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La société civile montre sa force morale

vendredi 10 avril 2009 - 06h:56

Adri Nieuwhof - The Electronic Intifada

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Israël essaie d’échapper à l’examen de sa politique et de ses pratiques en ne participant pas à Durban II et en pesant, avec succès, sur ses alliés pour qu’ils fassent de même.

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Des Palestiniens autour d’un cratère formé par une bombe israélienne lors d’une attaque aérienne, dans le nord de la bande de Gaza. (Mohamed Al-Zanon/MaanImages)




Au moment où les gouvernements occidentaux évitent d’user de leur pouvoir pour faire cesser les violations permanentes du droit international par Israël, nombre d’organisations de la société civile observent silencieusement la corrosion morale de leurs gouvernements. Lors de la « conférence d’examen d’Israël » à Genève en avril et du Tribunal Russell prévu pour début 2010 cependant, la société civile usera de son pouvoir pour exiger qu’Israël rende des comptes.

La Conférence d’examen d’Israël a été organisée en réaction aux tentatives visant à laisser de côté le dossier des violations systématiques des droits du peuple palestinien lors de la Conférence d’examen de Durban, des Nations unies, qui se tiendra à Genève du 20 au 24 avril prochain. La Conférence mondiale contre le racisme avait, en 2001, adopté un programme d’actions pour combattre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, à Durban en Afrique du Sud. Les progrès réalisés seront mesurés lors de la Conférence d’examen de Durban. Israël essaie d’échapper à l’examen de sa politique et de ses pratiques en ne participant pas à Durban II et en pesant, avec succès, sur ses alliés pour qu’ils fassent de même.

En octobre 2008, le Comité national palestinien pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS), représentant plus de 170 organisations de la société civile palestinienne, a rendu publique une prise de position écrite solide sur Durban II. Le Comité cite de nombreux exemples de discriminations systématiques et institutionnelles par Israël contre le peuple palestinien. Discriminations qui comprennent notamment, la prévention du retour des réfugiés palestiniens, la poursuite de l’appropriation de la terre palestinienne dans les Territoires occupés et en Israël, l’adoption de nouvelles lois discriminatoires limitant les droits humains et civiques fondamentaux des Palestiniens, le siège de la bande de Gaza, la ségrégation et les démolitions continues des biens des Palestiniens en Israël, et le déni des procédures et des recours efficaces auxquels les prisonniers ont droit dans les prisons israéliennes.

Il est évident que les Palestiniens n’ont guère profité d’améliorations vers l’égalité des droits depuis Durban I. Pourtant, la Conférence d’examen de Durban n’abordera pas ce point. Alors, pour être sûre que le traitement du peuple palestinien par Israël sera examiné, la Conférence d’examen d’Israël est organisée par une coalition de la société civile à Genève et prévue les 18 et 19 avril. Les partenaires collaborant à la Conférence sont la BDS palestinienne, le Comité de coordination européen sur la Palestine, le réseau juif international antisioniste et le réseau de coordination international sur la Palestine. Des experts de renommée internationale et des acteurs pour la justice sociale et politique examineront comment les instruments des Nations unies pour la lutte contre le racisme s’appliquent dans le cas de la politique et des pratiques d’Israël à l’égard du peuple palestinien, comment élaborer des recommandations réalisables sur la façon de tenir Israël responsable devant la loi internationale et comment protéger les droits du peuple palestinien.

Le retrait de l’examen d’Israël à Durban II - et la création d’une Conférence d’examen d’Israël - fait suite à l’agression meurtrière d’Israël contre la bande de Gaza au début de cette année, et pose questions sur la capacité des mécanismes internationaux existant à faire rendre des comptes à Israël.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme dans les Territoires palestiniens, Richard Falk, a déclaré que l’offensive d’Israël sur Gaza, densément peuplée, semble constituer un crime de guerre de « la plus grande ampleur ». Falk a également cité le blocus par Israël de la bande de Gaza qui contrevient aux Conventions de Genève. Il a en outre proposé que le Conseil de sécurité des Nations unies mette en place un tribunal pénal ad hoc pour établir la responsabilité dans les crimes de guerre à Gaza. La réticence du Conseil de sécurité à appeler à un cessez-le-feu immédiat mettant fin aux bombardements et aux meurtres dans Gaza ne laisse que peu d’espoir pour qu’une action significative soit engagée au niveau de l’ONU.

L’option de rendre Israël responsable devant la Cour pénale internationale est incertaine. Israël ne reconnaît pas l’autorité de la CPI car il veut traiter à sa manière la question des crimes de guerre. On voit clairement ce que cela signifie à la façon dont Israël traite les graves allégations avancées par les soldats israéliens eux-mêmes, avec une commission sur les crimes de guerres et les infractions graves aux Conventions de Genève dans la bande de Gaza. Après 11 jours d’enquête, l’avocat général Avichai Mandelblit a fermé le dossier. Cependant, l’Autorité palestinienne a déclaré qu’elle reconnaissait l’autorité de la CPI en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, en janvier, avec l’intention de donner compétence à la CPI pour l’ouverture d’une enquête dans la bande de Gaza. Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a annoncé début février qu’il ouvrirait une enquête préliminaire pour savoir si la CPI a autorité pour procéder plus avant. Il existe de sérieux doutes pour que la CPI traduise les complices des crimes de guerre dans Gaza devant le tribunal de La Haye.

Dans le cas où Israël ne serait pas tenu responsable au niveau des organisations internationales, des citoyens ont pris l’initiative de créer un Tribunal Russel pour la Palestine, en réaction à l’impunité d’Israël vis-à-vis de ses violations du droit international. Ce tribunal a pour but de réaffirmer la primauté du droit international comme base de résolution du conflit israélo-palestinien, et il espère faire prendre conscience à la communauté internationale de sa responsabilité dans le déni persistant des droits du peuple palestinien. Des comités d’experts et de témoins établiront les faits et monteront leur argumentation qu’ils présenteront devant le Tribunal Russel, en plusieurs capitales du monde, début 2010. Un jury composé de personnalités reconnues et respectées pour leur haute moralité examinera les rapports et entendra les témoins. Le jury fera connaître ses conclusions, lesquelles recueilleront certainement un très large soutien public et politique international.

Le premier Tribunal Russel, ou Tribunal international pour crimes de guerre, a été créé pour enquêter et évaluer la politique étrangère et l’intervention militaire des Etats-Unis au Vietnam après la défaite des forces françaises en 1954. A la création du Tribunal Russel, Bertrand Russel a cité le procureur général du tribunal pour crimes de guerre de Nuremberg, Robert H. Jackson, qui a déclaré que « Si certains actes et violations des traités sont [qualifiés] de crimes, ce seront des crimes commis par les Etats-Unis ou par l’Allemagne. Nous ne sommes pas préparés pour établir une règle de conduite criminelle contre d’autres [pays] que nous ne sommes pas prêts à voir cités devant nous. »

Les initiatives de la société civile pour la liberté, la justice et l’égalité pour le peuple palestinien confirment que la même chose vaut pour Israël.


* Adri Nieuwhof est consultante et avocate pour les droits de l’homme, elle est basée en Suisse.

Du même auteur :

- Ceux qui se rendent coupables de crimes de guerre devront rendre des comptes - avec Daniel Machover
- De plus en plus de multinationales désinvestissent des colonies israéliennes
- La pression monte sur Veolia
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7 avril 2009 - The Electronic Intifada- traduction : JPP


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