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La vie des femmes palestiniennes sous occupation

jeudi 26 mars 2009 - 06h:33

Samah Jabr - Conférence

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Conférence-débat avec le Dr. Samah Jabr organisée par les associations France Palestine Solidarité et la Pléïade, le vendredi 13 mars 2009 après-midi, au CSCS Jean Paulhan, Mas de Mingue, Nîmes, dans le cadre de la Journée internationale des Femmes.

La vie des femmes palestiniennes sous occupation

Pour aborder ce sujet, Samah Jabr se sert de son histoire et de celle de sa famille :

Elle est la quatrième d’une famille de 5 frères et 5 s ?urs, vivant dans une maison très protégée, loin du discours politique.

Du côté maternel, c’est une famille de réfugiés, expulsés de Jaffa en 1948, d’abord vers Tulkarem, puis à Jérusalem. En 1967, Israël occupe Jérusalem-Est. Un frère de sa mère, 17 ans, responsable d’un attentat contre un bus, est arrêté. Après 20 ans de prison, il est échangé et vit maintenant en exil.

Sa famille paternelle vivait dans un village près de Naplouse où elle travaillait pour le mandat britannique. Maintenant, ses terres ont été presque toutes confisquées et utilisées par les colonies israéliennes (Ariel).

Samah, elle, a fait d’autres choix. En 1982, elle a 6 ans et voit pour la première fois ses parents pleurer. Elle en est marquée, sans savoir qu’il s’agit des massacres de Sabra et Chatila. Elle est adolescente quand commence la première Intifada. A Jérusalem, ils sont mieux protégés. Son école est cependant fermée pendant sept mois et un professeur est tué.

Quand éclate la deuxième Intifada, elle est en cinquième année de médecine à l’Hôpital Am Al Kassem (sur le Mont des Oliviers). Lorsque Sharon se rend à la mosquée Al Aqsa ; elle est de garde à l’hôpital qui reçoit un appel pour les urgences. Elle reste donc sur place et ils reçoivent des centaines de blessés, principalement aux yeux, aux genoux et dans le dos. Cette attaque était visiblement faite pour tuer les Palestiniens.

Elle obtient ensuite une bourse des Etats-Unis pour aller y travailler sur le génie génétique. Elle découvre alors les stéréotypes à propos des Palestiniens et le regard méprisant sur leur caractère, leur culture et leur religion. Un exemple personnel : sur un vol El Al, une couverture a disparu et c’est elle qui est accusée de vol... Elle commence évidemment à écrire en Anglais. Depuis, elle a rédigé environ 500 articles : à la fois une thérapie personnelle et une contribution à la lutte palestinienne.

A l’hôpital, elle observe un gros besoin en psychiatrie, d’où son orientation. Un exemple : Une femme est devenue aveugle sans raison organique. Dernière chose vue : une balle qui pénètre dans l’ ?il de son fils.

Après l’hôpital de Bethléem, elle part à Paris, compléter sa formation. Deux ans et demi après (avec toutes les difficultés de visa parce que palestinienne), elle rentre à Jérusalem où ses parents ont laissé la maison familiale au Nord de la ville à cause du Mur construit contre elle. Ils habitent maintenant un appartement qui représente 20 % de la capacité de la maison. Elle découvre aussi une ville morcelée, géographiquement et démographiquement.

Actuellement, elle dirige deux Centres Médico-Psychiatriques, à Ramallah et à Bethléem (financé par la ville de Cologne en Allemagne). A Paris, ils recevaient 5 patients par jour. A Ramallah, 50 à 60 (parfois plus) par jour, avec 7 personnes, psychologues et travailleurs sociaux, soccupant de 400 patients.

En Palestine, il y a environ 12 psychiatres pour 3 millions et demi d’habitants. Ceci dans un contexte très violent : chômage, armée d’occupation, agressions... Les blessures sont terribles, physiques et morales. Les checkpoints (environ 650, sans compter les barrages flottants) sont de plus en plus sophistiqués, avec radios, chiens, déshabillage...

Samah élargit son travail par l’écriture d’articles car elle veut informer et créer des ponts.

Mais, dès qu’elle veut voyager, elle a toutes les difficultés des Palestiniens : elle est considérée comme apatride (ou parfois Jordanienne). Et pourtant sa qualité de médecin, de résidente de Jérusalem et ses relations avec les Etats-Unis lui facilitent comparativement les choses.

Sa grand-mère est morte il y a 15 jours. Après l’arrestation de son fils pour attentat, sa vieille et belle maison n’avait pas été détruite parce que faisant partie du vieux Jérusalem. Mais elle avait été fermée. A Jaffa, son arrière grand-mère possédait des bateaux pour exporter les oranges. Trois immigrants juifs travaillaient pour elle. En 1948, ils ont utilisé des armes pour la chasser de chez elle. Lors de l’enterrement de sa grand-mère, le cercueil a été arrêté et fouillé, et les hommes empêchés de prier à Al Aqsa. Où l’on retrouve l’atteinte à la dignité, non seulement des vivants, mais aussi des morts.


Les défis des femmes en Palestine

Ils sont très différents de ceux des femmes en Occident. Dans les laboratoires de Palestine, il y a plus de femmes que d’hommes : les hommes sont en prison, ou bien essaient de gagner leur vie, souvent dans des travaux physiques, permettant ainsi aux femmes d’étudier. Le caricaturiste le plus connu est une femme, à Gaza.

