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Espagne : socialistes et conservateurs pour la suppression de la "justice universelle"

dimanche 24 mai 2009 - 04h:38

Elodie Cuzin
RUE89

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Les députés espagnols ont en effet adopté une résolution cette semaine qui vise à limiter les pouvoirs de leurs hauts magistrats. Et grâce à une alliance rare, socialistes et conservateurs seraient bien décidés à la transformer en loi.

L’Espagne ne sera bientôt plus le justicier du monde

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Guantanamo, Tibet, Gaza, Chili : L’Espagne est célèbre pour sa mise en pratique assidue de la « justice universelle ». Selon ce principe, génocides, crimes de guerre et autres méfaits peuvent être poursuivis hors des frontières où ils ont été commis et jugés en Espagne, même lorsque ce pays n’est aucunement impliqué. Mais la casquette de « policiers du monde » pourrait bientôt être retirée à ses juges.

Les députés espagnols ont en effet adopté une résolution cette semaine qui vise à limiter les pouvoirs de leurs hauts magistrats. Et grâce à une alliance rare, socialistes et conservateurs seraient bien décidés à la transformer en loi.

Des initiatives de juges en forme de casse-tête diplomatiques

1998. Le juge Baltasar Garzon fait parler de lui dans le monde entier lorsqu’il lance un mandat d’arrêt contre l’ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, alors de passage en Grande-Bretagne. C’est le point de départ d’un long casse-tête diplomatique pour les gouvernements espagnols qui se sont succédés depuis.

Ils doivent en effet fréquemment faire face au courroux d’homologues étrangers lorsque l’un des six juges de l’Audience nationale, la plus haute instance pénale du pays, accepte de se saisir de dossiers sensibles qui mettent en cause des gouvernements « amis » :

  • accusation de crimes de guerre après un bombardement à Gaza en 2002,
  • décès pendant des manifestations au Tibet
  • tortures à Guantanamo

L’embarras de l’actuel gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero était ainsi palpable lorsque l’ambassadeur de Chine en Espagne lui avait demandé, en août, d’agir pour que l’Audience nationale renonce à ouvrir des poursuites après les manifestations sanglantes qui avaient eu lieu au Tibet un an plus tôt.

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, avait alors rappelé au diplomate que le gouvernement « devait respecter l’indépendance de la justice ».

Guantanamo : des internautes américains dénoncent l’ingérence espagnole

Plus récemment, c’est le parquet qui s’est durement opposé, en qualifiant la plainte de « frauduleuse », à l’ouverture d’une procédure contre certains conseillers de l’administration Bush accusés d’avoir créé un cadre légal y permettant la torture.

Guantanamo a à nouveau atterri en couverture des journaux, fin avril, lorsque le juge Garzón a décidé d’ouvrir une autre enquête préliminaire visant les auteurs présumés de tortures dans le camp.

Deux initiatives qui ont provoqué la colère d’internautes américains, outrés par l’incursion de l’Espagne dans ce qu’ils perçoivent comme étant une « affaire interne ».

C’est justement le risque d’ingérence que mettait en avant le président de l’Audience nationale, Angel Juanes, il y a dix jours, dans une interview au quotidien El Mundo :

« Le juridiction universelle est une avancée et doit donc être maintenue. Mais d’autres principes de droit international doivent aussi être respectés, comme celui de l’ingérence dans des affaires externes. »

D’autres voix s’élèvent, à chaque nouvelle annonce de poursuites internationales, pour critiquer le bruit médiatique autour de ces cas spéciaux alors que le système juridique national souffre d’une lourde surcharge.

« Pas d’excès de juridiction universelle, plutôt un excès d’impunité. »

Fruit d’un rare accord, cette épineuse question pourrait bientôt être résolue. Les députés socialistes et les conservateurs du parti populaire (PP) se sont alliés mardi pour voter une résolution « limitant la portée de la juridiction universelle pénale » qui restreindrait l’action des juges espagnols aux seuls cas où l’Espagne serait impliquée, du côté des victimes ou des « bourreaux », ou lorsque les faits auraient été commis sur son territoire.

Elle renforce également le principe déjà en place qui empêche des poursuites « universelles » si une enquête est déjà en cours dans le pays concernés.

Des restrictions plus proches de celles appliquées par d’autres pays européens, comme la France, et dont l’absence actuelle explique en partie la « suractivité » relative de l’Espagne, qui accepte en outre, pour l’instant, de traiter des plaintes déposées par des associations même lorsque le parquet ne les soutient pas.

Sur douze formations politiques, huit ont soutenu cette résolution qui pourrait vite être transformée en loi, selon le quotidien El Pais, et donc remettre en cause les procédure en cours : « Puisqu’elle favoriserait l’inculpé, (la loi) pourrait avoir un caractère rétroactif », avance le quotidien.

En apprenant l’adoption de cette résolution, le porte-parole de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, Reed Brody, a fait part au journal Público de « sa déception » face à ce « retour en arrière » :

« Il n’y a pas d’excès de juridiction universelle dans le monde, mais plutôt un excès d’impunité. »

Madrid, le 22 mai 2009 - RUE89 - illustration : détail de la fresque de Luca Giordano représentant la Justice


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