant de faire des déclarations importantes sur la situation au Moyen-Orient. Cette fois, on dirait que Solana n’a pas sollicité l’autorisation israélienne. Mais la colère israélienne à elle seule renforce la crédibilité de cette idée que Solana doit avoir dit quelque chose d’important.

Solana a salué la nouvelle initiative de paix du président américain, Barack Obama, et il a suggéré que si elle n’aboutissait pas à la conclusion d’un accord contraignant entre les parties, alors la « communauté internationale » se devait d’intervenir à travers le Conseil de sécurité. Plus précisément, Solana a proposé ceci :

« Après une date limite, une résolution du Conseil de Sécurité des Nations unies devrait proclamer l’adoption de la solution à deux Etats. Ceci inclurait tous les paramètres : frontières, réfugiés, Jérusalem et arrangements de sécurité. Elle accepterait l’Etat palestinien comme membre à part entière des Nations unies, et fixerait un calendrier pour son application. Elle autoriserait la résolution d’autres conflits territoriaux en cours et légitimerait la fin des revendications. »

Cette déclaration apparemment audacieuse revient en fait à dire que Solana veut voir le Conseil de Sécurité participer au concert de tous ceux qui chantent depuis des décennies l’air de la solution à deux Etats. Au lieu de proposer des mesures concrètes pour l’application des résolutions existantes et depuis si longtemps ignorées, ou d’exercer un contrôle sur les violations par Israël qui rendent impossible un Etat palestinien, Solana veut simplement faire reconnaître aux Nations unies, comme membre à part entière en son sein, un Etat palestinien imaginaire.

Si on veut la voir sous un angle positif, disons que la « solution à deux Etats » est déjà à moitié réalisée. Après tout, l’un des deux Etats - Israël - existe depuis plus de 60 ans, et en outre, pendant tout ce temps il a même étendu son territoire.

Le problème pourtant, c’est que ce « succès » signifie qu’il ne reste plus de place pour un second Etat. Solana, comme bien d’autres, trouve facile de répéter comme un perroquet « solution à deux Etats », mais il n’a pas le courage d’exiger ne serait-ce que la fin totale de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza qui a commencé le 4 juin 1967.

Alors qu’il a lui-même été un élément clé de l’échec du processus de paix, Solana veut maintenant que le Conseil de Sécurité « mandate » une résolution sur les questions centrales : frontières, réfugiés, Jérusalem, colonies et arrangements de sécurité. Il n’indique pas comment les Nations unies devront agir pour cela, mais simplement il le dit comme si ces questions n’étaient que des détails sans importance.

En effet, Solana aurait pu reconnaître que les Nations unies - le Conseil de Sécurité en particulier - avaient déjà traité ces questions. Le Conseil de Sécurité n’a-t-il pas décidé à maintes reprises que toutes les colonies d’Israël au-delà de la ligne du 4 juin 1967 étaient illégales et devaient être retirées ? N’a-t-il pas déclaré que l’annexion par Israël de Jérusalem-Est et du plateau du Golan occupés était nulle et non avenue, ainsi que toutes les modifications juridiques et administratives qui avaient été décidées pour ces territoires par Israël ? Le Conseil de Sécurité n’a-t-il pas clairement déclaré, et maintes fois, que la peine que se donne Israël pour modifier la composition démographique des Territoires palestiniens occupés sortait totalement du cadre du droit et ne devait avoir aucun effet ?

Comme c’est effectivement le cas et que le Conseil de Sécurité n’a jamais bougé dans le passé pour faire appliquer ses propres résolutions violées par Israël, pourquoi devrait-il intervenir aujourd’hui ? Au contraire - et c’est probablement pour cela que Solana évite de dire exactement ce que le Conseil de sécurité devrait faire -, ce qu’il veut, Solana, c’est donner son aval à des solutions truquées qui légitiment l’illégalité. Par exemple, une résolution des Nations unies qui supprime le droit au retour, reconnaisse les colonies existantes, impose aux Palestiniens un bantoustan au lieu d’un Etat et, probablement, qui mandate l’OTAN ou tout autre force internationale pour occuper l’Etat, comme c’est le cas pour plusieurs pays des Balkans créés sous la direction de Solana.

Rien ne garantit même qu’Israël se conforme à une telle résolution qui répond à la plupart de ses exigences. Que se passera-t-il alors ? Solana proposera-t-il que le Conseil de Sécurité se redresse et fasse appliquer ses propres résolutions par des sanctions contre Israël ? Si oui, ce sera le bienvenu évidemment, mais le défi est de faire appliquer les résolutions existantes, qu’Israël et Solana, comme le reste de l’industrie du processus de paix, ont ignorées et sabordées pendant si longtemps.

Il y aurait eu quelque sens aux propos de Solana s’il avait suggéré que le Conseil de Sécurité reconnaisse un Etat palestinien dans toute la Cisjordanie et la bande de Gaza, incluant Jérusalem-Est, sur les frontières exactes du 4 juin 1967. Cela aurait montré son intention de faire appliquer le droit international en vigueur et de mettre fin à l’occupation coloniale illégale que l’Union européenne subventionne et couvre politiquement depuis si longtemps.

Mais au lieu de cela, Solana semble appeler les Nations unies à approuver de vagues idées et à engager une nouvelle fois tout un processus qui s’est avéré tout à fait mal avisé et stérile. Ce qui doit nous soucier cependant, c’est que Solana, qui a toujours fait comme Washington lui a dit, a lancé un ballon d’essai. Ce pourrait être pour proposer un moyen d’action visant à sauver l’administration Obama de l’échec du processus engagé par son envoyé spécial au Moyen-Orient, George Mitchell.

Il n’est pas exagéré d’imaginer les Etats-Unis, lesquels contrôlent en réalité le Conseil de Sécurité, proposant une résolution donnant corps aux idées de Solana, et emballant le tout comme un élément d’un nouvel engagement US pour une action internationale conjointe et sa légitimité. Les Palestiniens seraient mis alors devant le fait accompli * en même temps qu’ils apprendraient que toute exigence pour leurs droits légitimes et inaliénables qui iraient au-delà de ladite résolution serait désormais irrecevable.

Adopter une telle résolution, dite pour la « paix » au Moyen-Orient, marquerait un nouveau recul des Nations unies dans leur renonciation de leurs responsabilités. Cela reviendrait, sur le plan diplomatique, à accrocher une banderole indiquant « Mission accomplie » alors que débuterait une guerre longue et désastreuse.


* en français dans le texte.


Hasan Abu Nimah est l’ancien représentant permanent de la Jordanie aux Nations unies. Cet article a initialement été publié par The Jordan Times.

Du même auteur :

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29 July 2009 - The Electronic Intifada - traduction : JPP


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