Après le massacre, l’Europe se donne bonne conscience avec de l’argent sous conditions, en passant par des ONG, entre autres projets, pour réduire la fertilité des femmes palestiniennes. L’utérus palestinien est décrit comme « bomb uterus ». Ces femmes ressentent la guerre comme un génocide ethnique. Donc, elles font plus d’enfants. Au début de la deuxième Intifada, la reine de Suède avait parlé des femmes palestiniennes comme sous-humaines parce qu’elles laissaient leurs enfants dans les rues...

Les femmes ont moins de blessures physiques que les hommes, mais plus de blessures psychiques. Cependant, elles sont plus résilientes que les hommes. Elles continuent à s’adapter. Avoir des enfants morts, des maris emprisonnés sont des expériences très répandues. Même sans éducation, elles s’adaptent, trouvent du travail. La psychopathologie est l’exception, la résilience la norme.

Pendant l’agression sur Gaza, Samah a lu toute la presse internationale. Elle en déduit que c’est l’extérieur qui est fou, pas la Palestine. Israël a bombardé des gens enfermés et affamés. Les journalistes internationaux ont été interdits.

A propos des récentes élections israéliennes, elle fait un parallèle avec les élections palestiniennes qui avaient vu la victoire du Hamas, et elle constate qu’il y a deux poids, deux mesures. Avigdor Lieberman, leader de « Israel Beitenou“ (15 sièges à la Knesset) est membre d’un mouvement interdit en Israël et qui voulait utiliser l’arme atomique contre Gaza...

Après trois ans de blocus, Gaza a subi un carnage. Début 2008, pendant la trêve, les colonies ont poussé comme jamais et les checkpoints sont devenus encore plus stricts. On ne peut pas soigner les malades sans soigner le contexte. La communauté internationale est très malade, sans parler de la psychopathologie des Israéliens. L’international prend les symptômes d’Israël.

Les Etats-Unis donnent de l’argent à Israël pour les armes.

L’Europe donne de l’argent pour la reconstruction, sous condition de travailler avec les « modérés ».

Après projection de photos de femmes palestiniennes sous occupation

Questions - réponses

  • Un seul Etat : c’est la seule solution moralement et pratiquement correcte. Les territoires palestiniens n’ont pas de continuité géographique. Ce sont des bantoustans. Les terres agricoles, les puits... ont été volés. Les accords d’Oslo donnaient 22 % pour la Palestine, maintenant il en reste moins de 9 %. Les Palestiniens seraient les larbins des Israéliens qui vivent dans un Etat qu’ils veulent exclusivement juif. Il faut donc déconstruire l’occupation et avoir un Parlement commun. Les Palestiniens ne souhaitent pas jeter les Israéliens à la mer. C’est plutôt l’inverse.
  • Les Etats arabes sont soumis aux Etats-Unis, leur population non. La porte de Rafah a été fermée. Il faut continuer le travail de fourmi quotidien. Les médias israéliens pilotent les médias occidentaux.
  • L’information ne doit pas rester interne à l’AFPS. Il faut la diffuser. Attention à la spécialisation et à la focalisation.
  • Pour avoir un seul Etat, il faut d’abord obtenir la sortie des soldats israéliens et une réhabilitation psychique. Imiter l’Afrique du Sud et son Comité « Vérité et Réconciliation ». Il faut un Nuremberg palestinien. Israël doit payer le prix. Pas de paix sans excuses historiques et jugement.
  • Nous devons faire pression sur nos gouvernements et sur l’Europe.
  • Une pétition est prête pour l’Europe. Ne faut-il pas passer par deux Etats avant un seul Etat ?
  • Le père de Tzipi Livni était responsable de l’attentat contre le King David.
  • Comment aider ici ? Il faut continuer la solidarité et ne pas prendre de position qui divise les Palestiniens. La démocratie est un long travail. Il faut cultiver la patience, pas le découragement et résister au contexte pathologique. C’est un travail incessant pour les générations suivantes.
  • Envers la communauté arabo-musulmane, il faut avoir une perspective plus large et très humaine. Et il faut soutenir les Palestiniens pour la bonne cause, pas contre les Israéliens.
  • Le problème Fatah/Hamas : il s’agit d’une situation très classique dans un contexte de colonisation. D’où le piège de la collaboration avec Israël et les Américains. Sans oublier l’impact du refus international du résultat électoral. Il y a un essai de gouvernement uni palestinien... assorti des menaces d’Hilary Clinton.
  • Le boycott : c’est le minimum que l’on puisse faire. Il faut l’imposer, comme en Afrique du Sud. Il faut aussi écrire aux journaux.
  • Le défi des femmes palestiniennes est différent d’ailleurs. Pour elles, il n’y a pas de contradiction entre travail pour la liberté nationale et vie personnelle. Depuis le mandat britannique, elles sont impliquées dans toute la résistance.
  • Il existe un groupe israélo-palestinien contre l’occupation psychoactive pour créer les conditions de reconstruction.
  • Le soutien est nécessaire sous tous ses aspects : culturel, politique, commercial.
  • Attention au ticket de gauche israélien qui a vu la colonisation, le mur, la guerre au Liban, Gaza...
  • La question du mariage : à une question plus personnelle, Samah répond qu’elle n’est pas mariée, qu’elle est une célibataire en espoir de trouver le « bon » partenaire. Mais, à Jérusalem vivent 120 000 Palestiniens, ce qui offre un choix limité. Et si on choisit quelqu’un d’une autre ville... on est expulsé.


    Pour terminer cette rencontre, Samah nous apprend une vieille chanson palestinienne que lui chantait sa grand-mère et que nous reprenons tous ensemble.

Notes prises par Jacqueline Charretier


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