Bi’lin : un village qui ne capitulera jamais
lundi 11 mai 2009 - 06h:55
Palestine Monitor
« Nous allons aux manifestations pour leur montrer que nous ne capitulerons pas, ceci est notre terre, et nous résisterons jusqu’au bout. »
- Le village de Bi’lin, dans la zone tampon entre le mur, les soldats israéliens et les barbelés. (Photo Palestine Monitor)
Il y a quatre ans, commençait la construction du mur de séparation qui coupe en son milieu Bil’in, un village à l’ouest de Ramallah. Le village a perdu environ 60% de ses terres agricoles dont il tirait la plus grande partie de ses moyens de subsistance.
La population de Bil’in a défendu sa cause devant la Cour suprême israélienne à plusieurs reprises. En septembre 2007, la Cour suprême a finalement jugé que le tracé du mur de séparation était préjudiciable à Bil’in et devait être modifié. Cette décision aurait dû permettre à Bil’in de retrouver près de 50% de sa terre volée en 2004.
Mais malgré cette décision, et malgré le droit international qui a déclaré le mur illégal, la construction de celui-ci se poursuit ; et la terre de Bil’in continue d’être volée.
Pour protester contre le vol de leur terre, les gens de Bil’in organisent chaque semaine une manifestation non violente contre le mur. Chaque vendredi, les villageois, des internationaux et des journalistes se rassemblent près de la mosquée et, après la prière, se dirigent ensemble vers le mur.
Face à ces manifestations non violentes, Israël répond par des gaz lacrymogènes, des balles caoutchouc, des balles d’acier enrobées de caoutchouc, des bombes assourdissantes et des balles réelles.
Il y a trois semaines, pour la première fois, les soldats israéliens ont tué un manifestant non violent à Bil’in. Il s’appelait Bassem Abu Rahmah. A 30 mètres, ils lui ont tiré dans la poitrine une bombe lacrymogène à haute vitesse, de ces nouvelles bombes qui ont la forme d’une balle. Il est mort pendant qu’on l’emmenait à l’hôpital de Ramallah.
Malgré les risques, les manifestations n’ont pas cessé.
- Il y a trois semaines, pour la première fois, les soldats israéliens ont tué un manifestant non violent à Bil’in.
Monther Abu Rahmah, habitant de Bil’in, participe à ces manifestations depuis leur début il y a quatre ans. Sa famille a perdu 15 dunums (1,5 hectare) de sa terre à cause du mur.
Il a été blessé deux fois lors de ces manifestations, une fois par un tir dans la main et une autre fois dans l’épaule.
Il dit que les « manifestations au début étaient complètement différentes... Au départ, ce n’était pas trop dangereux d’aller manifester, mais maintenant, chaque vendredi ça devient plus risqué. »
A chaque manifestation, on ne sait jamais à quoi s’attendre, « Chaque fois, ils utilisent un autre type de bombe lacrymogène, quelquefois ils entrent dans le village, d’autres fois ils se tiennent derrière le mur, ou encore ils s’assoient et observent, ou ils se servent de leurs armes. »
Mais chaque comportement des soldats est décidé à l’avance, quel que soit le nombre de manifestants ou de pierres qui leur sont jetées, « Ils ont reçu leurs ordres avant, et ils savent s’ils doivent tirer des lacrymogènes ou des balles. »
Les soldats israéliens font des incursions régulièrement dans Bil’in ; quelquefois après les manifestations, mais plus souvent pendant la nuit.
Monther : « Quand les soldats entrent dans le village, nous essayons de rassembler tout le monde pour que les soldats ne puissent enlever ou arrêter qui que ce soit. Quand nous sommes ensemble, nous sommes forts. Si quelqu’un se fait tirer dessus alors qu’il est seul, il peut mourir par la perte de son sang. Mais si nous sommes tous ensemble et que quelqu’un est touché, nous pouvons l’aider très vite et faire qu’il ne lui arrive rien. ».
Monther fait partie des villageois de Bil’in qui ont suivi les cours d’auxiliaire médical volontaire du PMRS (Service de secours médical de Palestine), une ONG médicale palestinienne populaire.
Le PMRS a commencé la formation d’auxiliaire médical en 1996 au vu de l’accroissement de la violence en Cisjordanie et parce qu’elle se produisait souvent dans des secteurs isolés, où les gens n’avaient pas accès à des services médicaux. Dans le cas où il y a des blessés, si personne de formé n’est présent pour donner les premiers soins, ceux qui essaient de secourir ne font souvent qu’aggraver le mal.
Aussi, le PMRS a mis en place une formation d’auxiliaires médicaux volontaires pour les premiers secours d’urgence. Ces programmes sont surtout importants pour les villages isolés comme Bil’in où l’hôpital le plus proche est à une demi-heure.
- Bassem secouru (vidéo sur Protection-Palestine.org)
Monther est maintenant volontaire médical et il peut secourir les blessés durant les manifestations hebdomadaires à Bil’in et dans le village voisin de Ni’lin, de même que durant les incursions israéliennes dans le village.
Quand on lui a demandé s’il pensait que les manifestations avaient un quelconque effet sur le mur alors que les décisions de justice et le droit international n’en avaient aucun, Monther a répliqué : « Le mur est le mur, rien n’a changé. Les manifestations et les jets de pierre, ce sont notre histoire, notre culture. C’est une histoire triste, l’histoire de notre peuple. Nous sommes un peuple sans terre. »
« Nous avons essayé de retrouver notre terre par la paix, mais Israël répond à la paix par la guerre. A cause de cela, nous serons toujours en guerre pour notre terre, jamais en paix. Ils vont essayer de nous enlever de plus en plus de terre jusqu’à ce que nous soyons dans un petit cercle, alors ils en finiront avec nous. »
Et quand on lui a demandé s’il pensait arrêter les Israéliens et les empêcher de leur voler plus de terre, Monther a répondu : « Dieu seul, pas moi, ni vous, ni personne. Dieu seul peut les arrêter. Nous allons aux manifestations pour leur montrer que nous ne capitulerons pas, ceci est notre terre, et nous résisterons jusqu’au bout. »
Voir les sites du village : Bil’in et Bil’in
Voir les résumés des manifestations hebdomadaires de ces villages sur les rapports du PCHR
Voir les circonstances de la mort de Bassem Abu Rahmah
10 mai 2009 - Palestine Monitor - traduction : JPP