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Le silence complice se poursuit

mardi 5 mai 2009 - 06h:54

Haidar Eid

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Des millions de gens attendaient avec impatience la présidence de Barack Obama avec un sentiment de fierté et d’espoir. Mais les cent premiers jours d’Obama ont suscité des questions critiques sur les limites de ce que nous pouvons attendre d’un démocrate à la Maison Blanche - et sur le temps qu’il faudra pour le changement que nous voulons.

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Muhammad Shurrab tient les photos de son fils Kassab (à gauche) and Ibrahim, assassinés lors du dernier assaut israélien contre Gaza - Photo : Reem Salahi

Que pensez-vous des cent jours d’Obama ? Et que doit faire la gauche pour faire avancer la lutte ?

Nous avons demandé à un groupe d’écrivains et d’activistes leur réponse à ces questions. Voici le commentaire d’Haidar Eid, professeur résidant à Gaza City, activiste de pointe dans le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions contre l’apartheid en Israël.


« Je n’ai jamais eu de grandes espérances pour Barack Obama, parce qu’il représente le Parti Démocrate, qui fait partie de l’establishment étatstunien. La victoire d’Obama aux élections présidentielles n’a pas produit de changement dans la nature de l’impérialisme américain.

Je pense que la différence entre démocrates et républicains aux USA est similaire à la différence entre le Likoud et le Parti Travailliste en Palestine. Dès avant son entrée au pouvoir, je pensais que le rôle d’Obama serait de provoquer une nouvelle fiction - ou plutôt de renouveler la fiction de la solution biétatique en Palestine-Israël. C’est-à-dire, d’insuffler une nouvelle vie à l’idée qu’un état pour les juifs et un autre état pour les Palestiniens apporteront la paix à la région.

Essentiellement, ce n’est guère différent de ce que George W. Bush et, avant lui Bill Clinton préconisaient. La seule différence que je vois est que l’administration Bush voyait l’annihilation de la résistance palestinienne comme élément de ce que Bush appelait la « guerre au terrorisme ». Selon ses mots, « Ou vous êtes avec nous, ou vous êtes avec les terroristes ».

Comme la plupart d’entre nous, membres de la résistance palestinienne et d’organisations de la société civile palestinienne, n’étions pas avec George Bush, on nous définissait comme terroristes - comme toute résistance à l’impérialisme tout au long de l’histoire.

L’administration Bush a permis les crimes israéliens en Palestine et au Liban grâce au soutien financier, militaire et moral. Les cent premiers jours d’Obama ont témoigné de la même situation. Je ne vois aucune différence, en fait, entre ce qu’Israël commet en Palestine, en particulier dans la Bande de Gaza, et ce que les militaires américains ont fait en Irak.

J’attendrais de Barack Obama, par exemple, qu’il retire immédiatement les troupes américaines d’Irak. Nous savons que ce n’est pas ce qui va arriver. Il a dit très clairement qu’il allait laisser quelque 50.000 hommes en Irak.

Israël utilise toujours les hélicoptères Apache fabriqués aux Etats-Unis. Israël utilise toujours les avions de combat F-16. Hier encore, 18 avril, il y a eu un raid aérien à proximité de Deir El Balah dans la Bande de Gaza.

Alors que l’administration Bush a permis à Ehud Olmert, Tzipi Livni et Ehud Barak de saper la rencontre d’Annapolis en se focalisant sur la seule sécurité d’Israël, la même chose est en train de se produire avec Barack Obama et George Mitchell, son émissaire au Proche-Orient.

Le point de référence de toute négociation ou de toute déclaration faite par l’administration américaine sur le conflit israélo-palestinien est la sécurité d’Israël. Ce faisant, Obama et son administration sont effectivement en train de marginaliser toute la question palestinienne, et ils plantent le décor pour des nouvelles attaques israéliennes contre un Gaza mourant de faim. D’ores et déjà, Gaza est devenu le plus grand camp de concentration au monde.

Barack Obama a visité une des colonies du nord d’Israël en 2006, peu avant qu’Israël attaque le Liban et tue plus de 1.200 personnes. Obama y est resté plus d’une semaine. Plus tard, il a visité Ramallah, où il n’a passé que 45 minutes avec le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas - après quoi il a refusé de participer à une conférence de presse avec Abbas.

Ensuite il a visité la ville israélienne de Sderot. Il avait beaucoup à dire en sympathie avec les Israéliens de Sderot. Avant 1948, Sderot était un village palestinien, sa population a subi un nettoyage ethnique. Bien sûr, Barack ne l’a jamais mentionné - et il n’ jamais eu un seul mot de sympathie pour les Palestiniens de Gaza.

