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Le Fatah en pleine crise

vendredi 12 juin 2009 - 06h:36

Khalid Amayreh

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Des dirigeants du Fatah ont accusé le président de l’Autorité palestinienne [AP] Mahmoud Abbas et ses alliés de vouloir la « dislocation » et la « désintégration » du mouvement afin de faciliter « la liquidation » de la cause palestinienne.

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Mahmoud Abbas, ex-président d’opérette d’une Autorité palestinienne réduite à jouer le rôle de supplétive de l’occupant israélien ? - Photo : Reuters

Certains de ces dirigeants ont lancé l’accusation selon laquelle l’organisation du Fatah qu’Abbas essaye de mettre en place est « plus proche de Netanyahu que du peuple palestinien et de sa lutte pour la liberté et l’indépendance. »

Selon des sources en provenance du Fatah en Cisjordanie, Abbas a pris des mesures pour placer ses partisans et alliés dans des « positions importantes » tout en « isolant ses adversaires. »

Les mêmes sources ont énuméré un certain nombre d’étapes franchies par Abbas récemment, dont sa décision de tenir le 6° congrès du mouvement à Bethlehem en dépit de la forte opposition d’une partie des chefs du Fatah de l’intérieur et del’extérieur de la Palestine.

Par ailleurs, Abbas a semble-t-il donné son feu vert à la formation « d’un comité secret » comprenant ses principaux fidèles et conseillers, comme Hussein al Sheikh, Muhammed Dahlan et Hakam Balaawi, dont la tâche principale sera de consolider le pouvoir d’Abbas dans les instances locales, régionales et nationales du Fatah.

Le sixième Congrès

Le long délai mis par le Fatah pour convoquer le sixième congrès a été le principal point litigieux érodant le semblant d’unité interne pouvant subsister dans le mouvement.

La dernière fois que le Fatah a organisé une convention générale, c’était en 1989 à Alger, ce qui signifie que le mouvement n’a connu aucun renouvellement depuis cette date.

Ce fait à lui seul suscite indignation et déception, non seulement dans les rangs du Fatah, mais aussi parmi le peuple palestinien dans son ensemble.

La semaine dernière, Qaddura Fares, un des chefs du Fatah a été repris comme disant : « Quel genre de mouvement démocratique est celui qui n’a pas tenu d’élection depuis 20 ans ? » Fares est un proche allié du dirigeant emprisonné Marwan Al Barghouthi [du Fatah], l’un des principaux opposant à "la ligne de compromission » d’Abbas.

Il y a quelques mois, le leadership du Fatah a décidé de constituer un « Comité préparatoire » en vue de préparer la sixième conférence.

Le comité, qui a tenu de longues et d’intenses réunions à Amman, s’était vu confier la tâche de préparer l’ordre du jour de la conférence, de faire le choix des participants, et de sélectionner un lieu pour cet important événement.

Toutefois, après plusieurs semaines de débats plein d’acrimonie et houleux, le comité n’a pas trouvé d’accord sur les principales questions en litige.

Dans l’intervalle de temps, les camps opposés au sein du Fatah se sont accusés mutuellement de manipuler les délibérations du comité préparatoire, en utilisant des tactiques antidémocratiques et immorales, telles que « d’imposer des délégués » afin de prédéterminer l’issue de la conférence.

À un certain point les débats ont tourné à l’injure, aux noms d’oiseaux et même à des pugilats.

Finalement, Abbas, exaspéré par le refus du comité de tenir compte de ses instructions et d’accepter ses candidats, a décidé de le dissoudre et d’annuler toutes ses décisions.

La décision a soulevé a colère des membres du comité, dont faisaient partie des figures historiques du Fatah telles que Farouk al Qaddumi, Muhammed Jihad, et Abu Rateb Ghneim.

En outre, Abbas a décidé, unilatéralement et seul, que le congrès du Fatah se tienne à Bethléem, le 1er Juillet, contre la volonté de beaucoup de monde au sein du Fatah.
Cette décision a été ensuite confirmée par Hussein al-Sheikh — chef du département des affaires civiles qui assure la coordination avec Israël — qui a été cité par l’agence Maan News comme ayant déclaré que « la conférence aura lieu à Bethléem, à la date mentionnée ».

Al-Sheikh a souligné qu’il y avait un accord avec Israël pour autoriser Qaddumi, Muhammed Jihad et Ghounaym à entrer en Cisjordanie pour participer à la conférence.

Opposition tenace

Accusant Abbas de s’adonner à « l’autoritarisme et l’unilatéralisme aveugle », les dirigeants opposés à la « ligne politique » du président du Fatah l’ont accusé « de retenir le Fatah et le peuple palestinien tout entier, otage des caprices d’une personne connue sous le nom de Salam Fayadh », le premier ministre du régime de Ramallah.

Muhammad Jihad, responsable du Fatah dans la capitale jordanienne, a affirmé qu’Abbas allait tirer « le coup de grâce sur le cercueil du Fatah. »

Il a également fustigé la formation du nouveau gouvernement de Ramallah et a salué les dirigeants du Fatah qui ont refusé de sy joindre, les invitant à « faire preuve de vigilance afin de faire face aux complots en préparation contre la cause palestinienne. »

Qaddumi : Non à la conference de Bethlehem

Qaddumi, largement considérée comme le numéro deux au sein du Fatah, a rappelé sa forte opposition à la tenue de la sixième conférence en Palestine occupée, en faisant valoir qu’il était inutile et absurde de tenir le congrès du Fatah à l’ombre des chars israéliens.

