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« La poigne invisible » d’Israël sur Gaza

samedi 20 janvier 2007 - 07h:54

Laila El-Haddad

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Israël contrôle avec « une main de fer » la vie dans Gaza en dépit de son « désengagement » du secteur depuis maintenant plus d’une année, selon un nouveau rapport publié par des organisations israéliennes de défense des droits humains.

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Une fillette à proximité du mur de Rafah - Photo : Stopthewall.org

Malgré le retrait des implantations coloniales illégales et de la présence militaire permanente dans la bande de Gaza en août 2005, Israël poursuit l’occupation sous une nouvelle forme, d’après le rapport publié ce mercredi [17 janvier].

« Israël n’a pas desserré son contrôle sur Gaza mais a plutôt retiré quelques moyens de contrôle tout en accentuant d’autres contraintes, » explique le rapport Disengaged Occupiers : the Legal Status of Gaza présenté par Gisha [le Centre légal pour la Liberté de Mouvement], une organisation défendant les droits de l’homme et basée à Tel Aviv.

Au lieu de cela, Israël « a changé la manière dont le contrôle se fait », dit le rapport.

Ceci inclut le contrôle : de l’espace aérien de Gaza, de ses eaux territoriales, de ses frontières, du mouvement des marchandises et des personnes, du système d’imposition, de la politique fiscale et de l’enregistrement de la population.

« Israël contrôle Gaza par une sorte de ?de main invisible’, qu’il est difficile de percevoir directement mais qui est intensément ressentie par les habitants de Gaza qui savent que leur capacité à faire des choses de base - achetez le lait, allumez les lumières électriques, voyager à l’étranger - dépend des décisions prises par Israël, » a expliqué Sari Bashi, directeur de l’institut et co-auteur du rapport lors d’une entrevue avec Al Jazeera.

Le rapport met en évidence qu’Israël n’a jamais cédé son contrôle sur Gaza et reste plus que jamais responsable du bien-être de ses habitants aux yeux du droit international.

Israël a réalisé son « dégagement » de la bande de Gaza, un plan concocté par l’ancien premier ministre israélien Ariel Sharon, le 12 septembre 2005 en procédant au déplacement des implantations coloniales israéliennes illégales ainsi que des installations militaires permanentes qui s’y trouvaient.

Tel Aviv a affirmé que ce retrait reprédentait la fin à son contrôle militaire sur Gaza et Sharon avait déclaré dans un discours à l’ONU « la fin du contrôle et de la responsabilité des israéliens sur la bande de Gaza ».

Mais les politiques israéliennes de contrôle et de bouclage n’ont fait que se développer et devenir plus rigoureuses depuis cette époque, et l’occupation est très loin d’avoir cessé selon Bashi.

« Une université de Gaza ne peut pas recevoir la visite d’un conférencier étranger sans qu’Israël ne lui accorde un permis ; une mère de Gaza ne peut pas enregistrer son enfant à l’état civil palestinien sans approbation israélienne ; et un pêcheur de Gaza ne peut pas pêcher au-delà de la côte de Gaza sans la permission d’Israël, » dit-elle encore.

Bashi indique aussi que le rapport de 100 pages produit par Gisha, qui est basé sur des documents militaires israéliens internes et publics et de larges interviews, « remet en cause l’affirmation des israéliens et même de quelques personnes définissant la politique internationale que le désengagement israélien aurait mis un terme à l’occupation de Gaza ».

Fiction

Après son dégagement de Gaza, la position du gouvernement israélien a toujours été qu’Israël n’avait plus le contrôle du territoire et ainsi ne portait plus aucune responsabilité légale sur le bien-être de ses résidants, les laissant dans un vide juridique et politique.

D’après Bashi, cette position n’est pas soutenable.

« Ils ne peuvent pas gagner sur les deux tableaux. Israël s’estime tranquille après avoir déclaré que Gaza n’était plus occupée, en partie pour éviter que des questions soient posées au sujet de son contrôle permanent sur Gaza - contrôle qui a largement contribué à la crise humanitaire qui y sévit aujourd’hui. »

« La Communauté Européenne et beaucoup de monde dans la communauté internationale agissent encore selon la réalité, à savoir que Gaza est toujours occupée. La position israélienne selon laquelle il n’y a plus de contrôle sur Gaza et que par conséquent ne subiste aucun engagement [israélien vis-à-vis de habitants de Gaza] - devrait à mon sens susciter des questions parmi les personnes qui dirigent la politique internationale. »

« Dans le contexte politique actuel, la position israélinne signifie aussi que Gaza est coupée de fait de la Cisjordanie. »

Le point d’entrée commercial principal de Gaza a été bouclé plus de la moitié du temps depuis le désengagement, selon une évaluation de l’ONU, et en conséquence seulement 4% des récoltes de la bande de Gaza ont pu être exportés.

Le rapport présente le cas de Yunis Abu Shabana, un fermier palestinien qui exporte des cerises-tomates et des poivrons doux vers l’Europe, comme exemple de la façon dont la fermeture pénalise les Palestiniens.

Shabana a déclaré : « Janvier passé, j’ai eu 40 tonnes de produits en attente d’être transportés au poste frontière de Karni... Après 20 jours d’attente, la production a due être détruite.

« En ce moment, mes ouvriers ne travaillent pas et je vais devoir détruire la production qui reste dans les ateliers et les serres. »

Poste-frontière de Rafah

En outre, Israël maintient son contrôle sur Rafah, l’unique point de passage frontalier permettant aux habitants de sortir de Gaza.

Ce passage a été ouvert moins de 14% du temps depuis juin 2006, et son utilisation est limitée aux détenteurs de cartes d’identité émises à Gaza - limitation qu’Israël continue à imposer en dépit de son désengagement.

Le rapport étudie le cas des Palestiniens habitant dans Gaza qui « n’existent pas », puisque Israël ne les identifie pas et impose des cartes d’identité ou permis de réunification familiale.

Des dizaines de milliers de Palestiniens entrent dans cette catégorie, selon le ministère palestinien des Affaires Civiles.

Une Palestiniennne se trouvant dans ce cas est Mirvant Alnahal, âgé de 31 ans - une ancienne avocate et mère de trois enfants qui est entrée à Gaza avec un permis de visite en 1994.

Mirvant Alnahal est citée le rapport : « La carte d’identité de mon mari indique qu’il est marié, mais la case pour le nom du conjoint est blanche. Mes enfants sont nés à Gaza d’une mère qui, officiellement, n’existe pas ».

Les autorités israéliennes ont refusé de renouveler le permis d’Alnahal ou de lui fournir un statut de résidente dans Gaza.

« Depuis que je suis arrivée à Gaza, je suis emprisonnée ici. Je ne peux pas partir, par crainte qu’on ne me permette pas de revenir, » explique-t-elle.

Les voyages entre Gaza et la Cisjordanie ont également été extrêmement limités.

D’après le rapport, toutes ces actions, en plus du refus d’Israël de reverser les recettes fiscales palestiniennes ont provoqué une crise économique et humanitaire sans précédent dans Gaza.

Le rapport conclut en disant que puisque Israël maintient un strict contrôle sur la bande de Gaza, en vertu du droit international et jusqu’au moment où le contrôle complet du territoire sera réellement abandonné, Israël doit alors respecter plusieurs engagements concernant les conditions de vie des habitants.



Laila El-Haddad, journaliste, blogueuse et mère.

Consultez son site : http://a-mother-from-gaza.blogspot.com/

19 janvier 2007- Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction : Claude Zurbach


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