L’administration Obama, y compris George Mitchell, est férue d’une rhétorique qui n’est que vide dès qu’il s’agit d’évoquer la politique de colonies illégales d’Israël en Cisjordanie. Ils savent parfaitement qu’après la réunion d’Annapolis, Olmert a immédiatement autorisé un programme de construction massif de nouveaux logements juifs à Jérusalem-Est, ainsi que l’expansion d’autres colonies en Cisjordanie.

Ce qui est une violation de la lettre et de l’esprit de la solution dite des deux états, que personnellement j’appelle la solution des deux prisons.

Ce que nous demandons à Obama, c’est de faire preuve de sérieux dans ses rapports avec le gouvernement israélien nouvellement élu, lequel est un gouvernement fasciste qui montre que la société israélienne dans son ensemble penche même davantage encore à droite. Il s’agit de ce que le professeur israélien Israel Shahak [1] a qualifié de processus de nazification de la société israélienne.

Obama doit adopter vis-à-vis d’Israël la même attitude que l’administration étatsunienne a adoptée vis-à-vis de l’apartheid sud-africaine à la fin des années ’80. Malgré les massacres, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui ont été commis dans la Bande de Gaza, il n’y a pas eu de condamnation sérieuse d’Israël de la part de la Maison Blanche.

Le 17 avril dernier, il y a eu un incident à Bil’in, au cours duquel un jeune Palestinien a été abattu. Le même jour, un autre Palestinien était abattu à Hébron. C’était au moment même où Mitchell visitait Tel Aviv.

Mais malheureusement, le silence complice de la Maison Blanche d’Obama se poursuit. Il a accompagné la privation de médicaments, de nourriture et de carburant à un Gaza affamé. Des patients nécessitant une dialyse et d’autres traitements médicaux urgents meurent chaque jour. La majorité d’entre nous ici à Gaza sommes gravement dénutris. Mais pas un mot de condamnation de la part de l’administration Obama.

Toute personne quelque peu familiarisée avec les questions du Moyen-Orient doit à présent se rendre compte - et Barack Obama semble un gars intelligent - combien il est cynique d’attendre qu’une solution biétatique ait été rendue impossible par la colonisation israélienne de la Cisjordanie, par le pillage et la destruction de Gaza, par la construction du mur de l’apartheid, et par l’expansion du prétendu Grand-Jérusalem, tout en disant que le temps de la paix est venu.

Comme tout président US depuis 1967, Obama a soutenu et soutient toujours Israël en créant les conditions qui rendent la solution biétatique impossible, impraticable et injuste.

Si Obama espère gagner la moindre crédibilité comme faiseur de paix, il faut qu’il inverse la politique de George Bush et s’oppose fortement aux politiques du gouvernement fasciste israélien de Benyamin Netanyahou et Avigdor Lieberman.

Il faudrait qu’il reprenne l’initiative du président vénézuélien Hugo Chavez, à qui il a serré la main à Trinidad. Le Vénézuéla et la Bolivie ont tous deux rompu leurs relations diplomatiques avec Israël après son offensive sur Gaza en début d’année. Mais jusqu’à présent, ces cent premiers jours ont été une grosse déception pour nous, Palestiniens.

La manière dont les organisations de la société civile aux USA se sont opposées à l’apartheid en Afrique du Sud en pressant leur gouvernement de rompre ses liens diplomatiques avec l’Afrique du Sud est le modèle que les Etats-Unis devraient suivre maintenant vis-à-vis d’Israël. Tendez-nous la main dans Gaza assiégé et exigez le retrait immédiat des forces d’occupation israéliennes de Gaza et de Cisjordanie.

Nous devons également exiger qu’Israël respecte le droit international humanitaire et les droits humains et s’abstienne d’imposer un châtiment collectif aux civils palestiniens, conformément à de nombreuses conventions du droit international et aux résolutions des Nations Unies.

Nous devrions exiger qu’Israël libère tous le ministres, parlementaires et prisonniers politiques palestiniens détenus. Il y a plus de 12.000 prisonniers politiques palestiniens. En raison de la couverture médiatique dominante, je sais que tout citoyens étatsunien connaît le nom du soldat israélien capturé Gilad Shalit, mais je ne pense pas que beaucoup connaissent le nom d’un seul des milliers de prisonniers palestiniens, parmi lesquels, soit dit en passant, il y a des centaines de femmes et d’enfants.