S’exprimant au cours d’un entretien avec les « al-Arabi al Kefah Magazine » le 22 Mai, Qaddumi a désavoué Abbas pour avoir abusé de son autorité, en disant que le Comité préparatoire, qui émane du Comité exécutif Fatah, dispose du pouvoir exclusif de déterminer la date et le lieu de la conférence.

Interrogé pour savoir comment il réagirait et ce qu’il ferait si Abbas allait de l’avant avec ses plans pour la tenue à Bethléem de la conférence, Qaddumi a déclaré : « Ce serait contraire à la Constitution ».

« L’important est que le Comité préparatoire ait décidé de tenir la conférence en dehors de la Palestine, car la tenue à l’intérieur de la Palestine occupée, à l’ombre des fusils israéliens, compromettrait gravement sa capacité à prendre des décisions qui soient incompatibles avec les intérêts israéliens. Il n’y a tout simplement aucune sécurité possible, et aucune garantie que toutes les personnes qui devraient assister à la conférence soient autorisées à y assister. Pour toutes ces raisons, nous ne sommes pas convaincus que les délibérations de la conférence seront l’abri de l’ingérence israélienne. Par conséquent, la tenue de la conférence en Cisjordanie sous le contrôle de l’occupation israélienne est illégitime et inacceptable. »

Qaddumi a également fustigé Abbas pour avoir refusé de rencontrer le comité exécutif du Fatah en dehors de la Palestine occupée, en disant que « ce genre de comportement est totalement inacceptable. »

Enfin, Qaddumi a critiqué la formation du nouveau gouvernement palestinien à Ramallah, le décrivant comme « dénué de sens. »

« Ma préoccupation essentielle est la suppression de l’occupation israélienne. C’est la tâche principale. Quant à l’AP, elle est une des expressions des accords d’Oslo, un processus visant à anesthésier et à tromper le peuple palestinien afin de permettre à Israël de créer des faits accomplis sur le terrain et de consolider le blocus économique contre notre peuple. »

L’opposition de Qaddumi à la tenue de la conférence du Fatah en Cisjordanie plutôt qu’à l’extérieur, semble principalement venir de craintes légitimes que’Abbas ne manipule la conférence en sa faveur.

Selon certaines sources, Qaddumi serait « inquiet qu’Israël puisse interdire aux adversaires d’Abbas d’assister à la conférence », ce qui permettrait au président de l’AP de prétendre que la majorité du Fatah est derrière lui.

Lignes opposées

La crise interne au sein du Fatah n’est pas un phénomène nouveau. Une intense lutte de pouvoir entre les « pragmatiques » et les « patriotes » a toujours existé au sein du mouvement, autrefois décrit comme un « supermarché d’opinions. » Toutefois, sous le règne de Yasser Arafat, les « divergences » étaient plus ou moins sous contrôle, grâce au charisme du leader palestinien.

Mais aujourd’hui avec Abbas, chef des « pragmatiques » à la tête du Fatah et bénéficiant de l’appui d’Israël, de l’Occident et de l’Amérique et des régimes fantoches arabes, la lutte pour le pouvoir fait surface et met sérieusement en danger tout semblant d’unité dans le mouvement.

Mais les questions litigieuses vont bien au-delà de questions de personnalités.

Abbas est obsédé par l’idée de « trouver un accord » avec Israël, quel qu’en soit le prix, quelles qu’en soient les conséquences, et dans la recherche d’un « « accord si pressé » l’AP et son chef seraient prêts à sacrifier le primordial « Droit au retour » et à accepter l’annexion par Israël de près de la moitié de Jérusalem-Est, en échange de terres situées ailleurs [au fin fond du Neguev, là où sont les décharges industrielles israéliennes ?... N.d.T].

Pour se protéger de la colère palestinienne et arabe attendue pour cause de liquidation de la cause palestinienne, le chef de l’AP chercherait un parapluie arabe et islamique afin de donner l’impression que « l’accord » bénéficierait d’un consensus palestinien, arabe et musulman.

D’un autre côté, les autres dirigeants du Fatah, qui bénéficient d’un large soutien, mais manquent de ressources financières et en particulier du soutien de l’Occident, insistent sur le respect des revendications palestiniennes, à savoir le retrait total d’Israël de tous les territoires occupés en 1967, le retour de tous les réfugiés palestiniens expulsés de leurs maisons par Israël en 1948, et la création d’une solution viable et territorialement contiguë pour un Etat palestinien avec Jérusalem comme capitale.

Du même auteur :

- Une femme parle des « horribles » conditions de détention dans les prisons israéliennes - 4 juin 2009
- Une visite qui tourne à l’aigre - 28 avril 2009
- Sur le long terme... - 16 avril 2009
- Une feuille de vigne pour Netanyahou - 4 avril 2009
- Creuser sa propre tombe - 23 mars 2009
- Construire sur d’impudents mensonges - 18 mars 2009

24 mai 2009 - Palestine Info - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestine-info.co.uk/en/...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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