La chasse au mirage au Proche-Orient
lundi 23 février 2009 - 14h:01
Hasan Abu Nimah - The Electronic Intifada
Même droitier, colonisateur et belliciste, un gouvernement israélien sera accueilli chaleureusement par la « communauté internationale » comme un gouvernement de paix, écrit Hasa Abu Nimah.
- Chasse au mirage : Bush, Abbas et Olmert se rencontrent pour faire avancer le « processus de paix » à Annapolis, USA, en 2007 (Dennis Brack/Sipa Press)
Je me souviens d’avoir appris à l’école l’effet mirage. Cela ne m’avait jamais frappé comme étant réel ou possible, mais seulement théorique. Plus tard, jeune diplomate, j’ai souvent roulé d’Amman au Koweit via Bagdad. Dans la plate infinité du désert, j’ai vu de larges zones de ce qui semblait être une eau bleue ondulant doucement. Jamais je ne pouvais atteindre cette eau, mais jamais elle ne disparaissait. Grâce à ces leçons de physique scolaire que je me rappelais bien, j’ai su que c’était là effectivement un mirage. Ce fut donc une fascination sans aucune déception.
Le mirage de la paix, cependant, n’est que pure déception, sans la moindre fascination. Le prétendu « processus de paix » et les négociations qui en découlent sont devenus depuis belle lurette des fins en soi : profitables aux seuls participants et cache-fiasco pour toutes les personnes qui sont concernées. Pour Israël, il est idéal de donner l’impression d’être engagé dans des discussions de paix, tout en continuant à occuper et à coloniser les Palestiniens en déniant leurs droits, comme si la situation sur le terrain n’avait aucun effet sur les négociations elles-mêmes. Pour l’Autorité Palestinienne, qui a totalement échoué (en raison de sa propre corruption autant que de l’occupation israélienne) à encaisser le moindre bénéfice réel pour le peuple palestinien, la poursuite de négociations est devenue sa seule et unique raison d’exister, et pour ceux qui la contrôlent, la seule manière de gagner leur vie.
Quand le processus de paix relancé à Annapolis en 2007 fut allé droit dans le mur, ceux qui avaient rallié un soutien international massif en sa faveur, prétendant que c’était la toute dernière chance de réaliser la solution bi-étatique conforme à la vision de Bush, n’eurent rien à présenter après toutes leurs promesses. Alors ils prétendirent vaguement qu’Annapolis avait posé les fondations de la paix rêvée, sur lesquelles on pouvait maintenant construire. La promesse de l’ex-président étatsunien George W. Bush d’établir un état palestinien avant la fin de son mandat se métamorphosa en une promesse de simple « définition » d’un tel état. Mais même cet objectif vague et insignifiant ne put se réaliser.
Annapolis n’était qu’un exercice pour gagner du temps pour une bande d’opérateurs internationaux dont le seul souci se réduisait à faire revivre et à réinventer sans cesse le processus de paix sans jamais entreprendre une évaluation sérieuse sur les raisons de l’échec de tant d’efforts, ou sur les risques de poursuivre sur la même voie. Annapolis n’a jamais tenu aucune promesse et n’a posé aucune fondation pour la paix. Son seul résultat fut de procurer à Israël l’assurance nécessaire d’être immunisé une année de plus contre toute pression visant à limiter son agression coloniale contre les Palestiniens, grâce à cette couverture de réunions stériles mais régulières entre responsables israéliens et palestiniens.
Pour tout le reste, y compris la « communauté internationale » et les états arabes, l’idée que les parties étaient engagées dans des négociations - aussi transparente qu’ait été l’illusion - a suffi pour les exempter de toute action réelle dans la poursuite de la paix. Actions qui comprendraient, par exemple : demander réellement des comptes à Israël responsable d’incessantes violations du droit international, reconnaître que toute action doit se baser sur le constat qu’il y a un occupant et un occupé, un violeur et un violé, un agresseur et une victime, au lieu d’un discours qui continue à prétendre qu’il y a deux parties égales (ou, comme c’est la mode depuis un moment, que les Palestiniens sont l’agresseur et qu’Israël est la victime, qui doit être protégée par des navires de guerre et des « moniteurs » européens).
