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Ratzinger en Palestine : fort avec les faibles et faible avec les forts

dimanche 31 mai 2009 - 06h:05

Ramzy Baroud

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Après sa visite au camp de réfugiés d’Aïda, Ramzy Baroud estime qu’il aurait été beaucoup mieux pour le pape de rester chez lui plutôt que de venir insulter ces lieux de misère.

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A défaut de voir "la justice couler comme un fleuve", les Palestiniens ont droit à des bains de sang. Ici le résultat d’un massacre commis par les Israéliens à Beit Hanoun en novembre 2006.

« Gaza n’est pas sur l’itinéraire du pape, et elle ne le sera pas. Il n’y aura aucun changement de ces plans. Mais je le dirai de façon très claire, le pape n’ira absolument pas à Gaza. »

Tels étaient les commentaires stupéfiants formulés par le porte-parole du pape en Israël, Wadie Abunasser, avant la visite du pape Benoît XVI en Palestine et en Israël.

Comme si il n’y avait eu aucun massacre dans Gaza, aucune famille entièrement décimée, aucun droit humain violé pour établir le record du plus effroyable des crimes dans l’histoire moderne. Comme si Gaza étaient juste une légère irritation dans les annales de la douleur humaine. Plus encore, comme si il n’y avait aucun catholique dans la bande de Gaza. Pour être tout à fait clair, il y a réellement presque 2000 catholiques dans Gaza, mais ils ne sont apparemment pas assez importants pour mériter le détour.

Mais il y a beaucoup des sites religieux importants à voir en terre sainte, un bon nombre de vieilles églises, de vieilles pierres, de ruines et autres lieux semblables... de beaucoup plus d’importance, comme le mur occidental, le saint sépulcre et ainsi de suite... bien plus importants que de visiter les lieux d’un massacre tout frais où la puanteur des corps en décomposition — étendus pour leur repos éternel dans un tombeau fait des décombres de leurs propres maisons — est a peine dissipée. De tels lieux sont apparemment de peu d’importance pour le saint-siège. En revanche, il y a des mémoriaux pour des victimes jouissant d’une plus haute position, des tombeaux d’une splendeur supérieure, tels que Yad Vashem... Aujourd’hui, c’est quelque chose à voir.

Dans un voyage apparemment consacré à favoriser la « réconciliation », il est assez déroutant que le pape Benoît ait fait à peine mention de l’occupation israélienne de la Palestine comme source de discorde. Imaginez cela. Mais ce qu’il a déclaré était : « Permettez-moi de lancer cet appel à tous les peuples de cette terre : Plus de carnage ! Plus de combat ! Plus de terrorisme ! Plus de guerre ! Au lieu de cela brisons le cercle infernal de la violence. »

C’était comme s’il suppliait deux nations ayant des revendications équivalentes, disposant d’armées d’égale force et d’arsenaux nucléaires. Comme s’il exhortaient deux peuples ayant de façon égale accès à l’eau potable, correctement nourris et instruits. Ou pour dire les choses autrement, comme si les deux peuples faisaient face à la menace quotidienne de voir ses maison abattues alors qu’ils y sont enfermés par une armée d’occupation, comme si les deux peuples faisaient face à la menace quotidienne de l’arrestation, du meurtre extrajudiciaire, de l’humiliation des couvre-feux et des checkpoints.

Le Vatican a besoin d’une sérieuse introspection. Il doit remplacer ses excuses fortement politisées et franchement discutables par de véritables excuses devant les peuples opprimés, même s’ils sont de peu de poids politique. Le pape devrait présenter ses excuses aux Palestiniens, et aux Gazans en particulier,pour avoir été incapable de comprendre la gravité de leur situation, d’avoir fricoté avec les dirigeants israéliens responsables de toute cette souffrance et pour avoir été incapable de consoler la vraie victime de leur offensive.

Pire encore, en tant qu’institution ayant la réputation ces dernières années de préconiser la justice sociale dans le monde, l’église catholique doit changer son cours actuel consistant à se coucher devant les dirigeants israéliens, tandis que son saint père fait preuve d’une condescendance pleine de suffisance devant une nation qui supporte un lent et progressif processus de génocide depuis six décennies.

« Sans consistance » est l’expression qui vient à l’esprit. Alors qu’il n’hésitait jamais à condamner « la nation athée » qui a réalisé l’holocauste, ses références à l’occupation illégale de la Palestine par Israël étaient si vagues qu’il était difficile de distinguer une claire séparation entre l’agresseur et l’agressé. Alors qu’il était le témoin, avec ses propres yeux, de la monstruosité du mur de ségrégation, ses commentaires étaient malheureusement évasifs : « Combien sincèrement nous prions pour une fin des hostilités qui ont entraîné la construction de ce mur. » Oh vraiment ? Est-ce tout ce que le saint père trouve à dire ? Qu’importe l’occupation. Qu’importe la famine. Qu’importe le bouclage des écoles pendant des mois afin de refuser à toute une nation le droit à l’éducation. Mais à présent nous parlons d’armes illégales utilisées contre les populations civiles dans Gaza. A présent nous parlons d’un mur qualifié d’« illégal » par la Cour Internationale de Justice. Ce n’est tout simplement plus le temps ni le lieu de l’indécision et de la flexibilité morale.

Et il est complètement inacceptable que quiconque ait l’« audace » d’inviter la jeunesse palestinienne à ne pas laisser, comme le saint père le dit, « les morts et la destruction dont vous avez été les témoins générer l’amertume ou le ressentiment dans vos coeurs ». Plus encore, en faisant un arrêt au camp de réfugiés d’Aida, il a mis la responsabilité de la situation pénible imposée à cette population déplacée, sur « les troubles qui ont affligé cette terre depuis des décennies. » Il aurait été beaucoup mieux qu’il reste chez lui plutôt que de venir insulter ces lieux de misère.

Mais finalement, le pape a trouvé moyen de rassembler quelque courage et a pris une posture terriblement audacieuse : au moment où, au centre Notre Dame à Jérusalem, le juge islamique en chef de l’autorité palestinienne, Sheikh Tayseer Rajab Tamimi, déclarait que les Israéliens avaient tué des femmes et des enfants innocents dans Gaza, le pape s’est levé et a pris la porte dans un acte plein de défiance. Voici donc ce qu’il en est pour le courage...

Les Palestiniens comme des millions de personnes à travers le monde attendaient plus d’une personne censée enseigner le nouveau testament : « Laisser la justice couler comme un fleuve et la droiture comme une source qui ne tarie jamais. »

Mais tous comptes faits, le pape a prouvé qu’il était faillible.

* Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est « The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » (Pluto Press, London).

Site Internet :

www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Les drones arrivent pour une nouvelle guerre contre les civils - 17 mai 2009
- Clinton et Obama : un très mauvais départ - 3 mai 2009
- Non-violence en Palestine : les intentions et le moment - 22 avril 2008
- Crimes de guerre à Gaza : Israël est-il capable de la moindre repentance ? - 18 avril 2009
- Netanyahou et « l’avenir du processus de paix » - 30 mars 2009

14 mai 2009 - Communiqué par l’auteur
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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