16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Un homme courageux qui seul a fait front. Si seulement le monde l’avait écouté...

jeudi 2 avril 2009 - 07h:20

Robert Fisk

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Tom Hurndall avait seulement 21 ans lorsque, selon les mots de sa mère, il a perdu sa vie par un acte simple, désintéressé, humain, écrit Robert Fisk.

JPEG - 18.6 ko
Tom Hurndall

Je ne sais pas si jai rencontré Tom Hurndall [1]. Il faisait partie d’un groupe « de boucliers humains » qui se sont rendus à Bagdad juste avant l’invasion anglo-américaine de 2003, le genre de personnes dont nous, journalistes professionnels, nous faisions un divertissement. Ecolos [2], et autres plaisanteries.

A présent je souhaiterais l’avoir rencontré car prenant en perspective tout le déroulement de cette guerre terrible, le journal de Hurndall (qui sera bientôt édité) révèle un homme remarquable avec de remarquables principes. « Je pourrais ne pas être un bouclier humain, » a-t-il écrit à 10 heures 26 le 17 mars depuis son hôtel d’Amman. « Et je peux ne pas adhérer à la conviction de ceux avec qui j’ai voyagé, mais la façon dont la Grande-Bretagne et l’Amérique prévoient de se saisir de l’Irak est inutile et met la vie des soldats au-dessus de celle des civils. Pour cette raison j’espère que Bush et Blair auront un procès pour crimes de guerre. »

Hurndall avait bien raison, non ? Ce n’était pas aussi simple que guerre ou pas de guerre, noir ou blanc, écrivait-il. « Ce que j’ai entendu et vu au cours des dernières semaines confirme ce que je savais déjà ; ni le régime irakien, ni les américains ou les britanniques, ne sont nets. Peut-être faut-il que Saddam s’en aille mais... la guerre aérienne qui est proposée est en grande partie inutile et ne fait pas de distinction entre civils et soldats en armes. Des dizaines de milliers de gens mourront, peut-être des centaines de milliers, juste pour épargner à quelques milliers de soldats américains d’avoir à combattre honnêtement, face à face. C’est une faute. » Ah, lesquels parmi mes collègues professionnels ont écrit ainsi à la veille de la guerre ? Peu d’entre eux.

Nous ridiculisions les Hurndalls et leurs amis comme « groupies » même après qu’ils aient brièvement visité la centrale électrique au sud de Bagdad et rencontré un ingénieur, Attiah Bakir, qui avait été horriblement blessé 11 ans plus tôt lorsqu’une bombe américaine a fait pénétré un fragment de métal dans son cerveau. « Vous pouvez maintenant voir où elle a frappé, » a écrit Hurndall dans un courrier électronique envoyé depuis Bagdad, « trouant la partie centrale de son front et enlevant totalement l’os. Au-dessus de la racine de son nez cassé, il y a juste une cavité avec de la peau abimée couvrant l’espace proéminent... »

Une image d’Attiah Bakir s’impose dans le livre, un homme distingué et courageux qui a refusé de quitter son lieu de travail alors que la prochaine guerre s’approchait. Il ne s’est tu que lorsque un des compagnons de Hurndall a fait l’erreur de demander ce qu’il pensait du gouvernement de Saddam. J’ai eu mal pour le pauvre homme. Les « donneurs de leçon » étaient partout ces jours-là. Parler avec n’importe quel civil était presque une folie criminelle.
Il était interdit au Irakiens de parler aux étrangers. De là tous ces sanglants « donneurs de leçon » (beaucoup d’entre eux ont naturellement fini par travailler pour des journalistes à Bagdad après le renversement de Saddam).

Hurndall avait un regard dépassionné. « Je n’ai vu nulle part dans le monde autant d’étoiles comme à présent dans les déserts de l’ouest de l’Irak, » écrivait-il le 22 février. « Comment un lieu peut-il être si beau et si marqué par la terreur et la guerre comme il va bientôt l’être ? » Face aux questions qui leur étaient posées par la BBC, ITV, WBO, CNN, Al-Jazeera et d’autres, Hurndall n’avait pas de réponse simple. « Je ne pense pas qu’il puisse y avoir une, deux ou 100 réponses, » a-t-il écrit. « À chacun sa réponse, mais aucun d’entre nous ne veut mourir. » Mots prophétiques que Tom devait écrire.

Vous pouvez le voir sourire, sans avoir l’air de penser à lui-même, sur plusieurs instantanés. Il est parti couvrir le centre de réfugiés d’Al-Rowaishid et s’est acheminé inexorablement vers Gaza où il s’est trouvé face à l’incommensurable tragédie des Palestiniens. « Je me suis réveillé à environ 8 heures dans mon lit à Jérusalem et j’y suis resté jusqu’à 9 heures 30, » écrit-il. « Nous sommes partis à 10 heures... Depuis lors, on m’a tiré dessus, j’ai été intoxiqué par des gaz, poursuivi par des soldats, des grenades assourdissantes ont été jetées à quelques mètres de moi, j’ai été touché par des éclats... »

Hurndall essayait de sauver les maisons et les infrastructure palestiniennes mais il a fréquemment été exposé au feu israélien et semblait avoir perdu sa peur de la mort. « En approchant le secteur, ils (les Israéliens) ont continuellement tiré des rafales d’une ou deux secondes depuis ce que je pouvais identifier comme étant un véhicule de combat de type Bradley... Il était étrange que tandis que nous nous approchions et que leurs armes tiraient, j’éprouvais des frissons le long de ma colonne vertébrale, mais rien de plus. Nous avons marché au milieu de la rue, portant des vestes orange vif, et l’un d’entre nous a crié dans un porte-voix, ?nous sommes des volontaires internationaux. Ne tirez pas !’ Cela a été suivi d’une autre volée de balles, bien que je ne pouvais en identifier la provenance... »

Tom Hurndall était resté dans Rafah. Il avait seulement 21 ans lorsque — selon les mots de sa mère — il a perdu sa vie par un acte simple, désintéressé, humain. « Tom a été visé à la tête alors qu’il portait un enfant palestinien hors d’atteinte d’un tireur isolé de l’armée israélienne. » Mme Hurndall m’a demandé d’écrire une préface au livre de Tom et cet article est cette préface, pour un homme courageux qui a fait front et a montré plus de courage que celui dont rêvent la plupart d’entre nous. Oubliés les écolos givrés [2]. Hurndall était un homme de bien et de vérité.

[1] Tom Hurndall était militant de l’International Solidarity Movement. Il a été assassiné par un sniper israélien le 13 janvier 2004, à Rafah.

[2] « Tree huggers » [allusion à ceux qui protègent les arbres promis à l’abattage et qui sont considérés comme des trouble-fête]

Du même auteur :

- Le monde occidental devrait avoir honte de sa collusion avec des tortionnaires - 24 mars 2009
- Pourquoi Lieberman est la pire chose qui pouvait arriver au Proche-Orient - 20 mars 2008
- Quand avons-nous cessé de nous soucier de la mort des civils en temps de guerre ? - 2 février 2009
- L’Europe rit tandis que les Palestiniens pleurent leurs morts - 25 janvier 2009
- Gaza : Obama a raté le coche... - 23 janvier 2009
- Et nous nous demanderons pourquoi ils nous haïssent - 8 janvier 2009

28 mars 2009 - The Independent - Vous pouvez consulter à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.