Il y a donc eu une chasse sans fin au mirage par des gens qui savent ou qui devraient savoir ce que c’est qu’un mirage, mais qui continuent pourtant à répéter que l’eau est réelle et qu’ils vont bientôt en boire. L’industrie du processus de paix a maintenant transféré leur attention sur le Président Barack Obama. Ils continuent de scruter le moindre geste « utile », le moindre « pas » insignifiant, les analysant pour les ajouter à des montagnes d’espoirs et d’attentes - tandis que tous les indicateurs plus clairs et plus affirmés du non-changement de cap de la politique étatsunienne, ils les ignorent ou les font passer pour de la rhétorique de campagne.
Nous sommes maintenant arrivés à un point où tout revers est réinterprété comme une « fenêtre d’opportunité ». Prenons par exemple les récentes élections israéliennes. Comme si les cohortes « d’experts » apparaissant tout au long de la journée sur des chaînes satellites affamées d’analyser et d’évaluations n’arrivaient pas à satisfaire la demande, la recherche de nouvelles recrues est en cours. A une exception près, lorsque j’ai répondu par téléphone à quelques questions pour le quotidien jordanien Al-Ghad, j’ai refusé de multiples offres de participation à des débats sur les résultats des élections israéliennes. J’ai exprimé mon opinion persistante que les résultats des élections israéliennes n’auraient aucun effet sur le processus de paix tout simplement parce que le processus de paix est mort depuis longtemps et parce qu’un régime plus extrémiste à Tel Aviv ne pourrait pas rendre plus mort encore quelque chose de déjà mort.
Les dirigeants des trois principaux partis : Kadima, Likoud et Israël Beiténou ont non seulement proclamé haut et fort leur adhésion à des politiques qui rendent la paix impossible, mais ils surenchérissent chacun avec des promesses qui s’éloignent des plus minces inflexions des précédentes administrations en direction de la paix. Il n’y a pas de choix en Israël entre modération et extrémisme, mais uniquement entre différents arômes de l’extrémisme.
La vérité qu’aucun n’oserait prononcer, c’est que le Hamas, avec son offre de trêve de longue durée avec Israël, et sa disponibilité à reconnaître les frontières de 1967, est bien plus modéré et conciliant que tout autre parti juif israélien important.
Mais l’industrie du processus de paix sera toujours disposée à dénier la réalité et à poursuivre la chasse au mirage. Israël dans son ensemble est si extrémiste et intransigeant que même un gouvernement d’unité nationale (Kadima et Likoud) droitier, colonisateur et belliciste serait accueilli chaleureusement par la « communauté internationale » comme un gouvernement de paix pour lequel nous devrions être reconnaissants et disposés à nous engager. Bien sûr ils diront - comme toujours - que ce n’est pas le moment de faire pression sur Israël sans quoi nous risquerions de finir avec un gouvernement qui serait pire ! Même les mois que prendrait la formation d’un gouvernement israélien ne seraient pas un problème. Ce serait un parfait alibi pour un spectacle qui doit continuer.
Je souhaite que nous puissions chasser ces politiques ratées et leurs auteurs comme les guignols qu’ils sont. Mais ceux qui paient le prix de tant de négligence, de complicité, de manque de courage et d’absence de responsabilité de la communauté internationale, ce sont des gens innocents, le plus effroyablement à Gaza. Leur réalité, leur colère, leur résistance, sont de celles que le mirage ne parvient pas à dissimuler plus longtemps.
* Hasan Abu Nimah est l’ancien représentant permanent de la Jordanie aux Nations-Unies. Cet article est paru initialement dans The Jordan Times et est republié avec l’accord de l’auteur.
18 février 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Marie Meert