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Le Guernica des Palestiniens

vendredi 29 mai 2009 - 06h:53

Sami Naïr - El Païs

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Il est déjà minuit dans ce siècle pour les Palestiniens. Comme ce fut le cas hier pour les habitants pacifiques de Guernica. Et voici ce que le gouvernement israélien a réservé au peuple palestinien : la mort, écrit Sami Naïr.

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Un palestinien pleure la mort de ses proches, assassinés dans un bombardement israélien : Photo publié sur Uruknet

En plein XXIème siècle, on peut agresser des populations civiles, détruire des écoles, des hôpitaux, des maisons, des lieux de culte, des terrains de sport. On peut détruire leurs hameaux, leurs villages, leurs villes. Dans le plus grand silence de la bonne conscience. Et dans celui de la lâcheté.

On peut le faire lorsqu’on est un Etat qui dispose d’un des plus formidables arsenaux militaires de tous les temps, qui compte sur la complicité des puissances de ce monde, sur ses moyens de communication, sur la horde de ses intellectuels toujours disposés à justifier l’injustifiable avec le prétexte de combattre l’intégrisme. On peut le faire contre ce peuple surtout si celui-ci est un musulman.

On peut le faire lorsqu’on est habitués à violer la législation internationale, les lois les plus élémentaires de la guerre, le simple principe d’humanité.

Les dirigeants israéliens sont en guerre. Ils le sont depuis un certain temps, très longtemps. En toute impunité. Ils comptent sur la complicité de tous : celle des Européens, des Asiatiques, des Russes, des Africains et même de certains pays arabes, depuis tellement de temps agenouillés, avilis et embourbés dans la vase de la soumission à l’empire américain, qui permet tout et leur vient même discrètement en aide afin de perpétrer le crime.

Pauvre peuple palestinien ! Comment ne pas être fou de colère ? Certains de tes fils deviennent des terroristes qui se font exploser assassinant des civils israéliens. C’est un crime qu’il faut condamner, tout comme le lancement de fusées sur la population civile israélienne. Ce n’est pas la réponse appropriée à ta tragédie. Mais nous savons ce que vous dites en Palestine. Que penseraient les Européens si on s’installait chez eux, dans leurs maisons, si on leur confisquait leurs terres, et si on levait d’énormes et horribles murs dans leurs propres villes afin de les y enfermer ? Que diraient-ils s’ils voyaient des colons, encouragés par l’armée, attaquer les civils palestiniens, arracher les oliviers, couper l’eau des quartiers qu’ils veulent envahir, humilier les gens dans les passages frontaliers.

Le gouvernement israélien pratique le cynisme politique, tentant de faire du peuple palestinien le bouc émissaire de leurs problèmes politiques internes. Car cette guerre entreprise de manière tellement disproportionnée contre le peuple palestinien obéit à de sordides motifs électoraux, sur la base desquels se repose l’idée que le parti politique qui tue le plus de Palestiniens gagnera les prochaines élections en Israël. Ceci est une insulte pour les Israéliens de la part de dirigeants cyniques.

Veut-on faire croire que le peuple israélien est avide de mort, ce même peuple qui a fuit la mort ? Veut-on confirmer l’idée qu’il serait assoiffé de sang palestinien ? La méthode consiste ensuite à faire payer collectivement aux civils palestiniens les actes d’un parti politique concret, pas moins irresponsable, comme dans ce même cas l’est le Hamas. Le principe de la responsabilité collective est interdit par le droit de la guerre. Avec la liquidation des Accords d’Oslo et la poursuite des « assassinats sélectifs » des dirigeants du Hamas, fallait-il s’attendre à ce que les Islamistes demeurent les bras croisés ?

L’intention, enfin, de faire croire qu’en agissant de cette manière l’Etat israélien combat l’intégrisme. Quelle pauvre et lamentable justification. Pourquoi ce régime israélien, qui a organisé la démocratie au sein de ses frontières, sauf, il faut le dire, pour les arabes israéliens qui sont traités comme des citoyens de seconde classe, rejette-t-il cette même démocratie lorsqu’elle est pratiquée par les Palestiniens ? C’est le peuple palestinien, dans sa majorité, qui a élu démocratiquement le Hamas sous surveillance internationale. Et ces élections, n’étaient-elles pas une des exigences de la Feuille de Route et appuyées par les puissances internationales, dont l’Europe ?

Le résultat ne plaît pas ? Mais alors, pourquoi, en Israël, accepte-t-on que l’extrême droite religieuse, fanatique et raciste soit au pouvoir, qu’elle impose son chantage pour mener une guerre à outrance et la construction d’un Israël impérial ? Pourquoi n’exige-ton pas des Israéliens qu’ils neutralisent ces gens ? Puisque nous savons tous que tant qu’ils auront du poids au sein de la démocratie israélienne, il n’y aura pas la paix au Moyen-Orient ?

Peut-être qu’on ne l’exige pas parce qu’on respecte la souveraineté du peuple ? Donc, il faut aussi respecter celle des Palestiniens, puisque la souveraineté des peuples est indivisible et inaliénable. Il faut s’y soumettre, à moins que les valeurs démocratiques auxquelles on fait référence avec tant de démagogie en Europe, en Israël et aux Etats-Unis ne se déprécient.

En réalité, avec le bombardement à Gaza et l’invasion qui l’a suivi, le gouvernement d’Israël fera fleurir l’islamisme en Palestine et dans le monde musulman. C’est la manière la plus irresponsable d’alimenter la haine. Ils seront nombreux les jeunes Palestiniens qui rêveront de vengeance. Elles seront nombreuses les victimes innocentes israéliennes qui paieront la folie de leurs dirigeants.

Ces affronts aux principes les plus élémentaires de l’humanité et de la démocratie sont terribles. Et impardonnables.

L’envoyé spécial de l’ONU pour les droits de l’homme en Palestine, Richard Falk, a déclaré que ce qu’Israël est en train de faire au million et demi de Palestiniens de Gaza est un « crime contre l’humanité ». Il a dit que la punition collective infligée à ce peuple est une flagrante violation de l’article 33 de la quatrième Convention de Genève. Il a demandé que l’on constitue urgemment une cour criminelle internationale afin de vérifier et de déterminer les responsabilités des dirigeants civils et militaires israéliens et de les juger.

Richard Falk est juif, juif américain. Pour nous, Richard Falk représente l’honneur des Juifs car il défend, face à l’intolérable, l’humanité dans son ensemble.

Face à ces bombardements, il ne nous reste plus que notre indignation. Nous n’avons plus que nos larmes pour les larmes de ces mères qui crient sur les corps dépecés de leurs enfants. Qu’elles soient palestiniennes ou israéliennes. Nous n’avons plus que notre douleur face à tant de douleur. En ce début d’année, nous nous trouvons face à la guerre du fort contre le faible. Et il est déjà minuit dans ce siècle pour les Palestiniens. Comme ce fut le cas hier pour les habitants pacifiques de Guernica.

* Sami Naïr est philosophe et sociologue, titulaire d’un doctorat d’État ès lettres et sciences humaines et d’un doctorat de philosophie, professeur de sciences politiques à l’Université de Paris VIII et professeur invité à l’Université Carlos III de Madrid.

10 janvier 2009 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.alquds-palestina.org/mod...
Traduction de l’espagnol : Assia B.


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