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Déconstruire le « droit d’exister » d’Israël

dimanche 8 février 2009 - 21h:18

Rannie Amiri

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« Il n’y avait rien qui ressemblât à des Palestiniens... Ils n’existaient pas. » -
Golda Meir, ancien Premier ministre israélien
(The Sunday Times, 15 juin 1969)

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"J’opprime, donc j’existe !"


Gaza est en plein émoi avec toute cette activité

Les groupes humanitaire et les organismes de secours tentent de passer à travers les goulots d’étranglement israéliens et égyptiens pour apporter leurs aides si nécessaires ; des avions de combat bombardent les tunnels et tuent des « militants » pendant qu’Ehud Olmert affirme qu’il respecte le cessez-le-feu ; des avocats internationaux pour les droits de l’homme s’affairent à recueillir des témoignages et à rassembler des preuves pour de futurs procès pour crimes de guerre ; des civils palestiniens reviennent à leurs maisons démolies pour en fouiller les décombres et pleurer leurs morts ; et d’intenses discussions se déroulent au Caire avec l’espoir qu’une trêve de longue durée sera négociée entre Israël et le Hamas.

Mais, même si toutes les questions en suspens de la bande de Gaza se résolvaient comme par miracle à la satisfaction de Tel Aviv, Israël trouverait toujours un prétexte pour continuer ses agissements contre le Hamas et le peuple de Gaza.

Pourquoi ?

Parce qu’ils n’ont pas encore reconnu le « droit d’exister » d’Israël.

La satisfaction de cette construction abstraite, obscure, est une exigence immuable et de longue date des Etats-Unis et d’Israël pour que des discussions sérieuses puissent s’engager avec le Hamas, ou tout autre groupe se revendiquant de la résistance.

Et pourtant, selon moi, pratiquement tous les Palestiniens ont, de facto, déjà accepté l’ « existence » d’Israël.

En effet, car ils peuvent soutenir ceci :