Nous devrions exiger la mise en ?uvre de l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice (CIJ) sur le mur de l’apartheid israélien - pour qu’il cesse sa construction et fasse réparation des dommages occasionnés par sa construction. Nous devrions également exiger que les Nations Unies assurent qu’Israël remplisse ses obligations en termes de droit international.

Après l’expérience de la guerre génocidaire contre les civils de Gaza où plus de 1.500 Palestiniens ont été tués, 90% d’entre eux étant des civils, y compris 443 enfants et 120femmes, il nous faut une protection internationale des civils palestiniens dans la Bande de Gaza et la Cisjordanie.

C’est là une tâche urgente. Nous ne pouvons attendre. Chaque jour qui passe, nous entendons que des gens meurent. Hier encore, ma propre cousine, qui a 42ans et souffrait de leucémie, s’est vu refuser un permis pour un hôpital israélien, égyptien ou jordanien. Elle est décédée hier, laissant sept enfants.

Il est temps que la gauche étatsunienne exige que des généraux israéliens, des officiers israéliens et des soldats israéliens soient inculpés pour crimes de guerre devant la CIJ, pour avoir utilisé des bombes à phosphore contre des civils et pour d’autres atrocités.

Si Barack Obama veut montrer son regard libéral sur le monde et sa compréhension du racisme, je pense qu’il devrait sympathiser avec la souffrance des Palestiniens. Il doit prendre conscience qu’il est temps pour nous d’avoir une démocratie civique dans la Palestine historique après le retour de plus de 6 millions de réfugiés palestiniens vivant au sein de la diaspora dans des conditions lamentables.

Le type de stratégie et de tactiques utilisées par la gauche étatsunienne durant les années ’70 et ’80 contre l’apartheid d’Afrique du Sud est essentiel pour promouvoir ces exigences. Nos alliés sont tous les gens opprimés aux Etats-Unis et dans le monde. Parlant des Etats-Unis, c’est une société qui a souffert du racisme au XXème siècle, qui a de nombreux groupes marginalisés, mais qui est aussi multiethnique et multiculturelle.

Les outils mêmes utilisés dans les années ’50, ’60 et ’70 pour obtenir des droits pour la communauté afro-américaine aux Etats-Unis devraient être utilisés pour soutenir la cause palestinienne. Nous devons approcher les églises, les mosquées et autres types d’associations pour promouvoir une culture de la résistance.

Nous devrions exiger l’isolement économique, politique et culturel d’Israël. Je sais que cela ne va pas arriver immédiatement - comme dans le cas des blancs sud-africains, qui ont longtemps été les bienvenus aux USA. Mais à travers un mouvement international ils ont finalement été ostracisés, en particulier dans les domaines des sports et de la culture.

Il faut qu’Israël sente qu’il paie un prix pour ses crimes de guerre contre les Palestiniens, en particulier lors du massacre de Gaza. La gauche étatsunienne a besoin de le comprendre, et pour commencer, de changer sa compréhension du conflit israélo-palestinien - d’un conflit à propos d’un territoire et sur l’indépendance palestinienne à un conflit sur la libération palestinienne.

C’est pourquoi la gauche étatstunienne devrait adopter comme programme le soutien de la solution monoétatique, le soutien de droits égaux et le soutien à la réalisation d’un état israélo-palestinien pour tous ses citoyens. La solution biétatique implique le racisme et la bantoustanisation de la Palestine.

J’ai eu des discussions avec des libéraux et des gauchistes étatsuniens qui croient encore que la solution des deux états est la seule solution viable. Mais les leçons que nous avons apprises à Gaza en 2009 sont les mêmes que celles de Sharpeville en 1960 : c’est qu’il s’agit d’une lutte de libération, une lutte pour la démocratie civique, une lutte pour la transformation de l’entreprise sioniste en Palestine en une démocratie authentique et réelle, ce qui signifie en fin de compte le retour des réfugiés palestiniens.

Actuellement tout cela ne constitue pas une part fondamentale du discours de la gauche étatsunienne. Mais c’est essentiel pour la transformation d’Israël en un état pour tous ses citoyens, indépendamment de leur race et de leur religion. »

Notes :

[1] Israel Shahak est l’auteur du « Racisme de l’État d’Israël » (tr. fr. Guy Authier, 1975)

1° mai 2009 - Socialistworker.org - Vous pouvez consulter cet article à :
http://socialistworker.org/2009/05/...
Traduction de l’anglais : Marie Meert


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