  • N’avons-nous pas reconnu l’ « existence » d’Israël alors que nous savions que c’était Israël qui, pendant 18 mois, empêchait la nourriture, les médicaments, le carburant, l’électricité et l’eau potable d’arriver dans la bande de Gaza, provoquant une catastrophe humanitaire ? et que c’était Israël qui, ensuite, bombardait et envahissait une population sans défense, tuant plus de 1 300 personnes et en en blessant des milliers d’autres - la plupart étant des civils ?
  • N’avons-nous pas reconnu l’ « existence » d’Israël alors que nous savions que c’était Israël qui lançait du phosphore blanc sur notre peuple, provoquant des brûlures si graves qu’elles pénétraient jusqu’à l’os à travers la peau et les muscles ?
  • Les Samouni, du quartier de Zeitoun à Gaza ville, n’ont-ils pas reconnu l’ « existence » d’Israël quand 110 membres de leur grande famille furent regroupés par des soldats israéliens à l’intérieur d’un entrepôt, sans nourriture, sans eau ni chauffage, pendant 24 heures, et que le bâtiment où ils étaient enfermés fut bombardé le lendemain, et que 30 d’entre eux furent massacrés ? quand les ambulances furent empêchées pendant quatre jours d’arriver jusqu’à eux parce que les soldats, à 100 mètres de là, avaient posé des barrages de terre pour les bloquer, délibérément ? Et ces quatre petits enfants trouvés affamés et blottis contre le cadavre de leur maman, et ces blessés qui durent être ramassés avec des charrettes à ânes parce que les ambulances n’étaient toujours pas autorisées à approcher ? Tous, n’ont-ils pas témoigné de l’ « existence » d’Israël ?
  • Et Khaled Abed Raboo, n’a-t-il pas reconnu l’ « existence » d’Israël alors qu’il se tenait à l’extérieur de ce qui restait de sa maison, à Jabaliya, et que des soldats israéliens, avec un char d’assaut, lui ordonnèrent, à lui, à sa mère, à son épouse et à leur trois enfants de déguerpir ? et alors que, pendant qu’ils s’exécutaient en agitant des drapeaux blancs, ses trois enfants furent mitraillés ? Mr Abed Raboo n’a-t-il pas reconnu l’ « existence » d’Israël quand il vit les soldats des Forces de défense israéliennes (les FDI), à 15 mètres seulement, abattre ses deux filles de deux et sept ans, et blesser grièvement la troisième ? A-t-il dû assister à cette tuerie de ses propres enfants, à bout portant, sous ses yeux, parce qu’il n’avait pas accepté qu’Israël « existe » ?
  • Les résidents de Khuza’a n’ont-ils pas reconnu l’ « existence » d’Israël quant leur village subit, par les forces israéliennes, un assaut de 12 heures où 14 d’entre eux trouvèrent la mort ? Et ces maisons rasées aux bulldozers avec des civils à l’intérieur, et ces assassinats de gens qui brandissaient des drapeaux blancs, et ces tirs sur une ambulance qui essayait d’évacuer un blessé, et ces bombardements de maisons avec du phosphore blanc, qu’en dites-vous, cela ne suffit-il pas pour qu’ils aient dit, oui, nous reconnaissons que vous « existez » ?
  • Et à propos de ceux qui s’étaient réfugiés dans l’école Al-Fakhoura, à Jabaliya ? quand l’école fut bombardée par les FDI et que 43 Gazaouis qui avaient fui leur domicile furent tués ? Leurs parents survivants n’ont-ils pas suffisamment reconnu que la cause de leur douleur indicible, c’était l’ « existence » d’Israël ?
  • L’ « existence » d’Israël n’a-t-elle pas été confirmée par la famille A’aiedy, cette famille dont la maison fut touchée par un obus des FDI qui blessa deux vieilles femmes de 80 ans et trois de leurs petits-enfants ? qui ont dû attendre 86 heures avant d’être secourus parce que l’armée n’autorisait pas les ambulances à les évacuer vers un hôpital, ni quiconque à sortir de la cour pour aller tirer de l’eau ?
  • L’ « existence » d’Israël n’a-t-elle pas été reconnue par tous ceux qui, en Cisjordanie, sont contraints de se déplacer sur des routes différentes de celles des citoyens israéliens ? et de négocier un dédale de check-points où ils subissent des fouilles humiliantes et où ils sont retardés, rien que pour pouvoir se déplacer de quelques miles ? Et ces femmes qui furent obligées d’accoucher à un check-point, et souvent avec une fausse couche, est-ce parce qu’elles avaient oublié l’ « existence » d’Israël ? Et que dites-vous de tous ceux qui sont séparés de leurs fermes et de leurs moyens de vivre par la « clôture de sécurité » d’Israël ?

En vérité, les privations et les souffrances endurées par tous les Palestiniens qui ont vécu, ou qui vivent, sous occupation israélienne, ne suffisent-elles pas pour prouver qu’Israël « existe » ?

Cependant, si reconnaître le « droit d’exister » d’Israël veut dire accepter que quiconque est juif peut automatiquement devenir citoyen d’Israël et vivre sur la terre, et dans certains cas dans la maison même, d’une famille palestinienne qui y a vécu pendant des générations ; si cela veut dire renoncer au droit de dire « Ceci était ma terre et ma maison avant que vous ne me les enleviez » ; si cela veut dire abandonner le droit de revenir en Palestine alors qu’on a les actes de propriétés et les clés dans les mains, qu’on demande aux familles nouvellement arrivées d’Angleterre, de Russie, du Maroc ou d’Ethiopie, qu’est-ce qui vous donne le droit de vivre sur la propriété de ceux qui ont été expulsés par la force ; si cela veut dire refuser l’existence même de la Palestine et des Palestiniens - comme Golda Meir tenta de le faire par l’effacement de leur histoire, de leur culture et de leur mémoire collective...

...alors non, Israël n’a pas le « droit d’exister ».


Rannie Amiri est journaliste indépendant pour le Moyen-Orient. Il a écrit cet article pour PalestineChronicle.com. Il peut être contacté à l’adresse : rbamiri@yahoo.com.

Du même auteur :

- Le silence mortel des Arabes
- Le langage comme instrument du crime

6 février 2009 - PalestineChronicle - photo via Google - traduction : JPP


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